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Le droit à l’insurrection est-il garanti par la Constitution ?

Mécontents de la décision d’Emmanuel Macron de ne pas nommer de Premier ministre issu du NFP, certains citoyens invoquent un droit à l’insurrection qui leur serait garanti par la Constitution. Mais ce texte de 1793 n’est jamais entré en vigueur.
Des manifestants face aux forces de police le soir du second tour des législatives anticipées, à Paris le 7 juillet 2024. (Jerome Gilles /AFP)
publié le 27 août 2024 à 14h54

Face au refus du président de la République de nommer à Matignon Lucie Castets, candidate à Matignon désignée par le Nouveau Front populaire, l’alliance des principaux partis de gauche arrivée en tête du second tour des élections législatives anticipées, certains citoyens s’impatientent, voire s’agacent. Sur les réseaux sociaux, nombreux commentateurs évoquent un droit à l’insurrection, lequel serait garanti par la Constitution.

Plusieurs internautes citent ainsi un article 35 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, indiquant : «Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.»

En cherchant cette phrase sur Internet, on tombe sur un lien du site du Conseil constitutionnel indiquant qu’il s’agit de l’article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui est en préambule de la Constitution du 24 juin 1793. Or, comme l’explique Paul Cassia, professeur de droit public à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, «c’est un texte qui a une portée historique mais qui ne vaut rien juridiquement. Ce n’est pas un texte qui est invocable devant les tribunaux. Si des personnes décident d’utiliser cet article et décident de s’insurger, ça n’empêchera pas que les armes actuelles du droit pénal seront mises en œuvre à leur encontre. Le parquet ne sera pas sensible à l’article 35 de la Constitution de 1793».

Egalement sollicité, le professeur de droit public à l’Université Toulouse-Capitole Mathieu Carpentier ajoute que «non seulement la Constitution de 1793 n’est pas en vigueur, mais elle n’est jamais entrée en vigueur (la Convention décidant en octobre 1793 que le gouvernement provisoire de la France sera révolutionnaire jusqu’à la paix). L’article 35 de cette Constitution – pas plus d’ailleurs qu’aucune de ses autres dispositions – ne fait donc pas partie du bloc de constitutionnalité français».

Actuellement, comme le rappelle le Conseil constitutionnel sur son site, les quatre textes fondamentaux qui forment le bloc de constitutionnalité en vigueur sont : la Constitution du 4 octobre 1958, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (la Constitution de la IVe République) et la Charte de l’environnement de 2004.

Si ce droit à l’insurrection ne figure pas dans le bloc de constitutionnalité actuel, Mathieu Carpentier souligne qu’«en revanche, l’article 2 de la déclaration de 1789 mentionne, parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme, la résistance à l’oppression. Ce dernier fait donc bien partie du bloc de constitutionnalité. Cependant, il est très difficile de savoir quelle est la consistance et l’étendue de ce droit, dont la mise en œuvre supposerait des circonstances en tout point exceptionnelles». Le professeur de droit public en conclut que «le droit de résistance à l’oppression est davantage un principe philosophique, destiné à légitimer ex post facto [postérieurement au fait, ndlr] les révolutions, qu’un principe juridique susceptible d’être invoqué, par exemple, devant des juridictions».

Article mis à jour le 28 août à 13h00: ajout d’une précision. L’article 35 est tiré de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui est en préambule de la Constitution du 24 juin 1793.