Question posée par Emma, le 16 février 2022.
Invité sur France Inter mercredi, Jordan Bardella a réitéré l’opposition du Rassemblement national (RN) aux éoliennes et vanté l’énergie nucléaire. «Le nucléaire permet à la France d’être l’un des pays les plus propres au monde […]. D’après une étude faite par l’université américaine de Yale, la France est le deuxième pays le plus propre au monde et l’un de ceux qui émettent le moins de CO2», a-t-il affirmé.
Contacté, l’entourage du président de RN par intérim a indiqué qu’il s’était appuyé sur le classement 2018 de l’indice de performance environnementale (EPI) élaboré par les universités américaines de Yale et Columbia. Et en effet, cette année-là, la France s’est hissée à la deuxième place sur 180 pays, derrière la Suisse… avant de redescendre à la cinquième place dans le classement de 2020.
Cet indice, réactualisé tous les deux ans, vise à évaluer les pays «par rapport [à leurs] objectifs de politique environnementale», à partir de différents indicateurs, comme la qualité de l’air, de l’eau, la protection de la biodiversité etc., peut-on lire dans le rapport.
Pas de comparaison dans le temps possible
Première remarque : le classement de 2020 (où la France est cinquième) ne peut pas être comparé tel quel à la version précédente, car d’une année à l’autre, le choix de chaque indicateur et leur poids dans le score final sont amenés à évoluer. «Le score actuel d’un pays dans l’EPI 2020 ne doit pas être comparé aux scores des versions précédentes de l’indice. A chaque version de l’IPE, nous modifions la méthodologie et utilisons de nouveaux ensembles de données pour refléter les dernières avancées scientifiques et métriques. Ces changements signifient que les scores calculés selon les anciennes méthodes ne sont pas comparables aux nouveaux scores», précisent ainsi les auteurs de l’étude sur le site de l’EPI.
En 2020, l’indice a par exemple été élaboré en prenant en compte 32 indicateurs différents regroupés en 11 catégories. Ce constat en amène un autre : l’EPI, composé de multiples indicateurs, ne prend pas en compte le type d’énergie utilisé, mais seulement les émissions de gaz à effets de serre.
Interrogé, Martin Wolf, chercheur principal chargé d’établir le classement, confirme : «L’indice de performance environnementale ne classe pas explicitement les pays en fonction de leurs sources d’énergie. Nous classons plutôt les pays en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre, de sorte que toute source d’énergie à faible teneur en carbone augmente le score d’un pays. En d’autres termes, nous ne prenons pas en compte la technologie. Un pays qui génère 100 % de son énergie à partir de l’énergie nucléaire recevrait le même score qu’un pays qui génère 100 % de son énergie à partir du solaire.»
Lire aussi
La production et la gestion des déchets radioactifs ne sont ainsi pas prises en compte. «Bien que les effets potentiels sur l’environnement d’une mauvaise gestion des déchets radioactifs soient graves, ces déchets sont généralement traités en toute sécurité. De plus, nous ne prenons généralement en compte que les enjeux qui s’appliquent à la plupart des pays ; et seuls 32 pays produisent de l’électricité à partir de centrales nucléaires», estime Martin Wolf.
Points forts : la biodiversité et l’habitat
Surtout, le docteur en sciences du climat explique qu’en 2018, malgré sa deuxième place au classement général, la France n’était arrivée que 15e dans la catégorie «changement climatique», qui intègre notamment les indicateurs liés aux émissions de CO2. «Ce ne sont donc pas les politiques climatiques de la France qui lui ont valu un score élevé, mais plutôt le fait qu’elle semblait plutôt bien s’en sortir (parmi les meilleurs) dans nos indicateurs de biodiversité et d’habitat. Cela ne veut pas dire pour autant que la dépendance de la France à l’égard de l’énergie nucléaire a nui à son score – elle aurait obtenu un score inférieur si elle s’était appuyée sur le gaz naturel plutôt que sur l’énergie nucléaire», détaille-t-il.
Reste qu’au final, «les points forts de la France dans l’EPI 2018 ont été ses performances dans nos indicateurs de biodiversité et d’habitat – elle a été classée premier pays en termes de conservation des habitats et de protection des espèces. Dans l’EPI 2020, la France a de nouveau été très performante en matière de biodiversité et d’habitat». Et elle est classée quatrième dans la catégorie «changement climatique», mais grâce à son score sur «les émissions de méthane et de carbone noir».