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L’inquiétant rapport aux sciences de Patrick Hetzel, nouveau ministre de la Recherche

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Après sa nomination à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, diverses prises de position polémiques du député LR ont été exhumées. Le premier boulet du gouvernement Barnier ?
Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, le 23 septembre à Matignon. (Benoit Tessier/REUTERS)
publié le 23 septembre 2024 à 15h46

Quelle rigueur scientifique, quelle compréhension du fonctionnement des sciences et de la recherche, est-on en droit d’exiger d’un ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ? La nomination du député LR Patrick Hetzel à ce poste suggère que les critères de sélection sont, pour le moins, assez lâches. Il ne s’est pas fallu longtemps pour que divers observateurs de la pourtant discrète carrière du représentant de la 7e circonscription du Bas-Rhin exhument quelques prises de position problématiques.

Le premier «boulet» à refaire surface sur les réseaux sociaux, dans la foulée de sa nomination, est sa défense publique de l’usage du traitement à l’hydroxychloroquine promu par Didier Raoult, en date du 2 avril 2020. Plus précisément, une lettre adressée au président de la République, où il affirme que «l’hydroxychloroquine, qui était en vente libre en France depuis quarante ans, a fait la preuve empirique de son efficacité», et clame qu’attendre de disposer de preuves de haut niveau avant d’en autoriser l’usage est «incompatible» avec la situation de crise d’alors. En fait de preuves «empiriques d’efficacité», tout incitait déjà, à l’inverse, à la plus grande prudence. Ainsi, comme nous l’écrivions huit jours plus tôt, les premiers essais chinois achevés avaient échoué à identifier le moindre effet bénéfique sur l’évolution des malades. De même, quiconque disposait d’un minimum d’aptitudes à la lecture critique d’articles scientifiques, pouvait identifier les failles méthodologiques béantes des deux productions pro-hydroxychloroquine des équipes de Didier Raoult, parues mi-mars et fin mars. Près d’un mois auparavant, des chercheurs – rattachés à l’IHU de Marseille – avaient également appelé à la prudence face aux quelques résultats obtenus en éprouvette, rappelant comment l’hydroxychloroquine avait, de nombreuses fois, échoué à démontrer son intérêt clinique dans un usage antiviral.

Dans son plaidoyer pour l’usage du traitement promu par Didier Raoult, Patrick Hetzel ajoutait à la méconnaissance du dossier un argument proprement effarant : «Les médecins généralistes sont aujourd’hui privés des médicaments curatifs, alors qu’ils sont autorisés (décret du 24 mars) à utiliser le clonazépam injectable pour mettre un terme à la suffocation de leurs patients, mais aussi à leur vie.» Le député relayait alors l’intox des «euthanasies au Rivotril» (nom commercial du clonazépam), déconstruites depuis lors par plusieurs médias, dont CheckNews.

Une obligation vaccinale décriée

D’autres prises de position polémiques de Hetzel ont également été mises en avant sur les réseaux sociaux. Parmi elles, l’expression de l’hostilité du parlementaire à l’égard de l’obligation vaccinale, mi-2021, avec pour argument la non-finalisation des essais de «phase III». Argument qui avait suscité l’exaspération du ministre de la Santé, Olivier Véran : «Ressortir les arguments sur un vaccin qui est en phase III, comme si c’était un vaccin [pour lequel il n’y a] pas de recul… je vous le dis, c’est votre droit parlementaire, [mais] je ne trouve pas ça très responsable. Le vaccin est éprouvé. […] On entend tout et n’importe quoi sur ce vaccin : regardez ce que dit la science, regardez ce que disent les données des laboratoires, les données des organismes publics français, européens, américains et internationaux sur ces vaccins.» Et le ministre de mettre en avant «les mois de recul» dont on disposait pour «les milliards de personnes vaccinées» de par le monde.

Autre prise de position remarquée de Patrick Hetzel, datant de novembre 2023 : son appel à la suppression de l’article 4 de la loi contre les dérives sectaires, prévoyant la création d’infractions contre les personnes provoquant «l’abandon ou l’abstention de soins» ou «l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé». A l’appui de cette suppression, un argumentaire étonnant sur «ce qu’est la science» : «Très souvent, au moment où elles émergent, les ruptures de paradigme permises par les avancées scientifiques sont le fait d’individus qui, au sein de la communauté scientifique, sont minoritaires. Nous devons donc être très attentifs à éviter le développement d’un dogme qui serait celui d’une science officielle : ce serait tout à fait dangereux.» Pourtant, l’article 4 ne décourageait en rien l’évaluation rigoureuse d’hypothèses scientifiques plausibles, ni la recherche sur des thérapies émergentes pour lesquelles existerait un faisceau de présomptions légitimes.

Au secours de l’homéopathie

On retrouve aussi le nouveau ministre de la Recherche au nombre de ceux qui ont souhaité temporiser la fin du remboursement de l’homéopathie, afin «de donner du temps à la concertation pour empêcher un déremboursement précipité et mal évalué des médicaments homéopathiques». Dans une proposition de loi cosignée fin 2020 par l’actuel ministre, la demande d’un moratoire prolongeant de deux ans le remboursement de l’homéopathie à 15 % est justifié par la nécessité de poursuivre «les négociations des plans de sauvegarde de l’emploi des entreprises pharmaceutiques spécialisées dans la production de médicaments homéopathiques» et de préserver «plusieurs centaines d’emploi» dans une filière «lourdement fragilisée par [deux] années de dénigrement». Un choix de vocabulaire que l’on pourra juger surprenant, dans la mesure où l’on parle ici d’un constat scientifique – à savoir que la pratique n’a jamais, depuis près de deux cent trente ans, démontré d’efficacité au-delà des seuls effets regroupés sous l’appellation «effet placebo».

Parallèlement à ces positions qui reflètent un rapport assez particulier aux sciences, aux données issues des sciences et aux modalités de production de savoirs scientifiques, Hetzel est également critiqué sur d’autres fronts : opposition au mariage pour tous, à la procréation médicalement assistée les couples de femmes et femmes seules, au dernier projet de loi sur la fin de vie, ou à la constitutionnalisation de l’IVG. Il est également l’un des artisans de la loi – très controversée – relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) sur l’autonomie des universités.