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La justice a-t-elle donné raison à Didier Raoult qui affirmait qu’«il y avait eu plus de morts à Paris qu’à Marseille» ?

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Alors que la justice vient de relaxer l’infectiologue Karine Lacombe, que Didier Raoult avait accusée de diffamation, le jugement est l’objet d’interprétations fallacieuses.
Didier Raoult en avril 2022, à Marseille. (Christophe Simon/AFP)
par Marine Delrue
publié le 25 novembre 2022 à 18h44

Mardi 22 novembre, l’infectiologue Karine Lacombe a été relaxée pour «bonne foi» par le tribunal correctionnel de Marseille, alors qu’elle était poursuivie en diffamation par l’ancien directeur de l’IHU de Marseille Didier Raoult. Le 26 juillet 2020, elle avait été interrogée sur Europe 1 à propos de la controverse portant sur l’hydroxychloroquine. A la journaliste qui lui avait rapporté les propos de Didier Raoult selon lesquels il y avait «beaucoup moins de morts [à Marseille] qu’à Paris», mettant «gravement [...] en cause les médecins parisiens», Karine Lacombe avait répondu : «Bien sûr, donc vous savez qu’il a des actions en justice pour mensonges devant la commission parlementaire qui sont en cours.»

Si le tribunal a effectivement reconnu le caractère diffamatoire des propos, il n’a pas jugé l’infectiologue coupable du délit de diffamation, retenant l’excuse de bonne foi. Une décision qui a amené plusieurs soutiens de Didier Raoult, et le professeur marseillais lui-même, à affirmer à tort que Karine Lacombe avait été «jugée coupable» de diffamation, mais relaxée pour bonne foi.

A cette confusion, certains soutiens de Raoult ont ajouté une contre-vérité. Eric Chabrière, professeur de biochimie à l’IHU Méditerranée, s’est ainsi félicité : «La justice reconnaît que Didier Raoult avait encore raison. Il n’y a [sic] bien eu plus de morts à Paris qu’à Marseille.»

Cette affirmation est fausse. Eric Chabrière suggère que Karine Lacombe était poursuivie pour avoir qualifié de mensonges l’affirmation de Didier Raoult selon laquelle la mortalité était plus basse à Marseille qu’à Paris. Et que la reconnaissance du caractère diffamatoire des propos de l’infectiologue démontre donc que Raoult disait vrai.

Pas de poursuite en justice

En réalité, la déclaration incriminée portait sur les poursuites dont Karine Lacombe croyait que Didier Raoult faisait l’objet. «Ce que reproche Monsieur Raoult à Madame Lacombe, ce n’est pas tant d’avoir parlé de mensonges devant la commission parlementaire que de faire penser, à l’oreille des auditeurs, qu’il y a des actions en justice en cours», avait ainsi souligné à la barre Brice Grazzini, avocat de Didier Raoult.

L’extrait des motivations du délibéré du jugement le confirme : «Il était reproché à Mme Lacombe d’avoir déclaré que M. Raoult faisait l’objet d’actions en justice pour mensonges devant la commission parlementaire de l’Assemblée nationale.» Une affirmation erronée, même si la bonne foi a été retenue, les juges ayant notamment estimé que l’infectiologue s’appuyait sur «une base factuelle suffisante».

Mais la décision ne porte donc en aucun cas sur la réalité ou pas de l’affirmation du professeur marseillais.

Y a-t-il eu beaucoup moins de mortalité à Marseille qu’à Paris ?

Sur ce cas précis, qui ne faisait donc pas l’objet du jugement, qu’en est-il ? Didier Raoult a répété plusieurs fois pendant la pandémie que la mortalité liée au Covid était plus forte à Paris qu’à Marseille. «Plus de cinq fois supérieure», disait-il dans une vidéo à laquelle CheckNews avait consacré un article en mai 2020.

«Ce qui veut dire que quand il mourait une personne à Marseille, il en mourait un peu plus de cinq à Paris. Ça fait quand même une grosse différence […] qui doit amener à se poser des questions très sérieuses sur la gestion de l’épidémie dans cette partie de la France.» Comme nous l’avions expliqué, cette comparaison n’était pas forcément pertinente, en raison notamment des dynamiques épidémiques très différentes sur le territoire.