La Russie a-t-elle essayé de modifier unilatéralement le tracé de ses eaux territoriales en mer Baltique ? C’est en tout cas ce que laissait penser un projet de décret du ministère russe de la Défense. Le texte, commenté dès mardi 21 mai dans un article du Moscow Times, proposait d’étendre les eaux du Kremlin en direction de la Finlande et de la Lituanie.
Plus précisément (d’après le document consulté par le média moscovite) d’étendre ses frontières maritimes à l’est du golfe de Finlande, ainsi qu’autour de l’exclave de Kaliningrad. Egalement autour de différents îlots russes situés dans ce même golfe, sans oublier d’autres zones proches de la Lituanie. Un projet de changement de frontière unilatéral que l’armée russe justifierait par des mesures obsolètes, réalisées du temps de l’URSS, qui «ne correspondraient pas complètement à la situation géographique».
L’article du Moscow Times fait également remarquer que la diffusion de ce projet de décret intervient presque en simultané avec le début d’exercices militaires russes sur l’utilisation d’armes nucléaires tactiques.
Tollé diplomatique
Rapidement remarqué par différents commentateurs et médias (notamment ukrainiens), le projet de modification a suscité une multitude de réactions de l’ensemble des pays du bord de la Baltique. «La Russie ne peut pas unilatéralement décider de nouvelles frontières», déclarait le Premier ministre de la Suède, Ulf Kristersson à l’agence TT, repris par Reuters.
De son côté, le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, décrivait sur X une «opération hybride» de Moscou cherchant «à répandre la peur, l’incertitude et le doute à propos de leurs intentions dans la mer Baltique. C’est une escalade évidente contre l’Otan et l’UE, à laquelle il faut répondre par une réponse ferme et appropriée». Une réaction similaire à celle du ministre estonien des Affaires étrangères, Margus Tsahkna, qui a évoqué à propos du projet russe qu’«à première vue, cette notion semble absurde», avant d’ajouter à Reuters qu’«on ne peut exclure que ce rapport vise à semer la confusion».
Marche arrière de Moscou
Des réactions diplomatiques à ce qui pourrait être surtout une provocation ont été suivies par un rétropédalage russe. Une «source militaro-diplomatique» affirmait dès mercredi aux différentes agences de presse russes (qui avaient pourtant repris l’information la veille) que «la Russie [n’avait] pas l’intention de réviser les frontières nationales dans la Baltique». Le projet de décret a également été retiré du site du gouvernement russe, l’adresse affichant maintenant «projet supprimé». Bien que ce dernier soit toujours visible sur des sites d’archivage.
Plus tard dans la journée de mercredi, le porte-parole du gouvernement russe, Dmitry Peskov, a lui même commenté le projet en réfutant toute «intention politique» derrière ce dernier, avant d’ajouter : «Vous voyez à quel point les tensions s’intensifient, le niveau de confrontation, notamment dans la région baltique. Bien entendu, cela nécessite des mesures appropriées de la part de nos services concernés pour assurer notre sécurité.»