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Le sable du Sahara qui s’est déposé sur la France ces derniers jours contenait-il des particules radioactives?

L’an dernier, une association du nord-ouest de la France avait relevé sur les pare-brises des voitures des traces de Césium-137 issus des essais nucléaires français des années 1960. Aux niveaux de radioactivité considérés, aucun risque notable pour la santé n’est présumé.
Le ciel de Strasbourg le 15 mars. (Jean-Francois Badias/AP)
publié le 16 mars 2022 à 19h10
(mis à jour le 22 mars 2022 à 14h13)
Question posée le 16 mars 2022 par Gaëtan

Bonjour ;

La pellicule de poussière jaune sur les pare-brise des automobiles, le ciel qui prend une teinte ocre : régulièrement, des vents venus du Sahara transportent vers la France métropolitaine de fines particules de sable, en grande quantité. Le dernier épisode, survenu dans la nuit du 13 au 14 mars, a semble-t-il ravivé chez certains lecteurs un souvenir récent : l’an dernier, à l’occasion d’un épisode similaire, la presse avait évoqué le fait que cette poussière venue d’Afrique du Nord pouvait charrier… des particules radioactives.

Quid de l’épisode de 2021 ?

L’information avait été portée par l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro), sur la base de mesures effectuées en Normandie durant la première semaine de février 2021. Début mars, l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN) avait publié des mesures de césium-137 réalisées à plus grande échelle, au travers de son réseau de surveillance OPERA.

L’IRSN confirmait que les niveaux de Césium-137 dans l’air étaient, pour plusieurs stations sur le territoire, «supérieures d’un facteur 1,2 à 11 par rapport à la moyenne des activités mesurées en février 2019 et 2020». L’Institut notait que les niveaux étaient néanmoins inférieurs à ceux «d’un épisode similaire survenu en février 2004, où des niveaux allant jusqu’à 4,5 micro-Becquerels par mètre cube avaient été relevés en métropole (7,4 μBq /m³ en Corse), soit environ 3 fois plus que la valeur la plus forte obtenue à la station du Pic du Midi de Bigorre en février 2021.» Les valeurs de 2004 apparaissaient elles-mêmes très faibles comparées aux valeurs maximales observées en France à la suite de l’accident de Fukushima (de l’ordre de 100 à 200 micro-Becquerels par mètre cube, selon l’IRSN), ou encore suite à l’accident de Tchernobyl, avec 7 Becquerels par mètre cube (un million de fois plus élevé que les mesures corses).

L’origine de cette radioactivité dans les particules de sables sahariens est bien connue. Elle est essentiellement liée aux quatre essais nucléaires réalisés dans cette région par la France au début des années 1960. A cause de vents puissants Durant le transport les particules les plus fines ont voyagé le plus loin. L’IRSN notait que ces particules fines présentaient «une concentration massique plus élevée en Cs-137» que les grains plus épais.

Mais les particules déposées à cette occasion ont une radioactivité très faible comparée à celle déjà présente dans l’environnement, que son origine soit naturelle ou… liée à la dispersion de particules radioactives d’essais nucléaires, dans les mois et années qui ont suivi lesdits essais. «Tous les sols de l’hémisphère nord sont marqués par les retombées issues de l’ensemble des essais nucléaires atmosphériques effectués dans les années 60», explique l’institut «Ces retombées globales proviennent des plusieurs centaines d’essais atmosphériques réalisés dans le monde pendant les années 60 par l’URSS (219 tirs), les Etats-Unis (219 tirs), La Chine (22 tirs), la France (4 tirs au Sahara et 46 en Polynésie) et le Royaume-Uni (23 tirs).» Les concentrations de Cs-137 au niveau du sol, en France, dans certaines régions, vont «de plusieurs centaines à plusieurs milliers de Bq /m² liées aux retombées [en France] des essais nucléaires atmosphériques et de l’accident de Tchernobyl», précise l’IRSN. Les dépôts portés par les sables du Sahara l’an dernier étaient «de l’ordre de 0,1 Bq /m²». Et de juger, en conséquence, que «l’impact dosimétrique» de cet épisode météorologique était «négligeable».

Quid de l’épisode de 2022 ?

L’épisode des jours derniers sera-t-il plus ou moins marqué que celui de l’an passé ? Contacté par CheckNews, l’IRSN nous explique que les mesures ne sont pas encore disponibles. «Elles sont assurées par des stations qui aspirent de l’air en traversant un filtre. Celui-ci est prélevé tous les 8 jours puis acheminé sur notre site du Vésinet pour mesurer sa radioactivité. Les résultats seront donc disponibles d’ici environ 15 jours.» Du côté de l’Acro, la région Normandie où se trouvent ses laboratoires a été touchée ce 16 mars. «Nous avons récolté ce matin un peu de matière que nous allons analyser. Nous devrions avoir des résultats d’ici la fin de semaine», nous explique un membre du laboratoire.

Selon toute vraisemblance, l’ampleur du phénomène restera, comme l’an dernier, à relativiser. Toutefois, comme le notait alors l’un des membres de l’Acro «l’objet n’est pas de dire qu’il y a une mise en danger de la population, mais de rappeler un peu quelle est l’origine et la responsabilité de la France dans ces essais nucléaires. […] Même si pour nous qui sommes très loin du Sahara, l’exposition est très faible, ce n’est pas du tout le cas des populations [qui] vivent dans ces régions et qui, il y a 60 ans, y ont subi des expositions extrêmement importantes».

Ce 22 mars, l’Acro a présenté les résultats de ses analyses, portant sur «un échantillon d’environ 30 g de sable récolté en Touraine». «L’analyse par spectrométrie gamma, met clairement en évidence la présence de césium-137 (...) dans l’échantillon de sable, avec un niveau très similaire à ce qui avait été constaté l’année dernière.» L’association estime le dépôt de césium de l’ordre de «75 000 Bq au km²». «Ce nouveau dépôt constitue une pollution très faible, sans risque sanitaire, mais qui s’ajoute aux dépôts précédents», précise l’Acro. Elle ajoute que la concentration en césium-137 mesurée ici (22 Bq/kg de sable) est «bien plus élevée que les niveaux généralement relevés dans les sables sur le territoire métropolitain français» (inférieurs «au becquerel par kilogramme»).


[mise-à-jour du 22 mars : ajout du dernier paragraphe présentant les résultats des analyses de l’Acro]