Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Le Parlement européen a-t-il reconnu la GPA comme une «traite des êtres humains», comme l’écrivent Le «JDD», Europe 1 ou «Valeurs actuelles» ?

Le texte voté mardi cible en fait «l’exploitation de la gestation pour autrui», et plus particulièrement «les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse».
Au Parlement Européen, à Strasbourg, le 17 janvier 2024. (Pascal Bastien/Divergence pour Libération)
publié le 25 avril 2024 à 19h05

«Le Parlement européen reconnaît la GPA comme une “traite des êtres humains”», titrent en chœur le Journal du dimanche et Europe 1, deux médias propriétés de Vincent Bolloré, dans des articles publiés respectivement mercredi 24 et jeudi 25 avril. «La gestation pour autrui est désormais reconnue au même titre que l’esclavage ou la prostitution forcée», affirme l’un. Tandis que l’autre parle d’une loi ayant pour effet de «criminaliser la GPA». Le magazine Valeurs actuelles leur emboîte le pas, mais se contente d’un plus sobre «le Parlement européen inclut la GPA dans la directive contre le trafic des êtres humains». Sur le site de l’hebdomadaire Marianne, le titre initial selon lequel «le Parlement européen considère la GPA comme une forme de “traite d’être humain”» a été, quelques heures plus tard, reformulé. Désormais, il évoque «l’exploitation de la GPA», au lieu de simplement «la GPA».

Le mot «exploitation» prend ici toute son importance, dans la mesure où c’est bien le fait de forcer une femme à porter un enfant pour une autre qui est visé, et non pas le principe de la gestation pour autrui dans l’absolu. La résolution votée mardi 23 avril par les députés européens réunis en plénière entérine une révision de la directive contre le trafic d’êtres humains, pour faire désormais figurer «l’exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l’adoption illégale dans les formes d’exploitation visées». «Plus particulièrement, en ce qui concerne la traite aux fins de l’exploitation de la gestation pour autrui, la présente directive cible les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse», peut-on lire dans les considérants. Lesquels précisent par ailleurs que «ces règles sont sans préjudice des règles nationales en matière de gestation pour autrui, y compris du droit pénal ou du droit de la famille».

Adopté à une très large majorité des eurodéputés (563 voix pour, 7 contre et 17 abstentions), le texte vise à renforcer la coordination des autorités dans la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi qu’à mieux protéger et soutenir les victimes. La directive de 2011 sur «la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes» établissait pour la première fois des règles minimales qui s’imposent aux Etats membres s’agissant de la définition des infractions pénales et des sanctions dans ce domaine de la traite des êtres humains. Son écriture a été, sur certains points, révisée ou élargie mardi. Notamment, au paragraphe qui prévoit que «l’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude, ou l’exploitation d’activités criminelles, ou le prélèvement d’organes», où ont donc été ajoutés les mots «ou l’exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l’adoption illégale».

Des pays aux législations différentes

Une fois le texte entré en application, des sanctions devront désormais également être prévues pour les entreprises reconnues coupables de trafic, en tant que personnes morales. De même, l’utilisation de services fournis par la victime d’une infraction liée à la traite des êtres humains sera criminalisée, lorsque l’utilisateur sait que cette personne est exploitée. Ces nouvelles règles entreront en vigueur vingt jours après leur publication au Journal officiel de l’UE, et les Etats membres disposent de deux ans pour mettre en œuvre les dispositions. «Les Etats membres doivent maintenant tirer le meilleur parti de cette directive et veiller à ce que les femmes et les jeunes filles ne soient pas achetées et vendues en Europe», a déclaré l’eurodéputée suédoise et corapporteure du texte Malin Björk, rapporte l’AFP.

Outre la France, plusieurs pays européens interdisent la GPA, dont l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. Dans d’autres, elle n’est ni autorisée ni interdite, et donc «tolérée», comme c’est le cas en Irlande, en Slovaquie ou en Pologne. Enfin, certains Etats autorisent le recours aux mères porteuses en suivant un cadre juridique strict, que ce soit au Danemark, aux Pays-Bas ou en Grèce. Seule la Roumanie est allée jusqu’à autoriser la GPA rémunérée.