Une petite cicatrice sur votre bras en témoigne : le vaccin contre la variole vous a été administré dans votre jeunesse, à l’aide d’un vaccin «à virus vivant atténué». Mais les dernières campagnes sont désormais anciennes : la vaccination antivariolique n’est plus obligatoire en France depuis 1979 (1984 pour les rappels). Les vaccins alors employés étaient des vaccins de première et deuxième générations. Ils ne sont plus utilisés en raison de l’éradication de la maladie, mais aussi d’effets indésirables potentiellement sévères.
Vous nous demandez si cette protection acquise contre la variole il y a plus de 40 ans vous immunise contre la «variole du singe», ou si les deux virus sont beaucoup trop différents pour escompter une «immunité croisée».
Moins de complications
Le virus de la variole et celui de la maladie dite «variole du singe» sont tous deux des orthopoxvirus, qui présentent de nombreuses similarités dans leur structure. En laboratoire, les anticorps produits en réaction au vaccin contre la variole peuvent reconnaître et neutraliser partiellement certains «monkeypox». Une étude menée au Zaïre au milieu des années 80 dans une population d’enfants touchés par un «monkeypox» a montré que ceux vaccinés contre la variole avaient significativement moins de risque de complications que les non-vaccinés, avec des symptômes moins marqués. Toutefois, une étude menée en 2003 au Wisconsin sur onze patients touchés par un «monkeypox» transmis par des chiens de prairie révélait que six d’entre eux «avaient été vaccinés contre la variole lorsqu’ils étaient enfants». Certains auteurs supposent ici que «l’intervalle de temps entre la vaccination [antivariolique] et la contraction de la variole du singe peut avoir été suffisamment long pour que les effets protecteurs du vaccin se soient dissipés».
L’hypothèse d’une baisse progressive de l’immunité croisée contre la variole du singe chez les personnes vaccinées contre la variole fait d’ailleurs partie des hypothèses avancées pour expliquer l’apparition sporadique de cette maladie depuis le début des années 2000. «Avant 1996, les chaînes de transmission étaient courtes et peu fréquentes, impliquant selon les rapports jusqu’à 3-5 personnes non vaccinées», résumaient en 2020 les participants à une conférence sur le sujet. «Plusieurs chaînes de transmission plus longues sont apparues au cours de l’épidémie de Katako-Kombe de 1996-1997, avec jusqu’à sept personnes non vaccinées infectées par le même cas index. A partir de 1998, le nombre d’infections a augmenté, avec une augmentation de l’âge moyen. Une étude de 2007 a mis en évidence des anticorps contre les orthopoxvirus chez des habitants non vaccinés de la région de la Likouala (République du Congo). En 2006-7, une augmentation très significative de la variole du singe humaine, multipliée par 20, a été rapportée en République démocratique du Congo. Seuls 5 à 24 % de la population semblait avoir été vaccinée.»
Il semble donc difficile de compter sur une vaccination antérieure aux années 80 pour s’estimer protégé contre la variole du singe.
Une troisième génération de vaccins a vu le jour depuis lors. L’Imvanex (laboratoire Bavarian Nordic) est autorisé en Europe depuis juillet 2013 contre la variole chez les adultes. Il est également commercialisé aux Etats-Unis sous le nom de Jynneos, avec une autorisation d’usage chez l’adulte dans la prévention de la variole, mais aussi de la variole du singe. Selon les centres étasuniens de contrôle des maladies, un faisceau de données issues d’études cliniques ou sur l’animal (sur ce vaccin ou d’autres candidats vaccins) valide l’existence d’une protection croisée contre les «monkeypox». L’intérêt du vaccin existerait en préventif, mais aussi pour limiter la gravité de la maladie après exposition au virus. Certaines mutations des «monkeypox» peuvent toutefois les rendre moins sensibles à cette immunité croisée.