Des températures manipulées pour justifier de l’urgence climatique ? C’est ce que prétend l’association des «climato-réalistes», principal groupement de climatosceptiques français, au sujet de l’organisme de prévision Météo Suisse.
L’association relaie, dans un tweet du 11 août, les accusations de l’homme politique suisse Thomas Matter (Union du Centre, populistes). S’appuyant sur des articles du média suisse Die Weltwoche, il affirme que Météo Suisse (en réalité, SRF Météo, la météo de la chaîne publique suisse SRF) prévoit «des températures surestimées de 4 à 7°C dans le monde, afin d’alimenter l’hystérie climatique et de favoriser les Verts.» Ce, alors que la Suisse est en année électorale.
Des erreurs grossières sur les températures à l’étranger
Contrairement à ce que sous-entendent les climato-réalistes, la polémique ne porte pas sur toutes les températures, mais sur plusieurs villes européennes. De même, comme le précisera Die Weltwoche par la suite, c’est «l’application météo et le site Web SRF Meteo» qui sont visés, et non les prévisions affichées à la télévision, propres à la Suisse.
En revanche, les erreurs sont bien réelles. Dans un article posté à deux reprises par Die Weltwoche (le 26 juillet, puis le 9 août), Kurt W. Zimmermann évoque des températures «presque toujours cinq, six ou sept degrés supérieurs à la mesure et toujours bien supérieures à la concurrence» venant de la SRF. Il s’appuie notamment sur des températures relevées mardi 18 et mercredi 19 juillet, à chaque fois sur six sites différents. A l’exception de Genève, où l’écart est moindre, il s’agit de lieux de villégiature situés en bord de mer ou proche de celle-ci – en France, en Italie, en Espagne ou sur les rives de la mer Egée.
Si ces douze points, choisis pour souligner les erreurs de la SRF, ne sauraient être représentatifs de l’ensemble de ses prévisions, ils démontrent tout de même l’existence d’un sérieux problème. D’après les calculs de CheckNews, les prévisions concernant ces douze sites, à chaque fois au-dessus des températures relevées, sont en moyenne 5,08°C supérieurs à la réalité mesurée. Avec parfois un écart encore supérieur. Ainsi, pour le dimanche 23. Kurt Zimmermann note que la chaîne prévoyait 50 degrés à Athènes, au lieu de 42 observés, et 51 degrés au lieu de 44 à Antalya (Turquie).
Les prévisions incriminées, non seulement largement erronées par rapport aux températures observées, sont également très au-dessus des valeurs prévues par les concurrents. Ainsi, Kurt Zimmermann affiche les valeurs de Kachelmannwetter et de The Weather Channel, deux prévisionnistes concurrents : dans les douze points relevés, la différence moyenne entre les prévisions et la réalité est de 0,42°C pour le premier cité, et de -0,58°C pour le second. Quant à l’écart moyen, en valeur absolue, il est de 2,08°C pour le premier et de 1,58°C pour le second. Bref, le problème vient bien des prévisions de la SRF.
De quoi y voir, comme Thomas Matter, un complot politique en faveur de la gauche et des écologistes ? L’hypothèse est évoquée par Zimmermann dans Die Weltwoche. «Il n’y a que deux explications. Soit les amateurs travaillent à SRF Meteo. Ou ce sont des manipulateurs qui, du point de vue de la gauche verte, évoquent constamment l’horreur de la catastrophe climatique», argumente-t-il, avant d’indiquer «pencher pour la deuxième thèse.» Die Weltwoche prend régulièrement des positions climatosceptiques, évoquant ici un «lavage de cerveau» ou relayant là l’appel anti-«urgence climatique» de 1100 «scientifiques» climatosceptiques.
Un bug aux contours encore flous
Si la chaîne a vivement réfuté toute manipulation, elle a dû en revanche reconnaître ses erreurs et présenter des excuses. Lors de la météo du mercredi 9 août, le rédacteur en chef de SRF météo, Thomas Bucheli, s’est dit «extrêmement désolé». Selon lui, qui «rejette absolument» les allégations de complot, le problème proviendrait du fait que ces températures mondiales, donc hors Suisse, soient calculées «de manière entièrement automatique». Le modèle de calcul conçoit la carte du monde comme une grille «en trois dimensions», et la température affichée pour chaque ville est rattachée, grâce à un algorithme «compliqué», aux points de la grille les plus proches. Un algorithme qui, semble-t-il, n’a pas fonctionné correctement sur les côtes ces derniers jours – possiblement à cause des chaleurs excessives enregistrées sur la période. «Au cours de la semaine dernière, avec cette grande chaleur, il s’est avéré que dans les régions côtières, les températures calculées étaient plus élevées qu’elles ne le sont réellement.»
Interrogé par Die Weltwoche, Bucheli explique que «les algorithmes des applications météo sont entièrement automatisés et ne peuvent être influencés ou corrigés manuellement». Si cette explication n’est pas partagée par tous – notamment Jörg Kachelmann, un prévisionniste rival de longue date selon qui «aucun modèle ne produit systématiquement des écarts vers le haut» –, une analyse du système de calcul est prévue «à la fin de l’été» afin de mieux comprendre les causes de ces erreurs.
Cette polémique, au-delà de la Suisse, s’inscrit dans un climat de défiance d’une partie de l’opinion publique –versant parfois dans le climatoscepticisme – vis-à-vis de des prévisions météorologiques. Ces commentateurs critiques dénoncent une volonté supposée des autorités d’exagérer le péril climatique, qui se traduirait par des prévisions erronées, ou une mise en scène alarmiste de ces dernières. Sur les réseaux sociaux français, de nombreux internautes accusent par exemple régulièrement, et à tort, les chaînes hexagonales de privilégier la couleur rouge sur les cartes météo pour suggérer une impression de forte chaleur.