«Dans la drogue, tout est mortel», assenait Gérald Darmanin au micro d’Amandine Bégot sur RTL, mercredi 15 mai. Après l’attaque meurtrière d’un fourgon pénitentiaire dans l’Eure pour libérer le détenu Mohamed Amra, le ministre de l’Intérieur a réaffirmé sa volonté de lutter contre le trafic de stupéfiants.
Face à la journaliste qui lui demande si la situation actuelle représente un «terrible aveu d’échec», il répond: «C’est un aveu d’échec mondial, français bien évidemment, mais mondial.» Avant d’ajouter, pour illustrer ses propos: «La première cause de mortalité aux Etats-Unis, c’est le fentanyl [opioïde synthétique prescrit pour soulager la douleur, ndlr]. […] C’est la première cause de mortalité du plus grand pays au monde, démocratique».
Le fentanyl, une «arme de destruction massive» ?
Depuis dix ans, le nombre de décès par overdose a explosé aux Etats-Unis. De 52 404 morts en 2015, le total est passé à 107 941 en 2022. Mais malgré son ampleur, ce nombre reste largement en dessous du total des décès liés aux problèmes cardiaques (environ 705 000 en 2022) ou aux cancers (609 000 en 2022) parmi la population américaine, selon le CDC (Center for Disease Control and Prevention), l’agence fédérale étasunienne pour la protection de la santé publique. En 2020 et 2021, les morts par overdose se hissaient à la quatrième place dans le classement des causes de décès, notamment derrière le Covid-19, avant de remonter sur la troisième marche du podium en 2022.
Comme certains médias américains (El Paso Times ou Associated Press) l’ont aussi démontré après le tweet de la républicaine Beth Van Duyne, le fentanyl n’est donc pas la première cause de mortalité outre-Atlantique, même pour l’ensemble des adultes.
Fentanyl is the leading cause of death among American adults.
— Congresswoman Beth Van Duyne (@RepBethVanDuyne) August 19, 2022
Until @POTUS secures our southern border, this crisis will only get worse.
Les Américains de 18 à plus de 85 ans sont bien plus victimes de problèmes cardiaques ou de cancers que d’opioïdes. Même si, aux Etats-Unis, le fentanyl reste un problème majeur : l’association «Families against fentanyl» implore ainsi Washington de reconnaître cette drogue comme une «arme de destruction massive».
Les opioïdes, particulièrement meurtriers chez les 18-45 ans
Si les overdoses, dont celles liées au fentanyl, ne constituent donc pas la première cause de mortalité dans l’ensemble de la population américaine, ni même au sein de sa seule population adulte, elles le sont en revanche pour les 18-45 ans.
En 2023, elles ont fait plus de 43 000 victimes dans cette tranche d’âge, devant les suicides (19 700) et les cancers (17 800).
Alors que certains médias, comme la BBC, attribuent 66 % de ces décès par overdose à l’unique fentanyl, cette proportion correspond en réalité aux overdoses liées aux opioïdes dans leur ensemble (tramadol, codéine, fentanyl, morphine, ou encore héroïne), d’après les statistiques du CDC. Aucune donnée ne détermine précisément la part du fentanyl dans ces décès. Une absence de chiffre qui peut notamment s’expliquer par la difficulté à reconstituer la chaîne causale de la mort, quand plusieurs stupéfiants sont impliqués.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le CFPJ pour le journal d’application de la promotion 66.