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Les commerçants vont-ils bénéficier, «dès cette année», d’un «minimum de pension» de 1 200 euros avec la réforme ?

Comment ça va le commerce ?dossier
Lors de la présentation du projet de réforme des retraites, la Première ministre a promis, pour les commerçants, un minimum de pension équivalent à celui des salariés, contredisant ainsi l’étude d’impact du gouvernement.
A l'Isle-Jourdain, dans le Gers l'an passé. (Lilian Cazabet/Hans Lucas)
publié le 1er février 2023 à 19h18

Les commerçants ayant cotisé toute leur carrière au smic et à temps plein, vont-ils profiter, dès cette année, d’une pension à 1 200 euros, grâce à la hausse du minimum contributif prévue par la réforme des retraites ?

C’est ce qu’avait affirmé la Première ministre, mardi 10 janvier, lors de la présentation du projet de loi portant réforme des retraites (ici à partir de 14′47) : «Notre projet apportera des progrès sociaux. Une vie de travail doit garantir une retraite digne. Conformément à notre engagement, les salariés et les indépendants, notamment les artisans et les commerçants, qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du smic, partiront désormais avec une pension de 85 % du smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois. C’est près de 1 200 euros par mois, dès cette année.»

Dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, l’exemple donné pour un commerçant (cas type numéro 10) contredit pourtant de prime abord les propos d’Elisabeth Borne. Il y est ainsi détaillé :

«Daniel est né en septembre 1961. Il a été commerçant durant toute sa vie professionnelle, avec des revenus équivalents au smic. Daniel n’a pas connu d’interruption de carrière et a validé la durée d’assurance requise pour sa génération en cotisant 168 trimestres. Il liquide ses droits à la retraite au taux plein en septembre 2023, sa pension de base étant calculée selon les mêmes règles que pour un salarié, elle s’établit alors à 781 euros.

En l’absence de réforme, le montant de la pension de base de Daniel s’établirait ainsi à un niveau supérieur au Minimum contributif majoré (748 euros), auquel il ne serait en conséquence pas éligible. Une retraite complémentaire de 140 euros venant compléter sa pension, ses revenus mensuels s’établiraient donc à 921 euros.»

Avec la réforme des retraites, poursuit l’étude d’impact, «Daniel décalera son départ de trois mois. Il bénéficiera de la revalorisation du Mico majoré [porté à 848 euros, ndlr] dans les mêmes proportions que le salarié à carrière complète au smic, soit 66 euros. Sa complémentaire augmentera également. Sa pension sera alors portée à 996 euros». Soit un montant, décrit l’étude, «inférieur à la cible de 85 % du Smic compte tenu du faible montant de sa retraite complémentaire». Et donc inférieur à 1 200 euros. Et le rapport d’en donner la raison : cela «s’explique par le fait que les commerçants ne cotisent à un régime complémentaire obligatoire que depuis 2004 : Daniel n’a pu contribuer à sa retraite complémentaire que durant dix-neuf ans et non tout au long de sa carrière».

«C’est donc une bonne chose qu’elle ait fait cette déclaration, surtout face à Bercy»

La Première ministre, cependant, pourrait quand avoir même raison, mais un peu plus tard. Selon Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) contacté par CheckNews, «des discussions sont en cours avec le gouvernement pour que le RCI, la complémentaire des indépendants [gérée par la CPME], puisse éventuellement compléter jusqu’à 1 200 euros, à la fois pour le flux (futurs retraités) et le stock (actuels traités)». Selon lui, «c’est donc une bonne chose qu’elle ait fait cette déclaration, surtout face à Bercy qui préférerait que le RCI ne puise pas dans ses réserves, ces dernières venant en déduction de la dette publique de la France».

Matignon, de son côté, confirme «entamer des échanges avec le CPSTI (qui chapote le RCI) pour permettre d’atteindre le même objectif que pour les salariés. Ce sujet doit s’articuler avec la réforme de l’assiette sociale des indépendants. Nous nous sommes en effet engagés à rétablir une équité contributive avec les salariés, pour faire en sorte que les indépendants payent moins de CSG au bénéfice de la retraite. Et parvenir ainsi à ce qu’une carrière complète sur une rémunération équivalente au smic puisse conduire à garantir 85 % du smic net.» Reste à savoir si les discussions aboutiront à une pension à 1 200 euros en faveur des indépendants «dès cette année».

Pour rappel, la promesse d’un minimum de pension à 85 % du smic, soit environ 1 200 euros, ne porte que sur les personnes ayant des carrières complètes. S’il est difficile à chiffrer, le nombre de bénéficiaires de la mesure qui atteindront les 1 200 euros est marginal. La grande majorité des personnes (quelque deux millions) qui profiteront de la majoration du minimum contributif verront leur pension augmenter, mais sans atteindre ce montant.