Question posée sur X le 3 octobre 2023,
Vous nous avez interrogés à propos d’un échange houleux à l’Assemblée nationale entre le député du Rassemblement national Roger Chudeau et Gabriel Attal. Défendant l’action du gouvernement pour améliorer le niveau des élèves, le ministre de l’Education nationale a affirmé : «Nous avons dédoublé en 2017 les classes dans les réseaux d’éducation prioritaire et dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcés [REP et REP+, ndlr]. C’est un grand motif de fierté : cette mesure permet à plus de 500 000 élèves de faire leur rentrée aujourd’hui dans une classe à douze et elle a permis de réduire drastiquement les écarts en français et en mathématiques», a-t-il déclaré.
Contacté, le ministère de l’Education nationale renvoie à une note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) publiée en juin concernant les CP uniquement, qui s’appuie sur les évaluations menées en janvier 2023, un «point d’étape, en milieu d’année scolaire» qui «permet de mesurer l’évolution des acquis des élèves dans certains domaines de la lecture, de l’écriture et de la numération».
Tendance portée par la REP+
Avec la crise sanitaire, «entre 2020 et 2021, on avait observé une augmentation des écarts de performances à mi-CP entre les élèves accueillis dans une école de [l’éducation prioritaire] et ceux accueillis dans une école du secteur public hors [éducation prioritaire]», écrit la Depp. Pour rappel, le dédoublement des classes a été progressivement mis en place en REP+ puis en REP pour le CP et CE1, à partir de 2017. «Entre 2021 et 2023, on constate une réduction de ces écarts supérieure à 0,5 point dans 7 des 12 domaines comparables en français et en mathématiques. Dans les cinq autres domaines, les écarts peuvent être considérés comme stables», observe-t-elle.
Cette tendance, observe la Depp, est portée par les élèves issus de quartiers les plus défavorisés, identifiés Rep+. La réduction des écarts en 2021 et 2023 y «est supérieure à 1 point dans sept domaines sur huit en français : “connaître le nom des lettres et le son qu’elles produisent”, “écrire des mots dictés”, “écrire des syllabes dictées”, “lire à voix haute un texte”, “comprendre des phrases lues seul(e)”, “manipuler des phonèmes” et “lire à voix haute des mots”. Cette réduction des écarts est supérieure ou égale à 2 points dans trois domaines sur quatre en mathématiques», à savoir «“écrire des nombres”, “additionner” et “soustraire”».
Au total, «les écarts de performances entre les élèves accueillis dans une école de REP+ et ceux accueillis dans une école du secteur public hors éducation prioritaire reviennent ainsi à des niveaux inférieurs à ceux observés en 2020, avant la crise sanitaire, dans tous les domaines évalués en mathématiques», résume la Depp. Et de conclure : «En français, les écarts de performances reviennent à des niveaux équivalents à ceux de 2020 sauf en écriture de mots où on constate une légère hausse (+0,7 point).»
«Effets positifs»
Contactée, Guislaine David, porte-parole du syndicat enseignant Snuipp-FSU, signale tout de même les difficultés persistantes en REP+ notamment pour les compétences dites «de haut niveau» qui touchent notamment à la compréhension. «Si un élève lit, mais ne comprends pas, il sera en difficulté dans tous les autres domaines», illustre-t-elle. D’après son étude, la Depp observe effectivement que pour l’ensemble des domaines évalués en français, l’écart le plus important concerne la compréhension orale. «Pour l’exercice “comprendre des phrases lues par l’enseignant”, il y a 23,3 points de différence entre les proportions d’élèves de REP+ et ceux du public hors éducation prioritaire présentant une maîtrise satisfaisante», peut-on lire.
A noter que dans cette étude, la Depp n’établit pas de lien entre ces résultats et le dédoublement des classes, dont elle ne fait pas mention. Mais dans une étude de 2021, qui s’appuie sur un autre type d’évaluation, la Depp avait bien constaté les «effets positifs» du dédoublement sur le niveau des élèves de CP et CE1 en REP+. «En fin de CE1, soit après deux années de scolarisation en classe réduite, les élèves de REP+ ont des résultats supérieurs aux élèves scolarisés dans des écoles ayant des caractéristiques similaires, mais n’ayant pas bénéficié de cette réforme», observe-t-elle. Et d’en déduire que la scolarisation en classe réduite favorise «la réduction des inégalités sociales à l’école».