Ils étaient nombreux à piaffer d’impatience derrière leur ordinateur, depuis le mardi 2 janvier. Sur le réseau X (anciennement Twitter), des internautes guettaient la publication, par le tribunal fédéral de Manhattan, d’une liste de 180 noms environ dans le cadre de l’affaire Jeffrey Epstein. Ce magnat de la finance américain, à la tête d’un vaste réseau d’exploitation sexuelle de mineures notamment, s’est suicidé dans sa cellule avant d’être jugé, en 2019.
Mais une magistrate de New York, dans l’affaire de diffamation qui a ensuite opposé Virginia Giuffre, une victime, à Ghislaine Maxwell, ex-compagne et complice d’Epstein condamnée à vingt ans de prison, a décidé de rendre public ce document de 50 pages. L’ordonnance (consultable ici), prise le 18 décembre, laissait aux personnes concernées un délai de quatorze jours pour formuler un recours, plaçant de fait une publication possible autour du 1er ou 2 janvier. L’une d’entre elles a effectué un recours, en date du 20 décembre, qui a été accepté par la cour. Cette personne dispose désormais d’un délai supplémentaire, jusqu’au 22 janvier, pour arguer du fait que la révélation de son nom puisse affecter négativement sa vie privée et lui faire risquer «un danger physique dans son pays de résidence». Contacté par CheckNews mercredi, le tribunal de Manhattan confirmait que la divulgation «devrait commencer ce jour» et que «seuls les documents relatifs aux dossiers en attente seront retenus après le 22 janvier». Contrairement à ce que supposaient désormais certains internautes, l’intégralité de la liste (en fait les documents en version non censurée) n’a donc pas subi de retard et a été en grande partie diffusée le 3 janvier.
Sur son île privée
Ces documents, à l’origine constitués de pseudonymes (sous la forme «John Doe», «Jane Doe»), sont donc largement transparents, à l’exception d’une poignée de victimes mineures au moment des faits. De quoi alimenter les fantasmes, Jeffrey Epstein ayant fréquenté de nombreuses personnalités. Beaucoup voient ainsi dans cette publication la révélation de «la liste des clients d’Epstein». A savoir de ceux, plus ou moins connus, qui se seraient rendus chez lui ou sur son île privée afin de profiter de son réseau de prostitution.
Ainsi, des internautes parmi lesquels des conservateurs américains, se sont mis en scène en train d’attendre nerveusement la publication de la liste, qui viendrait confirmer le soupçon d’un réseau pédophile fréquenté par les élites internationales.
Anyone else still waiting for the Epstein client list...?
— Gunther Eagleman™ (@GuntherEagleman) January 2, 2024
En France, le compte de partage d’actualités Alertes Infos a également relayé l’accusation d’un footballeur américain selon lequel le célèbre présentateur Jimmy Kimmel figurerait dans la «liste d’Epstein». Et a ainsi écrit sur le réseau X : «Le présentateur américain Jimmy Kimmel aurait été un client de Jeffrey Epstein, selon le joueur de football américain Aaron Rodgers (intervention sur ESPN).»
🚨🇺🇸FLASH - Le présentateur américain Jimmy Kimmel aurait été un client de Jeffrey Epstein, selon le joueur de football américain Aaron Rodgers. (intervention sur ESPN) pic.twitter.com/LlLZAOYVv9
— AlertesInfos (@AlertesInfos) January 2, 2024
Le célèbre présentateur américain a fermement nié ne serait-ce qu’apparaître sur cette fameuse liste (et menacé le sportif d’un procès). Mais la formulation du compte Alertes Infos met en lumière la confusion qui existe sur ce qu’implique le fait d’être cité dans ce document. En l’occurrence, cela ne signifie pas nécessairement, pour la personne citée, qu’elle s’est rendue coupable d’un fait illégal.
En réalité, ces quelque 180 noms représentent toutes les personnes citées dans l’affaire. Pêle-mêle, il s’agira donc certes de proches d’Epstein, de complices supposés, mais aussi de victimes, de témoins, de personnes ayant voyagé dans son avion ou encore de salariés du couple Epstein-Maxwell.
Certaines personnes déjà facilement identifiables dans des interviews
En outre, comme le note le New York Times, les personnalités dont les noms apparaissent publiquement dans la liste sont «pour la plupart» d’ores et déjà connus, car «ils ont été identifiés dans d’autres documents judiciaires ou dans des reportages comme ayant été associés à Epstein». C’est d’ailleurs l’un des arguments avancés par la juge de New York Loretta Preska, estimant dans son ordonnance du 18 décembre que certaines personnes sont déjà facilement identifiables dans des interviews accordées à la presse américaine, ou citées publiquement lors du procès de Ghislaine Maxwell.
On retrouve donc sans surprise, dans cette liste, le nom de l’ancien président américain Bill Clinton, dont il est connu qu’il a fréquenté le financier, au même titre que Donald Trump (qui y apparaît également, au titre de connaissance d’Epstein). Dans une déclaration faite en 2019, son équipe de communication a reconnu que Bill Clinton avait emprunté à quatre reprises, en 2002 et 2003, l’avion de Jeffrey Epstein dans le cadre de voyages pour la fondation Clinton. «Le président ne sait rien des terribles crimes de Jeffrey Epstein», a ajouté son équipe. Bill Clinton, s’il n’est pas accusé d’actes illégaux, a été cité par la plaignante Virginia Giuffre, qui assure l’avoir croisé sur l’île du milliardaire, ce qu’il nie formellement. A ce stade, les documents ne font pas état d’actes répréhensibles de sa part.
Le prince Andrew, membre de la famille royale britannique, figure lui aussi dans ce document, comme cela était attendu. Accusé d’agression sexuelle par Virginia Giuffre, il a signé un accord avec la plaignante en février 2022, dont les termes financiers n’ont pas été révélés.
Mise à jour le 4 janvier à 10h25 après la publication de la justice américaine