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La presse iranienne se félicite de l’attaque sur Israël, quitte à s’arranger avec les faits

Les journaux iraniens ne manquent pas d’éloges pour les centaines de drones et de missiles tirés sur Israël dans la nuit du samedi 13 au 14 avril 2024. Jusqu’à se permettre de changer certains aspects de l’attaque.
Explosions dans le ciel de Jérusalem durant la nuit de samedi 13 à dimanche 14 avril, lors de l'attaque iranienne en direction d'Israël. (Photo/AFP)
publié le 15 avril 2024 à 20h16

Deux jours après l’attaque sans précédent de l’Iran sur Israël, le flou demeure sur la réponse de Tel-Aviv et l’embrasement potentiel du conflit entre les deux pays. Reste que si l’armée israélienne se félicite de la réussite de sa défense aérienne, notamment grâce au Dôme de fer, la république islamique est tout aussi enjouée. Ce lundi 15 avril, la presse iranienne encense à l’unisson le succès de son attaque, y compris en s’arrangeant avec certains faits.

En plus de se féliciter de l’attaque, plusieurs titres vont jusqu’à affirmer que les cibles des tirs iraniens n’ont pas juste été touchées, mais détruites. Notamment Javan, journal très proche des Gardiens de la révolution iraniens, qui affirme sur sa première page que «des cibles militaires importantes de l’armée terroriste sioniste dans les territoires occupés ont été attaquées et détruites avec succès», martelant que l’Iran a «écrasé les positions militaires» israéliennes. Le journal Jaam-e Jam, dépendant du gouvernement, assure que l’attaque iranienne a détruit «la base aérienne israélienne “Nevatim”», site militaire israélien dans le désert du Néguev (sud du pays). D’autres titres mentionnent également que des missiles ont touché plusieurs bases israéliennes.

«Dégâts mineurs»

Pourtant rien ne témoigne de la «destruction» revendiquée par la presse iranienne. Les autorités israéliennes ont rapidement communiqué sur les bombardements, reconnaissant que des tirs avaient bien atteint la base militaire de Nevatim. Mais comme en attestent les images satellites prises après les bombardements, ainsi que les séquences diffusées par l’armée israélienne, seuls des «dégâts mineurs à l’infrastructure» ont été affligés à la base, comme le souligne le porte-parole de l’armée israélienne.

Des images partagées par l’armée de l’air montraient notamment un avion atterrir sur cette base quelques heures seulement après l’attaque. D’après un officiel américain interrogé par ABC News, l’attaque aurait endommagé seulement un avion de transport C-130, une piste non utilisée et des zones de stockage vide. Selon cette même source, quatre autres missiles auraient atteint une deuxième base israélienne dans le sud, sans faire de dégâts.

Dans ses lignes, la presse iranienne cible plus précisément la défense aérienne israélienne, ciblant nommément le «Dôme de fer», l’un des systèmes qui protège le ciel israélien. Iran, le journal du gouvernement qui consacre cinq pages à l’attaque, juge qu’il s’agit d’une «défaite du Dôme de fer», martelant que les tirs iraniens ont «percé toutes les défenses de l’Occident malgré leurs efforts». E’temad, un quotidien modéré, avance de son côté que «des responsables iraniens ont déclaré que plus de la moitié des missiles iraniens avaient touché des cibles». Un chiffre repris par le journal conservateur de la municipalité de Téhéran, Hamshahri. Javan va jusqu’à affirmer que «la coalition de défense des empereurs du monde, depuis l’Amérique jusqu’à la France et l’Angleterre, et les traîtres arabes depuis la Jordanie jusqu’aux autres pays, n’a pas pu empêcher les missiles d’atterrir sur les hangars des avions américains».

Une fillette de 7 ans gravement blessée, selon l’armée israélienne

Il est difficile d’évaluer précisément et de façon indépendante la proportion de projectiles lancés et abattus. Mais des images amateurs à la presse israélienne, rien ne corrobore l’ordre de grandeur avancé par la presse iranienne. Tsahal affirme depuis le début que 99 % des projectiles ont été interceptés, et avance le chiffre de 170 drones, 120 missiles balistiques et 30 missiles de croisière abattus. Si la source américaine interrogée par ABC News corrige quelque peu ce chiffre brandi par l’armée israélienne depuis samedi 13 avril en pointant que neuf missiles auraient atteint deux bases israéliennes, l’ordre de grandeur reste le même, soit la destruction de la quasi-intégralité de la salve iranienne. Cette réussite opérationnelle est également soulignée par les différents alliés d’Israël ayant participé à l’opération : les Etats-Unis en tête, mais aussi le Royaume-Uni, la Jordanie et la France.

Un dernier élément de langage avancé par la presse iranienne se concentre sur les cibles du régime. Selon le quotidien réformateur Shargh, «l’Iran n’a frappé aucune cible civile lors de cette opération». Nombre de titres, dont Javan, reprennent cette affirmation en soulignant que l’Iran n’a visé que des cibles militaires. L’armée israélienne a confirmé que la seule victime de l’attaque est une fillette de 7 ans, gravement blessée. Des débris de missiles balistiques sont tombés sur sa maison dans le sud du pays, la blessant à la tête. Mais bien qu’aucun autre civil n’ai été touché, les missiles et drones iraniens ont survolé des zones densément peuplées, y compris en Irak et en Jordanie. Il n’est pas possible de connaître les cibles précises, civiles ou non, des projectiles qui ont été interceptés. Mais de fait ces derniers ont également atteint des zones densément peuplées, comme Jérusalem, où les sirènes ont retenti dans la nuit de samedi à dimanche. Différentes images authentifiées, avec la mosquée Al-Aqsa ou la Knesset au premier plan, montrent des tirs iraniens abattus dans le ciel de Jérusalem. Ces mêmes traînées rougeâtres que nombre de titres iraniens arboraient en première page.