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L’étude rétractée sur la mortalité imputable à l’hydroxychloroquine ne présente «aucune preuve de fraude», selon l’éditeur

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Alors que, depuis plusieurs semaines, divers défenseurs de l’usage de l’hydroxychloroquine dans le traitement du covid qualifient de «fraude» une étude récemment rétractée, la revue qui a décidé du retrait précise qu’aucun élément du dossier ne suggère une fraude.
La décision de rétractation a suscité une controverse dans la communauté scientifique, au regard du contexte de harcèlement dans laquelle elle a été prise. (Liliboas/Getty Images)
publié le 16 septembre 2024 à 17h46

Début janvier, un article scientifique lyonnais publié dans la revue Biomedicine & Pharmacotherapy proposait une estimation du nombre de décès potentiellement attribuables au traitement promu par Didier Raoult au début de la pandémie de coronavirus. Un exercice de pharmacovigilance qui, rapidement, a déclenché une importante campagne de dénigrement de la part des défenseurs de la «thérapie» marseillaise – avec notamment l’envoi de lettres à l’éditeur, parfois doublées de courriers d’avocats. Fin août, la revue décidait unilatéralement de rétracter l’article.

Si des experts avaient pointé certaines limites de l’étude, la décision de rétractation a suscité une controverse dans la communauté scientifique, au regard du contexte de harcèlement dans laquelle elle a été prise, mais aussi au regard des arguments présentés aux auteurs. De l’avis de plusieurs spécialistes interrogés par CheckNews, cette recherche de «nombre de cas attribuables» avait les qualités et les défauts de la plupart des publications de ce type – l’équipe lyonnaise faisant elle-même cas des limites de ces travaux, comme c’est l’usage dans une publication scientifique. En outre, aucun élément porté ne suggérait que des données eussent été trafiquées, ou des erreurs méthodologiques sciemment commises pour produire des résultats erronés.

Pourtant, nombre de ceux qui ont assimilé cette rétractation à une «victoire» ont, depuis plusieurs semaines, sur les réseaux sociaux, abondamment qualifié ces travaux de «fraude».

L’accusation de «fraude» est particulièrement lourde. Ce qualificatif renvoie à plusieurs pratiques prohibées en science : principalement, l’utilisation de données sciemment manipulées ou inventées, l’usage intentionnel d’une méthodologie inadaptée, ou le non-respect de règles éthiques (par exemple, la conduite de recherches impliquant la personne sans disposer des autorisations adéquates).

Vendredi 13 septembre, Biomedicine & Pharmacotherapy a amendé la notice de rétractation de l’étude, sans revenir sur la rétractation elle-même : «le journal souhaite préciser qu’à aucun moment l’enquête n’a trouvé de preuve de fraude dans l’article», jugeant que les problèmes identifiés relevaient «d’erreurs honnêtes» de la part des auteurs. La même notice précise, par ailleurs, que les chercheurs sont en désaccord avec la rétractation, et «en contestent les motifs».

Contacté par CheckNews, l’équipe lyonnaise n’apparaît pas pleinement satisfaite et conteste l’expression «erreur honnête» choisie par Biomedicine & Pharmacotherapy. «Nous avons demandé un argumentaire à la revue, pour nous et pour la communauté scientifique, expliquant en quoi nous aurions produit des erreurs. Nous avons également souligné le fait que leur parcimonie dans la communication avait des impacts importants pour le message de santé publique et pour la communauté scientifique. Mais ces arguments ne semblent pas porter.» Jean-Christophe Lega, auteur référent de l’étude, maintient que les points sur lesquels la revue et son équipe ont échangé «n’aboutissent pas à modifier l’ordre de grandeur, et donc les conclusions, de l’étude».