Une visite controversée. A Paris, mercredi 13 novembre, doit se tenir le gala de l’association Israël is Forever, auquel est convié le ministre des Finances israélien d’extrême droite Bezalel Smotrich, comme le racontait CheckNews dans un précédent article. Figure de l’aile radicale, religieuse et ultranationaliste du gouvernement Nétanyahou, il est l’auteur de propos jugés «odieux» à l’international au sujet des civils palestiniens. Il a par exemple affirmé qu’il était «moralement justifié» d’affamer la population gazaouie – avant d’assurer que cette phrase avait été tirée de son contexte. En 2023, à Paris, lors d’un autre évènement organisé par des membres de «Israël is forever», il avait affirmé que «le peuple palestinien n’existe pas», propos qu’il n’a jamais retirés.
La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), qui dénonce la tenue de ce gala, y voit toutefois une opportunité. Celle d’entreprendre une action en justice contre Bezalel Smotrich, profitant de sa présence annoncée sur le sol français. Elle entend ainsi déposer plainte contre le ministre pour «complicité de torture» devant le parquet du pôle crimes contre l’humanité de Paris, mercredi 13 novembre, au côté des organisations palestiniennes membres de la FIDH Al-Haq, Al-Mezan, PCHR (Palestinian Center for Human Rights) ainsi que la Ligue des droits de l’homme.
Compétence universelle
«Cette plainte serait déposée selon le mécanisme de la compétence universelle, sur le fondement de torture, comme le permet la Convention contre la torture des Nations Unies de 1984, ratifiée par la France et de nombreux autres pays, qui donne obligation à un Etat partie de poursuivre un suspect de torture qui se trouve sur son territoire», indique l’avocate de la FIDH, Clémence Bectarte, à CheckNews. Elle poursuit : «Une plainte déposée en France pour crimes contre l’humanité suppose que le suspect réside habituellement sur le territoire français, ce qui n’est donc pas une option ici.»
Elle porte sur des faits de «complicité de torture», justifie Clémence Bectarte, car «en tant que ministre des Finances et membre du cabinet de sécurité, Bezalel Smotrich a tenu des propos extrémistes qui légitimisent les actions menées et contribuent à radicaliser une vision déshumanisante des civils palestiniens. Son discours fait partie de ceux qui façonnent l’opinion publique en Israël vers une finalité consistant à éradiquer la bande de Gaza».
«Suites politiques et judiciaires»
Sont visées par cette plainte toutes les catégories de crimes subis par les civils palestiniens, «à savoir les bombardements, la privation de nourriture et de soins, les déplacements forcés, les actes de torture à proprement parler qui ont été documentés par Btselem [le centre d’information israélien pour les droits humains dans les territoires occupés, ndlr]».
L’avocate estime encore qu’il s’agira de la première plainte contre un officiel israélien depuis le 8 octobre 2023, dans le cadre d’un déplacement privé. Elle en espère des «suites politiques et judiciaires» tout en reconnaissant un «fort sentiment d’impunité» de la part des membres du gouvernement israélien : «Ce serait déjà un signal fort de laisser entendre que des possibilités de poursuites sont envisageables dans notre pays, contre ce ministre.»
Encore faut-il que la participation, sur place, de Bezalel Smotrich soit effective. Sans quoi, la plainte perdrait tout fondement juridique. Le 5 novembre, le Premier ministre Michel Barnier a assuré que Smotrich se déplacerait «à titre privé» et qu’il ne s’agissait en rien d’une invitation officielle, précisant qu’il «n’y aura aucune forme de contact gouvernemental avec lui». Dorénavant, sa venue semble davantage compromise. Dimanche, Laurent Nunez, préfet de police de Paris, a déclaré sur BFM : «Je comprends qu’il ne sera pas là». Ce mardi, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot s’est montré un peu plus nuancé, indiquant qu’à ce stade, il n’avait «pas confirmation de sa venue en France».