Sous prétexte de lutter contre le trafic de stupéfiants, la préfecture du Var «a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir des personnes visées», vient de trancher le tribunal administratif de Toulon. Saisi par deux associations de défense des libertés, le juge des référés était appelé à se prononcer, ce jeudi 7 mars, sur un arrêté préfectoral pris six jours plus tôt. Le préfet y interdisait aux «dealers marseillais» de se rendre à Hyères, ou dans la commune voisine de Carqueiranne. Pour le juge administratif, cette mesure de police n’était «ni adaptée ni proportionnée» au but poursuivi par la préfecture, d’après la décision consultée par CheckNews.
En prenant cette mesure, le préfet du Var entendait assurer la sécurité des habitants d’un quartier de Hyères, le Val des Rougières, en proie aux trafics de drogue. Après le démantèlement d’un réseau, à force d’opérations menées ces derniers mois, d’autres narcotrafiquants tentent de reprendre la main. D’après les autorités, ces individus viennent du département limitrophe des Bouches-du-Rhône. Un contexte qui a débouché sur des «conflits violents» entre dealers varois et marseillais, déplore la préfecture. Ce qui, fait valoir cette dernière, justifiait sa décision d’interdire «à toute personne résidant dans le département des Bouches-du-Rhône et connue pour des antécédents judiciaires en matière de stupéfiants» de se rendre sur place. Après un premier arrêté appliqué du 28 février au 3 mars, la préfecture avait prolongé cette interdiction pour la période du 4 au 8 mars.
«L’expression «connue pour des antécédents judiciaires» ne correspond à aucune situation juridiquement définie», de même que «l’expression «en matière de stupéfiants» […], tout aussi imprécise», soulignait le double recours déposé mardi par l’Adelico (Association de défense des libertés constitutionnelles) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH).
Faisant droit à cet argument, le juge des référés estime que les critères définis par le préfet n’étaient effectivement pas adaptés au traitement de ces affrontements entre trafiquants, «de par leur généralité et leur imprécision, notamment quant aux antécédents judiciaires pris en compte».
Par ailleurs, le juge estime que la mesure était excessive. De fait, l’interdiction édictée concernait «tout le territoire des communes de Hyères et de Carqueiranne», tandis que «les évènements sur lesquels s’appuie le préfet se sont déroulés dans le quartier du Val des Rougières» uniquement. Pour le tribunal administratif de Toulon, il y avait donc lieu de suspendre l’exécution de l’arrêté, pour mettre fin à cette «atteinte grave et manifestement illégale» à la liberté d’aller et venir des personnes.
Marion Ogier, l’avocate de la Ligue des droits de l’Homme, s’est réjouie sur le réseau social X (ex-Twitter) d’une décision «qui met un coup d’arrêt à cette nouvelle pratique liberticide d’interdire à des personnes en raison de leurs antécédents judiciaires d’aller dans certains lieux».
De son côté, la préfecture du Var «prend acte de la suspension» dans un communiqué transmis à CheckNews. L’application de l’arrêté «est donc suspendue à compter de ce» jeudi, écrit-elle. Et de préciser que dans le cadre des mesures prévues par l’arrêté, «les forces de sécurité intérieure ont procédé au contrôle de 240 personnes et 135 véhicules et à l’interpellation d’un individu porteur d’armes dans son véhicule».
Mise à jour : Le 7 mars à 17 h 20, ajout du communiqué de la préfecture.