Tout a été rasé. Là où étaient installées il y a moins de deux ans plusieurs installations sportives, les amas de sable et les pelleteuses se dressent désormais sur près de trois hectares. A quelques centaines de mètres de la porte de Bagnolet (Paris XXe), le chantier du parc Python-Duvernois est bien avancé.
Mais ces travaux ne font pas l’unanimité. «Ce n’est pas la création d’un parc mais le réaménagement d’un espace vert existant. 103 000 m² vont y être construits. Le jardin fera 2,9 hectares [30 000 mètres carrés, ndlr], les nouveaux bureaux le double : 5,9 ha [60 000 mètres carrés, ndlr]. Des arbres vont être abattus», critiquait le 12 juillet @JCQDSE, un «paisible piéton de Barbès» comptant plus de 10 600 abonnés sur Twitter. «L’opération annoncée sur Python Duvernois contribue en réalité à la bétonisation de la Ceinture verte, avec la construction de 50,000 m² de bureaux ainsi que la mise en danger des arbres existants et de l’espace vert pourtant classé en EVP au PLU», tweetait le même jour Dominique Dupré-Henry, architecte et membre de France nature environnement.
🌳CEINTURE DE BÉTON L’opération annoncée sur Python Duvernois #Paris 20e contribue en réalité à la bétonnisation de la #CeintureVerte avec la construction de 50.000 m2 de bureaux ainsi que la mise en danger des #arbres existants et de l’#EspaceVert pourtant classé en EVP au PLU. pic.twitter.com/GhhVsBhNCC
— Dominique Dupré-Henry (@DuprDominique2) July 12, 2023
Ces deux publications faisaient suite à celle de Christophe Najdovski, maire adjoint de Paris à la végétalisation de l’espace public. L’élu se satisfaisait, le 11 juillet, de l’avancement du chantier : «Dès l’été 2024, c’est près de 1,5 hectare de jardin qui sera livré, avec à terme un nouvel espace vert de 3 hectares dans le quartier populaire de la porte de Bagnolet.»
Lancé en 2021 par la ville de Paris, ce projet a pour objectif de «constituer […] une zone de nature, alternant, à l’écart du bruit, des espaces entretenus et des espaces sauvages». Ce futur parc Python-Duvernois est même la principale vitrine du plan de réaménagement de ce quartier populaire, l’un des plus pauvres de l’Est parisien. Avec un bassin, des arbres et des espaces ludiques.
A proximité, la piscine Yvonne-Godard est déjà sortie de terre et 315 logements vont être démolis, pour faire place à 150 biens sociaux et 300 autres privés. Près de 60 000 m² de bureaux vont aussi être construits d’ici 2028.
Un ancien centre sportif et non un parc
Or le jardin est bien un aménagement nouveau, qui se distingue de l’ancien, contrairement à ce qu’affirme le twittos @JCQDSE. Avant les travaux, l’espace central du quartier Python-Duvernois n’était pas vraiment un espace vert ou un parc, mais occupé par le centre sportif de la porte de Bagnolet. Sur place, deux habitués des lieux se souviennent : «Il y avait une piste d’athlétisme et des courts de tennis. Ce n’était pas insalubre mais ce n’était pas en très bon état. En tout cas, ce n’était pas un parc.»
La vue satellite actuelle de Google Maps – qui n’a pas encore été mise à jour – montre toujours l’ancien centre sportif, bordé d’arbres, avec quatre courts de tennis et un terrain de football au centre. Celle de Street View confirme le manque d’entretien du site à l’époque.
Concernant les arbres, plusieurs d’entre eux seront effectivement coupés, comme l’ont indiqué les deux twittos. Mais d’autres devraient être plantés. «La réalisation de ce projet permettra de disposer de 960 arbres sur ce secteur – dont 455 déjà présents, assure la municipalité. En revanche, 130 arbres doivent être abattus en lien avec le projet.» Et d’ajouter : «Ils le seront en plusieurs phases. Chaque phase fait l’objet de travaux complémentaires afin d’essayer de réduire l’impact et les besoins d’abattage des arbres existants.»
Le problème de la bétonisation
Autre reproche des détracteurs du chantier : les nouveaux bureaux. Entre autres modifications, la zone sur laquelle étaient bâtis les immeubles de logements E, F et I sera la plus sujette à la bétonisation. Huit constructions distinctes surgiront sur ce périmètre d’environ 15 000 m², selon notre estimation sur Google Maps. La moitié de ces nouvelles tours seront des logements, le reste des bureaux. La surface bâtie au sol sera au moins doublée sur cette zone.
Cinq autres nouveaux édifices sortiront de terre sur des terrains encore vierges de béton. Dont trois ensembles d’appartements, qui encadreront la récente piscine Yvonne-Godard dans la zone ouest du Python-Duvernois. Ils seront construits sur un total de 2 825 m².
Les autres constructions concernent l’espace sportif du sud du quartier. Sur 2 000 m², un «très grand équipement sportif qui mise sur l’intensité en superposant les usages», expose la Ville. Et une extension d’une centaine de mètres carrés sera apportée à l’actuel centre d’animation Paris-Lumière.
Si les craintes de bétonisation de Dominique Dupré-Henry sont donc bien fondées, celles de @JCQDSE sont démesurées. «Il y aura bien 103 000 m² de constructions nouvelles», nous confirme la mairie de Paris. Mais cela correspond à la surface des planchers. Leur emprise au sol sera d’environ 13 000 m², tempère la municipalité, ce qui est confirmé par les calculs sur Google Maps.
Cette bétonisation sera aussi accompagnée de la rénovation des logements de cette cité, aujourd’hui insalubre. Les nouveaux bureaux sont également censés dynamiser le quartier en créant de l’emploi. Ils seront accompagnés d’une pépinière d’entreprises, un lieu de formation et un site d’enseignement supérieur.
Théo Duchet
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le CFPJ pour le journal d’application de la promotion 64.