Question posée par Cachecac le 22/01/25
En août, peu après avoir reçu le très généreux soutien financier d’Elon Musk – patron de Tesla et du réseau social X – le candidat Trump lâchait devant ses supporteurs d’Atlanta (Géorgie) : «Je suis pour les voitures électriques… je ne peux que l’être, car Elon m’a fortement soutenu.» Moins de six mois plus tard, le même Trump a pourtant signé, dans les premières heures de son entrée en fonction, plusieurs décrets supprimant diverses dispositions favorables à l’électrique : annulation des règlements sur les émissions polluantes des véhicules produits aux Etats-Unis, et surtout fin du crédit d’impôt de 7 500 dollars (7 150 euros environ) pour l’achat d’autos électriques, qui profitait (notamment à Tesla, dans le cadre de l’Inflation Reduction Act, la législation passée par Joe Biden pour favoriser les énergies propres dans le cadre de la lutte conte l’inflation).
Ces décisions étaient annoncées de longue date, et ne surprennent aucun acteur du marché. En juillet 2024, Elon Musk avait été interrogé sur l’hypothèse d’une mise en œuvre des promesses de campagne de Trump, et s’était fendu de ce commentaire : «Je me doute qu’il y aurait quelque impact : ce serait dévastateur pour nos concurrents, et affecterait Tesla légèrement.»
L’avenir dira quelle est la part de clairvoyance, de bluff et d’aveuglement dans cette analyse. On peut néanmoins revenir sur les arguments avancés par le patron de Tesla, mais aussi par divers observateurs du marché, en faveur de ce scénario.
Cinq modèles toujours concernés par le crédit d’impôt
La principale idée défendue par Musk à l’été 2024 était que «la valeur à long terme de Tesla repose sur la technologie de conduite autonome», procédé sur lequel l’entreprise affirme avoir beaucoup d’avance par rapport à la concurrence – ce qui reste toutefois à démontrer. Cette thèse porte cependant auprès de certains investisseurs, comme la banque Piper Sandler ou l’entreprise Wedbush Securities qui, respectivement le jour de l’investiture de Trump et ce mercredi 22 janvier, ont reconsidéré à la hausse le potentiel de l’action Tesla, au regard des perspectives commerciales de son logiciel de conduite autonome.
Deuxième point notable : les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt IRA se sont durcies en 2023. D’une part, au moins 60 % de la batterie du véhicule devait être fabriqué ou assemblé en Amérique du Nord. La part de terres rares et métaux présents dans la batterie devait provenir à 50 % de sources américaines, ce pourcentage étant amené à être révisé de dix points par année. Dans ce contexte, cinq modèles de Tesla restaient concernés par l’IRA (d’autres constructeurs pouvaient également y prétendre). Mais l’éligibilité à l’IRA dépendait aussi des revenus du foyer. Une suppression de l’IRA pénalise donc les ménages aux plus bas revenus, qui se seraient de toute manière tournés vers des véhicules électriques moins coûteux à l’achat que les Tesla.
Droits de douane
En outre, l’administration Trump envisage une très forte hausse des droits de douane pour les produits étrangers, en particulier chinois. Une stratégie qui va pénaliser les véhicules électriques et ainsi favoriser le marché intérieur, dominé aujourd’hui par Tesla (bien que sa part de marché soit passée de 66 % en 2023 à 49 % en 2024. Ford ou General Motors restent tous deux sous les 10 %). Divers analystes financiers notent enfin que la politique de Biden contraignait les constructeurs historiques à se convertir à l’électrique ou à l’hybride à marche forcée, c’est-à-dire d’occuper le terrain économique de Tesla. La production de motorisations thermiques étant plus rentable, la pression sur le marché pourrait décroître, à l’avantage de l’entreprise de Musk. Fin 2024, Webdush Securities avait jugé que la part de marché détenue par Tesla et les investissements déjà réalisés pour accroître la rentabilité pourraient lui offrir «un net avantage concurrentiel dans un environnement sans subventions pour les véhicules électriques».
Sur les marchés financiers, l’action Tesla a augmenté d’environ 60 % depuis la victoire de Trump à l’élection présidentielle de novembre, avant de baisser légèrement après son investiture et la signature de décrets défavorable au marché de l’électrique.