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L’Elysée a-t-elle empêché les médias de couvrir une manifestation hostile à Macron à Montréal ?

Guerre au Proche-Orientdossier
Selon l’Association de la presse présidentielle, les forces de l’ordre ont «empêché des journalistes» français de couvrir une manifestation hostile au président lors d’un déplacement à Montréal.
Emmanuel Macron et Justin Trudeau à Montréal, le 26 septembre. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 29 septembre 2024 à 17h26

L’Elysée a-t-elle maintenu la presse à l’écart d’un regroupement hostile au Président ? Dans un tweet, l’association de la presse présidentielle (APP) a dénoncé le fait que lors du déplacement à Montréal d’Emmanuel Macron, «les forces de l’ordre sur consigne de l’Elysée ont empêché des journalistes du pool TV français de couvrir un bain de foule en partie hostile au Président». Un pool TV est une pratique qui consiste à confier à une chaîne le soin de couvrir un événement et de mettre ensuite à disposition les images pour les autres. L’APP, qui rassemble les journalistes chargés de suivre l’actualité de la présidence de la République française, conteste «cette interdiction d’accéder à une scène publique qui va à l’encontre de la liberté d’informer».

Macron pris à partie par une manifestante

Le président Emmanuel Macron a été pris à partie et hué à deux reprises lors de son déplacement. La première fois à la sortie d’une conférence de presse commune avec Justin Trudeau. Le président français a été pris à partie par une dizaine de manifestants «dénonçant la position de la France dans le conflit israélo-palestinien, notamment concernant la situation à Gaza», selon 20 Minutes. Dans des images filmées avec des téléphones portables et diffusées par TF1, on voit le président pris à partie, qui va ensuite échanger avec une manifestante.

Une seconde fois, dans la soirée de jeudi, le convoi de voitures du président français a été sifflé lors d’un rassemblement à l’initiative de la représentation locale de La France insoumise.

C’est lors de la première déambulation que l’incident a eu lieu, selon l’APP. Qui détaille auprès de CheckNews : «Quand le président a commencé sa déambulation, les deux pools vidéo, qui étaient gérés par TF1, étaient à 50 mètres de la scène. Les services de communication de l’Elysée ont dit : “On ne bouge pas le pool.” Mais le pool a dit : “On y va quand même.” Et c’est là qu’ils se sont retrouvés empêchés par un membre des CRS [français] qui accompagnent les déplacements du président. L’agent s’est interposé en disant : “Je te laisse pas sortir.” L’ordre a donc été répercuté, et c’est là que ça devient vraiment problématique, même si personne n’a été ceinturé ou quoi que ce soit. Au final, la situation a duré quelques minutes et ensuite ça s’est débloqué et le pool a pu accéder à la scène.» Mais entre-temps, les échanges d’Emmanuel Macron avec les manifestants avaient pris fin.

L’APP tient à rappeler que les journalistes des pools sont «des journalistes, payés par leurs chaînes de télévision» et qu’ils doivent donc pouvoir exercer librement leur métier.

Du côté de l’Elysée, une source confirme qu’il y a eu un «temps de latence pendant lequel le pool a été retenu» par «les membres du service de presse et un accompagnateur qui est un CRS en civil» : «Emmanuel Macron s’apprêtait à entrer dans un bâtiment avant d’être pris à partie. Le service de presse a donc jugé qu’il n’y avait pas besoin que le pool TV se déplace. D’autant qu’on était dans un moment de grande confusion, que tout allait très vite avec des gens qui hurlaient dans tous les sens. Une photographe a même été plaquée au sol par la police canadienne.» Cette même source tient à préciser que près d’une dizaine de journalistes a pu assister à l’ensemble de la scène (d’où les séquences filmées avec des téléphones portables) et que l’incident ne concerne que le pool TV. «Le service de presse a échangé avec eux, il s’est même excusé immédiatement pour ce temps de latence.»

«Inadmissible»

Selon un journaliste habitué de l’exercice, l’incident s’inscrit dans une tendance où «l’Elysée voit le pool TV comme un outil de communication qu’il mobilise uniquement quand ils en ont besoin» : «Ils nous disent parfois “là le président veut être discret”, mais ce n’est pas notre problème !»

Et selon le président de l’Association de la presse présidentielle, Jean-Rémi Baudot, ce n’est d’ailleurs «pas la première fois que des CRS s’interposent et appliquent les consignes des services de presse de l’Elysée». Une situation qu’il juge «inadmissible».

En 2020 déjà, l’APP s’alertait d’une «dégradation» inédite «de la couverture des déplacements présidentiels» après que les équipes de l’Elysée ont «empêché ou interrompu des journalistes lors de prises de vues ou de sons lors d’échanges du chef de l’Etat».