«Un accident cardiovasculaire pour 100 injections. La santé de nos enfants vaut plus que des vaccins expérimentaux». Des habitants de Toulouse ont récemment constaté sur les réseaux sociaux la présence de ces slogans sur des panneaux publicitaires visibles dans la ville rose.
Ces messages antivaccins contre le Covid-19 sont signés par le «Conseil scientifique indépendant», sur lequel CheckNews s’était déjà penché, ainsi que les collectifs Réinfo Covid et Réinfo Liberté, composés de professionnels de la santé critiques de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire et de la vaccination. Ces réunions comptent parmi leurs membres des figures relayées par les «antivax», notamment Louis Fouché, médecin anesthésiste-réanimateur, ou le professeur Christian Perrone.
L’affirmation figurant sur ces panneaux est sourcée par un lien, qui renvoie vers la «base de données européenne des rapports d’effets indésirables susceptibles d’être liés à l’utilisation de médicaments», tenue par l’Agence européenne des médicaments. Le site, dès la première page, précise cependant les précautions liées à l’interprétation des effets indésirables qui y sont recensés : «Les informations sur les effets indésirables déclarés ne doivent pas être interprétées comme signifiant que le médicament ou la substance active provoque l’effet observé ou que son utilisation présente un risque.» Le message est loin de celui relayé par l’affiche.
En bas à droite est inscrite une mention appelant à «retrouver [les] articles scientifiques et les vidéos du conseil scientifique indépendant sur reinfocovif.fr». Sur ce site sont publiés des articles opposés à la vaccination contre le Covid-19, allant à l’encontre des politiques de santé publique : «vacciner les femmes enceintes est une folie absolue», «et si vous découvriez que même le masque de votre chirurgien ne protège pas des infections ?», entre autres.
Examen des voies juridiques
Si des internautes évoquaient la présence de «100 affiches» dans la ville, la mairie, contactée par CheckNews, estime dans un premier temps n’en avoir observé qu’une seule, installée sur le boulevard de l’Embouchure, dans le quartier des Minimes, depuis fin juillet. Alertée depuis par des «signalements des habitants» et de nouveaux messages diffusés sur les réseaux sociaux depuis lundi, l’administration a renvoyé une équipe sur le terrain afin de recenser les panneaux concernés. Elle estime mercredi leur nombre à huit.
Comment ces panneaux ont-ils pu librement être installés ? «Le maire n’a aucun levier là-dessus», insiste la municipalité, qui explique avoir un pouvoir limité sur la diffusion de ces affiches. «Nous ne pouvons pas être informés au préalable de l’installation d’une telle campagne, ni avoir un droit de regard sur son contenu, car elle est réalisée sur des emplacements publicitaires privés», précise l’administration auprès de CheckNews.
D’un point de vue juridique, c’est le chapitre premier, «Publicité, enseignes et préenseignes», du code de l’Environnement qui encadre les règles de l’affichage sur la voie publique. L’objectif de ce texte est d’assurer la «protection du cadre de vie». Il se borne au lieu de l’implantation et au format des publicités, sans évoquer le contenu des messages diffusés. Ainsi, l’article L581-1 dispose que «chacun a le droit d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, d’enseignes et de pré-enseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre».
La municipalité affirme ne pas pouvoir intervenir, excepté si l’affichage provoque un trouble à l’ordre public, ce qui entrerait dans le cadre des pouvoirs de police générale du maire. «Ce n’est pas le cas actuellement, nous n’avons reçu aucune plainte sur ces affiches, mais nous travaillons toujours avec nos services juridiques, ainsi qu’avec la préfecture pour savoir si un autre levier est possible pour retirer ces affiches», affirme la mairie.
Le préfet de la Haute-Garonne, le directeur général de l’Agence régionale de santé Occitanie et le président du Conseil départemental de l’ordre des médecins ont réagi par un communiqué de presse commun, envoyé mercredi. Ils «condamnent fermement» cette campagne d’affichage, «qui a pour objectif de diffuser des informations mensongères sur un sujet crucial de santé publique». La préfecture indique également avoir «demandé aux forces de sécurité de dresser des procès-verbaux de constatation afin de déterminer très précisément les lieux d’implantation de ces affiches». La préfecture, l’ARS ainsi que l’ordre départemental des médecins ont enfin annoncé «examiner les voies juridiques susceptibles d’être poursuivies contre les auteurs de ces affiches et ceux qui les ont laissées apposer».
La secrétaire d’état en charge de la Citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur, Sonia Backès, a annoncé sur twitter, le 19 août, avoir «demandé au préfet d’utiliser les voies de droit appropriées», pour mettre fin à la campagne. «Un arrêté d’interdiction sera pris, et un signalement adressé au Procureur de la République», a-t-elle précisé, appelant à stopper «la désinformation».
Alertée sur la campagne d'affichage anti-vaccination en cours à Toulouse, j'ai demandé au préfet d'utiliser les voies de droit appropriées pour la faire cesser. Un arrêté d'interdiction sera pris, et un signalement adressé au Procureur de la République. Stop à la désinformation ! pic.twitter.com/rzE6hHml0j
— Sonia Backes (@SoniaBackes) August 19, 2022
Professionnels de santé mobilisés
Contacté par CheckNews, le président de Réinfo Liberté, Vincent Pavan, confirme que son association est à l’origine de la campagne d’affichage. Cette dernière n’a été «décidée et financée aujourd’hui que sur l’agglomération toulousaine». «La campagne d’affichage de Toulouse est le fruit d’une rencontre et d’une réflexion avec les sympathisants de Reinfo Covid 31, qui tenaient à s’investir dans le débat très important de la vaccination à destination des plus jeunes et à informer sur les chiffres que l’on peut mettre en avant s’agissant des effets indésirables», précise-t-il auprès de CheckNews. S’il ne souhaite pas informer de la stratégie de communication, ni des moyens, il précise que l’association est financée par «les dons des sympathisants».
Monsieur le Maire @jlmoudenc vous ne pouvez laisser impunie cette communication mensongère et manipulatoire produite par un organisme complotiste aux derives sectaires.@ordre_medecins @SOUSTRIC , on ne peut laisser passer cette souillure à notre ville. pic.twitter.com/Da53Swa8Az
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) August 15, 2022
Ces messages ont aussi interpellé des professionnels de la santé, dont plusieurs ont appelé au retrait de ces affiches. C’est le cas du président du syndicat de l’Union française pour une médecine libre (UFML-syndicat), le médecin généraliste Jérôme Marty, qui s’est indigné sur les réseaux sociaux d’«une communication mensongère et manipulatoire produite par un organisme complotiste aux dérives sectaires», en interpellant le maire de la ville de Toulouse, ainsi que l’ordre des médecins. Dans les commentaires sous sa publication, il a reçu le soutien de Stéphane Oustric, conseiller de l’Ordre des médecins, qui lui confirmait que la préfecture de Haute-Garonne avait été «saisie» sur ce sujet.
Mise à jour le 17 août à 18h : ajout du communiqué de presse de la préfecture.
Mise à jour le 19 août : ajout du tweet de la secrétaire d’état en charge de la Citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur.