C’est une vidéo qui a été diffusée, le 23 juin, par de nombreux médias, et parmi eux les plus prestigieux, dans le monde entier. En France, France 2 et BFMTV, entre autres, ont diffusé la séquence. Elle a aussi été mise en avant par le ministre des Affaires étrangères israélien, Gideon Sa’ar, sur son compte X, avec ce commentaire : «Nous avons averti l’Iran à maintes reprises : arrêtez de cibler les civils ! Ils ont continué, y compris ce matin. Notre réponse : vive la liberté, mon cher !»
Il faut dire que les images sont symboliques, montrant une frappe israélienne ciblée faisant voler en éclat les portes de la prison d’Evin, à Téhéran, un des lieux sinistrement emblématiques de l’oppression du régime des Mollahs.
Sur la vidéo, apparue un peu après 11 heures, le 23 juin, sur les réseaux sociaux, on aperçoit l’explosion d’une imposante porte, présentée comme l’une des entrées de la prison. La séquence semble tirée d’un dispositif de vidéosurveillance, comme en témoigne l’inscription «caméra 07» dans le coin en haut à gauche de l’écran.
حمله به سر در زندان اوین pic.twitter.com/v2QjQjxhIN
— Masoud Kazemi (@masoudkazemi81) June 23, 2025
Il s’agit bien, sur ces images, de la prison d’Evin, et plus précisément de sa porte sud, comme on peut le voir sur cette géolocalisation. Par ailleurs, l’établissement pénitentiaire a bien été touché par des explosions, le 23 juin, selon l’agence judiciaire iranienne Miza News agency.
Mais cette vidéo, qui a énormément tourné sur les réseaux sociaux, et a donc servi à illustrer de nombreux journaux télévisés à travers le monde, a de très grandes chances d’être fausse.
Sérieux doutes
Après l’avoir eux-mêmes «authentifiée», nos collègues de BBC Verifiy émettaient ainsi, lundi soir, de sérieux doutes. Et pour cause : comme l’a soulevé sur X Tal Hagin, un factchecker israélien, cette vidéo pourrait avoir été générée par IA, avec comme fond une vraie photo de la prison, mais prise il y a plusieurs années déjà.
L’angle de prise de vue dans la vidéo de l’explosion (et la perspective du bâtiment par rapport aux autres éléments), ainsi que la végétation dépouillée qui y figure – d’apparence hivernale alors que nous sommes en juin – ressemblent, en effet, très fortement à ce que l’on peut voir sur cette photo (ci-dessous), qui a servi à illustrer des articles sur des sites iraniens en 2024 ou 2023. Et où elle était déjà présentée comme une image d’archives.
En superposant les deux images, comme nous l’avons fait dans la composition ci-dessous, on s’aperçoit d’ailleurs que les détails, notamment concernant la végétation, sont exactement les mêmes (de l’inclinaison des branches au découpage du feuillage des buissons), même si l’image issue de la vidéo semble avoir été très légèrement déformée par rapport à l’image d’archive.
A juste titre, Tal Hagin fait également remarquer que la végétation, sur la vidéo, semble insensible à l’explosion, qui paraît pourtant détruire la porte d’entrée.
Reste que cette porte sud de la prison a bien été touchée par une explosion, comme on peut le voir sur cette vidéo de la radio-télévision iranienne d’Etat Irib. Sauf que sur ces images, c’est tout le corps de bâtiment entourant cette porte qui est à terre, et non pas seulement la porte elle-même comme dans la vidéo virale.
Idem pour la porte nord, comme on peut le voir dans cette autre vidéo, et que CheckNews a pu géolocaliser.
L’agence de presse semi-officielle Fars News Agency a également diffusé, de son côté, une vidéo d’un bâtiment présenté comme l’hôpital de la prison, fortement endommagé, mais que nous n’avons pas réussi à géolocaliser.
L’un des plus gros couacs médiatiques liés à l’IA
S’il était avéré que l’image a été générée par IA, sa reprise, à l’échelle planétaire et par des médias parmi les plus sérieux, ferait de cet épisode l’un des plus gros couacs médiatiques liés à l’intelligence artificielle. Et illustrerait – si besoin était – les dangers que font peser les progrès de l’IA en matière de désinformation. Même si, dans le cas présent, cette image probablement manipulée vient illustrer un fait bien réel.
Resterait aussi à déterminer l’objectif et l’identité de l’éventuel faussaire. Comme CheckNews a pu le constater, la diffusion de ces images vient fréquemment illustrer l’affirmation selon laquelle la frappe israélienne, ciblée sur la seule porte, n’a causé aucun autre dommage ni victime, et qu’elle serait essentiellement symbolique. Ce que les autorités iraniennes nient, évoquant des morts. Cette frappe a par ailleurs été largement condamnée par les institutions internationales et de nombreux pays, dont la France.
Il est pour autant impossible, pour l’heure, de déterminer l’origine des images. CheckNews, à ce stade, n’a pu identifier leur première occurrence sur les réseaux sociaux. Ni a fortiori déterminer l’identité de leur auteur.