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L’Ukraine a-t-elle aidé les rebelles syriens à faire tomber le régime d’Assad ?

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Un article du «Washington Post», confirmant en partie les «accusations» de Moscou, affirme que l’Ukraine a fourni ces dernières semaines des opérateurs de drones expérimentés et environs 150 drones FPV aux rebelles de HTS.
Le 19 novembre, en Syrie, à Al-Nayrab près d'Alep, des rebelles montrent les drones FPV de l'armée syrienne. (Anas Alkharboutli/DPA.Icon Sport)
publié le 17 décembre 2024 à 11h01

C’est une «accusation» récurrente de Moscou, depuis des semaines, voire des mois : Kyiv aurait fourni des drones aux rebelles islamistes de HTS pour faire tomber le régime syrien, et affaiblir son allié russe par la même occasion. Cette collaboration entre l’Ukraine et les opposants syriens (depuis victorieux) avait récemment été démentie par EUvsDisinfo, une cellule rattachée au service diplomatique de l’Union Européenne et en charge de la lutte contre la désinformation – surtout venue de Moscou.

Dans plusieurs articles publiés le 7 et 8 décembre (celui-ci, celui-ci et celui-ci), EUvsDisinfo affirmait ainsi «les accusations selon lesquelles l’Ukraine aurait joué un rôle décisif dans le soutien au terrorisme en Syrie font partie des campagnes de désinformation menées par la Russie pour nuire à la réputation de l’Ukraine sur la scène internationale».

Mais quelques jours plus tard, le Washington Post est venu contredire ces démentis. Dans les pages opinions du quotidien américain, le chroniqueur international David Ignatius cite des «sources familières avec les activités militaires ukrainiennes à l’étranger» qui rapporte que «le renseignement ukrainien a envoyé une vingtaine d’opérateurs de drones expérimentés et environs 150 drones FPV au quartier général des rebelles à Idlib, en Syrie, pour aider Hayat Tahrir al-Sham». Tout en précisant immédiatement que «l’aide de Kyiv a seulement joué un rôle modeste dans le renversement du président syrien Bachar Al-Assad, pensent des sources renseignement occidentales».

Des dronistes ukrainiens en Syrie ?

En réalité, les évocations d’une collaboration de Kyiv avec HTS remontent déjà à plusieurs mois. En juin, un article du Kyiv Post citait déjà une source dans le renseignement militaire ukrainien qui rapportait que des agents ukrainiens frappaient des cibles russes en Syrie depuis le début de l’année, en collaboration avec «l’opposition syrienne». De manière générale, l’Ukraine ne reconnaît pas officiellement son implication extérieure contre la Russie (en Syrie ou ailleurs), mais ne la nie pas non plus. Voire parfois la suggère.

La présence de dronistes ukrainiens en Syrie, aux côtés des forces islamistes antirégime, avait également été mentionnée plus tôt dans l’année dans la sphère informationnelle du Kremlin. Les organes d’informations d’Etat russes avaient déjà repris l’affirmation (floue), partagée en septembre par le journal turc Aydinlik qui renvoyait lui-même à un site kurde, selon laquelle une délégation ukrainienne aurait rencontré des membres d’HTS en juin, leur donnant 75 drones FPV dans le cadre d’un accord. HTS avait alors, notamment auprès du média syrien Levant24, nié toute implication avec le renseignement ukrainien.

Plus tard, le 14 novembre, comme le rapportent différentes agences russes le représentant spécial russe en Syrie, Alexander Lavrentyev avait affirmé que «les Ukrainiens fourniss(ai)ent des drones à Idlib, en entraînant les terroristes à les utiliser et à les fabriquer eux-mêmes Les articles mentionnant explicitement les drones FPV. Equipées de quatre rotors, portant une charge explosive et dirigées par un opérateur équipé d’un masque relié par ondes radio, ces armes sont devenues centrales dans les combats en Ukraine depuis l’invasion russe de 2022.

«Un flot d’articles»

L’utilisation de drones FPV en Syrie par l’armée syrienne a également été documentée. Un article d’Al-Jazeera, publié en février, racontait le développement de cette technique du côté de l’armée du régime, avec le soutien de l’Iran et de la Russie, et y compris contre des civils.

Mais depuis le début de l’offensive éclair des factions rebelles, Samuel Bendett, spécialiste des évolutions technologiques russes, formulait sur X le 7 décembre l’hypothèse que si «l’armée syrienne a effectivement utilisé des drones tactiques et des FPV au cours des mois précédents, l’opposition l’a peut-être fait à une plus grande échelle et à une plus grande vitesse que [les forces de Bachar Al-Assad]». Cette recrudescence est là aussi visible sur de nombreuses vidéos de frappes récentes, comme ici ou ici.

Interrogé par CheckNews sur les éléments contredisant en partie ses articles sur le sujet, EUvsDisinfo répond ne pas prétendre à l’exhaustivité, et explique avoir «observé un flot d’articles et de documents visant à faire avancer un récit suggérant que le soutien militaire de l’Ukraine a joué un rôle décisif dans la chute du régime d’Al-Assad ces derniers jours». Ce que ce service de la diplomatie européenne continue donc de juger faux, sans nier formellement une possible aide de Kyiv aux rebelles.