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Le chef de file du PCF aux élections européennes préfère-t-il «la retraite à 64 ans» au «droit à la paresse», comme le dit Mélenchon ?

L’accusation du leader insoumis se base sur un jeu de question-réponse auquel s’était prêté auprès d’un média en ligne Léon Deffontaines, qui devrait porter la liste communiste aux élections européennes de juin 2024.
Le chef de file PCF pour les élections européennes de juin 2024, Léon Deffontaines, derrière le secrétaire général du parti, Fabien Roussel, en juillet 2023. (Lionel Préau/Riva-Press)
publié le 2 octobre 2023 à 15h12

Nouvel épisode dans la guéguerre qui oppose Jean-Luc Mélenchon à Fabien Roussel. Alors qu’il était invité dimanche 1er octobre sur LCI, l’insoumis s’en est pris au secrétaire national du Parti communiste français et à son poulain pour les élections européennes de juin 2024, Léon Deffontaines.

Interrogé à propos d’une publication sur les réseaux sociaux de la députée Sophia Chikirou (La France insoumise) qui comparait l’ex-candidat à la présidentielle à Jacques Doriot, communiste devenu collaborateur pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Luc Mélenchon a fait une pirouette, en déclarant que «Madame Chikirou n’a jamais dit ça. Elle a retweeté un de vos collègues. Votre collègue, pas le nôtre, votre collègue ce n’est pas LFI. C’est Daniel Schneidermann [du] site Arrêt sur images qui dit ça et madame Chikirou retweete». Ce qui est trompeur, puisque Sophia Chikirou n’a pas fait que relayer les chroniques de Daniel Schneidermann sur X (renommé Twitter), elle a partagé des images sur Facebook et Instagram, relayées ensuite par Jean-Luc Mélenchon, sur lesquelles elle a écrit : «L’histoire se répète, il y a du Doriot dans Roussel», une phrase qui n’apparaît dans aucun texte du fondateur du média Arrêt sur images.

«Dénigrer ma candidature à coups de fake news»

Poursuivant sa critique du PCF et des déclarations qui causeraient «un grand malaise à gauche», Jean-Luc Mélenchon s’en est pris à Léon Deffontaines, ex-secrétaire général des jeunes communistes et proche de Roussel : «Quand la tête de liste aux élections européennes que Monsieur Roussel a nommé dit “mieux vaut la retraite à 64 ans, que le droit à la paresse”, c’est-à-dire mieux vaut travailler plus dur et mourir au travail [plutôt] qu’un texte du gendre de Karl Marx [écrit] à une époque où il n’y avait ni retraites ni week-end ni vacances ; eh bien, ce sont des choses qui me mettent mal à l’aise.»

La notion de «droit la paresse», contenue dans le titre d’un ouvrage de Paul Lafargue, gendre de l’auteur du Capital, avait fait l’objet de vifs débats au sein de la Nupes. Lors de la Fête de l’Humanité en septembre 2022, Fabien Roussel avait déclaré que «la gauche [devait] défendre le travail et le salaire et ne pas être la gauche des allocations, minima sociaux et revenus de substitution», s’attirant les foudres d’une partie de la gauche, et notamment de l’écologiste Sandrine Rousseau, plaidant pour un «droit à la paresse». Incriminé par les propos tenus sur LCI, Léon Deffontaines a aussitôt réagi sur X en accusant Jean-Luc Mélenchon de «dénigrer [sa] candidature à coups de fake news».

«C’est un 10 mais…»

Nous n’avons trouvé aucune déclaration de l’ex-secrétaire général des jeunes communistes établissant une telle comparaison. On trouve en revanche un article du 28 septembre publié par le média de gauche Regards intitulé «Pour Léon Deffontaines, mieux vaut “la retraite à 64 ans” que “le droit à la paresse”». Contrairement à ce que suggère le titre de l’article (et la déclaration de Jean-Luc Mélenchon), il ne s’agit pas d’une citation. Léon Deffontaines s’est prêté à un jeu nommé «C’est un 10 mais…», à l’occasion d’un entretien avec le média en ligne le Vieux Continent. Ce format populaire sur les réseaux sociaux consiste à noter une personne parfaite (méritant donc la note de 10/10) mais présentant un défaut qui fait baisser sa note.

Dans ce jeu, Léon Deffontaines est tour à tour interrogé sur des propositions telles que «C’est un 10 mais il est pro-nucléaire» qui vaut un 10 selon lui (puisque le PCF défend l’atome). Un «10 mais il est pro-Poutine» n’obtient que la note de 3, un végan (qui ne mange donc pas de viande si chère à Roussel) décroche un «10, libre à lui», et même un abstentionniste aux élections européennes vaut bien un 10 puisqu’«il faut le convaincre», répond le candidat. Au milieu de ces questions, Léon Deffontaines répond aussi à «C’est un 10 mais il défend le droit à la paresse» par : «quatre voire trois». Et à «C’est un 10 mais il est pour la retraite à 64 ans» par : «C’est dur. Cinq, voire en dessous.»

@levieuxcontinent

Le « C’est un 10 » de @Léon Deffontaines, tête de liste du Parti Communiste français, pour les élections européennes. L’interview longue est disponible sur notre chaîne YouTube (lien en bio). Le Vieux Continent est un média apartisan qui fait vivre le débat public européen. L’interview de Léon Deffontaines s’inscrit dans notre série d’interviews de tous les présidents des organisations de jeunesse des principaux partis politiques français. #pcf #communisme #particommuniste #communiste #jeunescommunistes

♬ son original - Le Vieux Continent

C’est donc en comparant les notes données dans le cadre de ce format rapide de question-réponse que Regards puis Jean-Luc Mélenchon concluent que Léon Deffontaines «dit “mieux vaut la retraite à 64 ans, que le droit à la paresse”» (puisqu’il a donné un «cinq voire en dessous» à un soutien de la réforme à 64 ans, soit une note supérieure au «quatre voire trois» donné au militant du droit à la paresse). «On se demande ce qu’il serait advenu des combats historiques en faveur de la réduction du temps de travail si la gauche avait considéré qu’il vaut mieux la retraite à 64 ans que de défendre le droit à la paresse», commente Regards.

«Pas le temps de dire le fond de sa pensée»

Joint par CheckNews, Léon Deffontaines insiste sur le fait que la «polémique» trouve sa source dans un «un jeu de question-réponse, qui ne vaut pas projet politique» et dont «le format fait qu’on n’a pas le temps de préciser ou de dire le fond de sa pensée sur ces sujets». Et le chef de file des communistes aux élections européennes de juin 2024 d’ajouter : «En termes de projet politique, je pense que la retraite à 64 ans est plus dramatique que le droit à la paresse.» Pour lui, l’attaque de Jean-Luc Mélenchon et le titre choisi par Regards montrent qu’«aujourd’hui toutes les occasions sont bonnes pour essayer de torpiller la volonté des communistes de pouvoir porter leurs convictions aux élections européennes».

Engagé en tant que secrétaire général du Mouvement des jeunes communistes de France lors du mouvement d’opposition à la réforme des retraites, Léon Deffontaines s’était opposé à la réforme d’Emmanuel Macron, notamment sur le plateau de BFM TV le 9 janvier 2023, où il soutenait que la retraite à 64 ans allait «pénaliser en premier lieu ceux qui rentrent vite dans la vie active», en soutenant pour sa part un départ à 60 ans.