Question posée par Descamps Amish, le 28 septembre sur Twitter (renommé X)
Vous nous interrogez sur la suppression, sur X (anciennement Twitter), par LCI d’un extrait d’une chronique de Caroline Fourest tirée de l’émission 24h Pujadas du 26 septembre 2023. Un passage polémique dans lequel la rédactrice en cheffe de Franc-tireur évoque «des mineurs isolés qui ne vont vraiment pas bien, qui sont agressifs, violents, violeurs». L’extrait en question, d’environ 5 minutes, avait été partagé par le compte 24h Pujadas en mettant en avant la citation : «#Migrants : “Quand ces gens ont traversé la mer dans des conditions abominables ; qu’ils ont été escroqués, certains violés, qu’ils ont failli se noyer, quand ils arrivent chez nous, ils arrivent dans un tel état qu’ils sont dangereux.”»
Ah ouais, quand même.#migrants pic.twitter.com/mWLeaGlEc9
— Caisses de grève (@caissesdegreve) September 27, 2023
La séquence a massivement fait réagir, de nombreux commentateurs dénonçant des propos «xénophobes». Le président de Mediapart, Edwy Plenel, ou encore le compte Contre Attaque ont reproché à la journaliste et réalisatrice d’essentialiser les mineurs isolés. Ce passage a été défendu par une partie de l’extrême droite, comme par le compte officiel du parti d’Eric Zemmour, ou la porte-parole du collectif identitaire Nemesis. Deux députés du parti présidentiel Renaissance (Mounir Belhamiti, député de Loire-Atlantique, et Anne-Laurence Petel, députée d’Aix-en-Provence) se sont également opposés aux critiques formulées contre cette séquence. Qui a effectivement été supprimée du réseau social dans l’après-midi de jeudi 28 septembre. La chronique n’est toujours pas disponible sur la page de MYTF1 qui lui est dédiée.
«Messages de haine»
De quoi alimenter les spéculations d’internautes supputant que la chaîne avait été contrainte de retirer l’extrait pour des raisons légales. Mais l’extrait est encore en ligne sur la page Facebook du talk-show, et l’émission dans son intégralité est accessible sur le site de la chaîne. Contacté par CheckNews, LCI affirme : «Il a été décidé d’un commun accord avec [Caroline Fourest] de retirer cet extrait face aux nombreux messages de haine et ultra-violent.» Tout en rappelant que la chronique complète est disponible sur le site de l’antenne.
Sur X, Caroline Fourest avait répondu aux critiques en accusant ses détracteurs d’avoir déformé son propos, reprochant notamment à Edwy Plenel sa «mauvaise foi» : «Vous n’avez pas écouté mon propos. Je démonte justement le discours essentialisant en plaidant pour le maintien de l’AME [aide médicale d’Etat, ndlr], la scolarisation et des trajets sûrs permettant d’éviter ces traumatismes. Mais qui s’étonne encore de votre déni et de vos raccourcis ?»
Quelle mauvaise foi… Vous n’avez pas écouté mon propos. Je démonte justement le discours essentialisant en plaidant pour le maintien de l’AME, la scolarisation et des trajets sûrs permettant d’éviter ces traumatismes. Mais qui s’étonne encore de votre déni et de vos raccourcis ? https://t.co/WRwn3qYJMi
— Caroline Fourest (@CarolineFourest) September 27, 2023
La chronique complète de Caroline Fourest dure une bonne dizaine de minutes. «La morale fait-elle bon ménage avec la politique, notamment en ce qui concerne l’immigration ? Donc vous nous dites : c’est bien la morale, mais elle a ses limites, il ne faut pas tout miser sur la morale, on ne peut pas tout miser sur la morale», introduit David Pujadas avant qu’elle ne commence.
«Ceux-là, ils ont droit à l’asile»
Dans ses propos, la journaliste aborde les propos du pape puis plaide pour «dépassionner», «rationaliser un peu» le débat sur l’immigration, «entrer dans le concret». Elle rappelle «qu’il y a plus de 26 000 personnes qui sont mortes en Méditerranée ces dernières années» mais se concentre sur les problèmes «politiques» de l’accueil : «Tous les responsables politiques cherchent un moyen d’ouvrir la porte qu’à ceux qui vraiment doivent être accueillis.» Elle y oppose ceux qui fuient les talibans, «ceux-là, ils ont le droit à l’asile. Justement, nous avons la tradition d’accueillir ceux qui sont épris de liberté et qui fuient la tyrannie» à, de l’autre côté, des «anciens de Daesh qui fuient peut-être les Kurdes», défendant plus généralement la nécessité de «dissuader», «trier» et de se répartir l’accueil entre les 27 pays de l’Union européenne. Elle critique à la fois les positions de l’extrême droite mais aussi celles de ceux promouvant l’accueil, en revendiquant une approche pragmatique.
Vient ensuite le volet sur les mineurs isolés. La retranscription complète de la séquence polémique, dont plusieurs extraits circulent, est la suivante :
«Quand vous avez des mineurs isolés qui passent par la France, selon l’état dans lequel ils arrivent, psychologiquement, et là aussi il faut se poser la question de l’accueil. On peut avoir un débat en se disant : “Je suis désolé, on n’a pas les moyens d’accueillir tous les mineurs isolés du monde.” C’est un débat légitime qu’il ne faut pas non plus là passionner. […] Aujourd’hui, il y a de vrais problèmes de sécurité qui sont posés par des mineurs isolés qui ne vont vraiment pas bien, qui sont agressifs, violents, violeurs. Mais c’est une chaîne qu’on doit revoir depuis le début. Quand ces gens ont traversé la mer dans des conditions abominables, qu’ils ont été escroqués, pour certains, […] s’ils se sont fait violer six fois en cours de route, qu’ils ont failli se noyer… Quand ils arrivent chez nous, parce qu’ils y arrivent quand même, ils sont dans un tel état qu’ils sont dangereux. Ils sont dangereux pour nous. Si en plus la solution c’est chacun pour soi, on se débrouille tout seul, on supprime l’aide médicale d’Etat – comme je l’entends parfois dans les solutions proposées par l’extrême droite – ou on supprime la scolarisation de ces mineurs… Ils sont encore plus dangereux. Ils sont sanitairement dangereux, parce qu’ils ne sont pas pris en charge médicalement – alors qu’ils ne viennent pas pour l’aide médicale d’état, hein, ils viennent parce qu’ils essaient de passer vers l’Angleterre. Et ils sont tellement isolés psychologiquement qu’on peut pas détecter leur dangerosité, et qu’on a encore plus de problèmes. Donc quand je dis [qu’il] faut dépassionner ces débats, [il] faut qu’on puisse dire ça franchement, tranquillement.»
Caroline Fourest enchaîne ensuite en évoquant les problématiques de répartition des immigrés en Europe, et le renvoi vers leur pays d’origine des «gens qui n’ont pas vocation à rester en Europe».