Invité sur Sud Radio le 13 octobre, Nadir Kahia, qui se présente sur X (anciennement Twitter) comme «citoyen engagé, responsable associatif en région parisienne, chroniqueur Beur FM», réagissait aux derniers événements au Proche-Orient : «A un moment donné, il faut essayer d’être équilibré. Il y a un passif. Le Hamas n’est pas né comme cela. Le Hamas n’est pas venu de l’extérieur. Le Hamas, c’est quand même un parti politique avant tout. On peut le qualifier de terroriste et avoir des débats là-dessus, […] mais à un moment donné, le Hamas est un parti, il a été élu, par des Palestiniens, majoritairement. C’est un fait. Donc démocratiquement, on se doit de respecter cela.»
Les secondes et dernières élections législatives – à ce jour – en Palestine (bande de Gaza et Cisjordanie) ont eu lieu en janvier 2006. Avec un taux de participation de plus de 77%, ces élections parlementaires ont été «ouvertes et bien organisées», selon un rapport la mission d’observation de l’Union européenne, qui avait envoyé 185 observateurs sur place.
Lors de ce scrutin, qui remonte donc à près de 18 ans, le Hamas, après avoir boycotté celui de 1996, a remporté la mise. Le parti islamiste a ainsi recueilli 74 sièges et le Fatah (fondé par Yasser Arafat) 45 sièges, sur les 132 qui composent le Conseil législatif palestinien.
Impossible cohabitation
«S’il parvient à recueillir une majorité de suffrages, c’est autant grâce à ses performances qu’à la lassitude suscitée par le Fatah, relevait en 2016 la chercheuse Laetitia Bucaille, dans les «Etudes du Ceri», publiées par Sciences-Po. Il incarne le choix de la lutte armée et du nationalisme : ses dirigeants se targuent d’avoir forcé le retrait israélien de la bande de Gaza en 2005, grâce aux tirs de roquette, tandis que le Fatah est associé à la stratégie de négociation qui déçoit – au mieux – les Palestiniens, ou les écœure, surtout dans le sillage de la répression israélienne lors de l’Intifada al-Aqsa [2000-2005]. En outre, le Hamas apparaît comme le garant d’une certaine probité, […] son image tranche avec celle de l’Autorité palestinienne, fréquemment accusée de corruption et de népotisme.»
L’exécutif de l’autorité palestinienne est alors occupé, depuis sa création en 1996, par son rival, le Fatah. Elle est successivement présidée par Yasser Arafat jusqu’à sa mort en 2004 puis par Mahmoud Abbas, depuis sa dernière élection en 2005. Avec l’arrivée du Hamas au gouvernement, tandis que le Fatah conserve la présidence, c’est donc une forme de cohabitation qui s’installe. Mais pour très peu de temps seulement. En effet, après la nomination, en février 2006, de Ismaël Haniyeh, tête de liste du Hamas comme Premier ministre, les relations entre les deux principales formations palestiniennes vont rapidement tourner à la confrontation sanglante.
«Quelques mois après les élections, dès le mois de mai 2006, dans le sillage du refus du Fatah de participer à un gouvernement d’union nationale, les incidents se sont multipliés entre les deux mouvements, relève Laetitia Bucaille. Les membres du Fatah et du Hamas sont devenus les uns pour les autres des cibles visées par des tirs d’intimidation, par des enlèvements et des assassinats. Ces agressions ont enclenché un processus incessant de représailles.»
Un conflit qui débouchera, en juin 2007, sur la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas et à un repli du Fatah sur la Cisjordanie. Et à un blocus de ce territoire par Israël. «Les méthodes de la Force exécutive [du Hamas] ont souvent été expéditives, les militants du Fatah ont parfois été assassinés alors qu’ils étaient désarmés et/ou blessés, certains ont été torturés ou jetés du haut d’immeubles», ajoute Laetitia Bucaille.
Un scrutin national annulé en 2021
A l’époque, le chercheur Jean-François Legrain (1) estime cependant, dans la Revue critique Internationale, que «les violences partisanes ne sont pas nées de la victoire de Hamas aux législatives». Et d’expliquer : «Depuis plusieurs années, la corruption [fasâd], l’anarchie [fawda] et la débâcle sécuritaire [falatân] alimentent une dynamique dont l’issue, la “guerre civile” [fitna], est connue de la population, redoutée et condamnée. Dans la mesure où aucune solution politique à l’occupation n’était entrevue à court terme, le scrutin législatif de janvier 2006 a clairement démontré la volonté populaire de mettre fin à cette dynamique.» Pour autant, en empêchant le Hamas d’exercer son mandat, «le Président Mahmoud Abbas, Fatah, Israël et la communauté internationale ont contribué, chacun à son niveau, à transformer la débâcle sécuritaire en une “guerre civile” dont les prémices se sont manifestées dès l’été 2006».
A noter que des élections législatives devaient se tenir en mai 2021, mais ont été finalement reportées sine die, trois semaines avant, par le Président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, sous prétexte qu’Israël refusait la mise en place de bureaux de vote à Jérusalem Est, occupé par Israël depuis 1967.
A l’époque, la tête de liste du Hamas, Khalil Al-Haya, avait déclaré auprès de l’AFP qu’un report des élections «pousserait le peuple palestinien dans l’inconnu» et créerait une «grande frustration parmi la population» pouvant entraîner «de graves réactions».