Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Menhirs détruits à Carnac : ces photos impressionnantes, mais hors sujet, qui ont inondé la presse

Dans l’affaire des mégalithes détruits dans le Morbihan au profit d’une enseigne de Bricolage, de nombreux confrères ont illustré leurs articles avec des clichés de menhirs sans rapport avec le site.
Une des photos utilisées à tort pour illustrer la polémique autour de l'installation d'un Monsieur Bricolage sur un champ de menhirs de Carnac. (Fred Tanneau /AFP)
publié le 9 juin 2023 à 18h42

C’est un sujet on ne peut plus visuel : le démantèlement controversé de 39 menhirs à Carnac (Morbihan), pour la construction d’un nouveau magasin Monsieur Bricolage dans la ville, déplacé de Carnac Plage à la zone d’activité, un peu plus au Nord. Un chantier qui a ému les réseaux sociaux et une partie de la classe politique, indignés de voir sacrifiées des pièces archéologiques millénaires. Comment ne pas s’indigner, en effet, à la vue des clichés du site présumé, qui ont accompagné les articles de plusieurs de nos confrères.

Sous le titre «A Carnac, 39 menhirs détruits pour construire un magasin de bricolage», le site 20 minutes illustrait ainsi son article avec une photo AFP de magnifiques mégalithes dressés, accompagnés d’une légende assez vague : «Le site mégalithique de Carnac est composé de plus de 3 000 menhirs alignés».

Belle photo (AFP) de menhirs également pour BFMTV, qui légende son cliché de façon tout aussi générale : «Une photo prise le 22 août 2014 montre des pierres faisant partie des sites mégalithiques de Carnac, dans le Morbihan.»

Idem pour l’AFP elle même, dans son tweet, supprimé depuis, montrant d’impressionnantes rangées de mégalithes, avec cette légende : «Des pierres dressées vieilles de 7 000 ans ont été détruites dans le nord-ouest de la France pour faire place à un magasin de bricolage, révèle un historien local. Les pierres se trouvent dans la région de Carnac – l’un des sites archéologiques préhistoriques les plus importants d’Europe.»

Président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, a, pour sa part, carrément utilisé un montage suggérant un avant/avant, avec de très beaux alignements de menhirs, et, en-dessous, des photos du chantier présumé.

Problème : aucun de ces clichés n’a de rapport avec le site en question. A quoi ressemblait réellement ce lieu, sis chemin de Montauban, détruit au profit de Monsieur Bricolage ? Dans un communiqué en date du 7 juin, la direction régionale de l’action culturelle Bretagne rappelait qu’un diagnostic avait été réalisé en 2015 par l’Inrap (l’institut national de recherches archéologiques préventives), dans le cadre de l’instruction d’une première demande de permis de construire en 2014. «Aucun vestige archéologique n’a alors été découvert, écrit la Drac. Il est en revanche apparu que deux anciennes clôtures dissimulées dans les taillis étaient construites à partir de blocs dressés, reliés par des murets de pierre sèche. Il n’a alors pas été possible de définir précisément la nature de ces découvertes».

Et de poursuivre : «Dans l’une des clôtures, les blocs avaient manifestement été déplacés pour construire le muret. Il ne s’agit donc pas d’une file de menhirs en place historiquement. L’autre ensemble était plus complexe d’interprétation. Les blocs de 0,50 à 1 mètre de haut étaient implantés plus profondément dans la terre. Quatre d’entre eux présentaient les marques d’une usure en position dressée depuis très longtemps.»

Avant de conclure : «Du fait du caractère encore incertain et dans tous les cas non majeurs des vestiges tels que révélés par le diagnostic, l’atteinte à un site ayant une valeur archéologique n’est pas établie.»

Les vraies photos du lieu (ci-dessous), qui ne présagent cependant pas de l’importance ou non du site sur un plan archéologique, ressemblent effectivement davantage à la description faite par la Drac Bretagne que les clichés qui ont inondé la presse.

Ce sont ces clichés qui ont illustré l’un des articles de Libération sur le sujet, avec la légende suivante : «Les stèles de Carnac, au sein du mur en pierre désormais détruit, tels qu’elles avaient été identifiées par l’Inrap, en 2015. (Archive /OUEST FRANCE-MAXPPP)».