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Les éoliennes sont-elles à l’arrêt en hiver, comme le dit Marine Le Pen?

La présidente du Rassemblement national, candidate à l’élection présidentielle, justifie sa volonté de démanteler le parc éolien par cet argument.
Un champ d'éoliennes en Ecosse. D’après les spécialistes du secteur, l’hiver est une saison particulièrement favorable aux éoliennes. (George Clerk/Getty Images)
publié le 11 février 2022 à 9h03
(mis à jour le 11 février 2022 à 9h03)
Question posée par Jacques, le 19 janvier 2022

Bonjour,

Vous nous interrogez à propos du passage de Marine Le Pen sur France Inter, le 19 janvier. La candidate du Rassemblement National (RN) a répété son opposition «fondamentale» aux éoliennes. Elle propose, si elle est élue, d’arrêter tous les projets en cours et de démanteler le parc existant, comme elle l’a répété lors d’une interview sur la chaîne Twitch de Franceinfo, le 7 février. Sur France inter, la présidente du RN s’était notamment justifiée en affirmant que les éoliennes ne produisent pas en hiver.

«C’est une énergie qui par son intermittence nous rend en réalité dépendant au gaz. Parce que ce que vous oubliez de dire, c’est que quand on fait un champ d’éoliennes, il faut qu’à côté il y ait une centrale à charbon et une centrale à gaz, […] pour une raison très simple, c’est que c’est une énergie intermittente, en ce moment ça ne donne rien, voyez, quand il fait froid comme ça l’hiver, rien», a-t-elle développé.

L’hiver, une saison favorable

Pourtant d’après les spécialistes du secteur, l’hiver est une saison particulièrement favorable aux éoliennes. «Si l’on regarde le facteur de charge des éoliennes, c’est-à-dire le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite et la puissance maximale du parc éolien, on note qu’il est supérieur en hiver car il y a plus de vent», explique le gestionnaire de transport d’électricité, RTE, contacté par CheckNews.

D’après le panorama de l’électricité renouvelable publié par l’Agence ORE, Enedis, RTE et le syndicat des énergies renouvelables (SER) 2021, on observe que le facteur de charge est effectivement plus haut en hiver et à l’automne que le reste de l’année.

«Toutes les projections concernant l’Europe montrent que l’énergie éolienne devient la première source d’électricité avant 2030 en Europe, loin devant le solaire. La raison principale est que la demande d’électricité étant plus forte en hiver qu’en été, la production éolienne “matche mieux” que la production solaire», analyse Cédric Philibert, spécialiste de l’énergie et du climat, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI). En effet, les éoliennes produisent plus en hiver, au moment où la demande en électricité est la plus importante.

Il existe tout de même des facteurs qui peuvent altérer cette production. «Dans certaines régions, il est vrai que l’hiver s’accompagne du risque de formation de givre sur les pales. C’est toutefois plus rare en France que dans d’autres pays équipés en éolien comme l’Allemagne, le Danemark, le Canada, les Etats-Unis», estime le syndicat des énergies renouvelables. En France, le risque de perte est minime, selon le SER. «La grande majorité du territoire est en classe 1 (pertes de production moyennes de 0 à 0,5 %), une petite partie en classe 2 (0,5 à 5 %), sachant que les zones grisées sont des zones de montagne très peu propices à l’éolien», explique-t-il en s’appuyant sur les estimations de l’agence internationale de l’énergie.

Aléas possibles

Pour éviter des arrêts prolongés des éoliennes et assurer la sûreté des équipements, des détecteurs de formation de glace sur les pales sont obligatoires (sauf si l’exploitant peut démontrer que «l‘installation n’est pas susceptible de générer un risque de projection de glace»).

Autre aléa : les périodes de froid sans vent. «Des anticyclones peuvent, en hiver, correspondre à des périodes assez longues (environ une semaine) et se succèdent parfois relativement rapidement, avec peu de vent», observe Cédric Philibert. Le gestionnaire de transport d’électricité RTE confirme cette possibilité : «Il se peut qu’il y ait des périodes de faible vent et que la production éolienne soit faible en hiver, ce fut le cas en janvier 2022.» Ce qui donne – sur cette période précise mais non dans l’absolu – en partie raison à Marine Le Pen.

Pendant ces périodes de marasme, appelées dans le milieu «Dunkelflaute», (de l’allemand, «accalmie sombre») dans un scénario où l’éolien et le photovoltaïque sont plus développés, il y aura tout de même «besoin de centrales thermiques (gaz et à terme avec de l’hydrogène), au début en tout cas», explique le spécialiste. «En France, on a la chance d’avoir des régimes de vent nettement décalés entre la Manche, l’Atlantique, et la Méditerranée», conférant ainsi au parc tricolore une plus grande flexibilité, note Cédric Philibert.