Un couple de Belges francophones… qui ne parle pas assez bien français ? A en croire les multiples articles de presse qui ont fleuri sur la toile ces derniers jours, ce serait la justification apportée par la préfecture de la Drôme à Martine et Vincent Lenoir, afin de refuser leur demande de naturalisation.
A l’origine, l’histoire est rapportée dès le 18 décembre par le Dauphiné libéré qui titre ainsi : «Ils sont Belges, francophones, installés dans la Drôme et pourtant, on leur refuse la nationalité française.» Dès le chapô de l’article, et à nouveau dans les premières lignes, on lit que la demande de naturalisation a été refusée «pour défaut de connaissance de la langue française». Puis, en légende photo, le quotidien apporte une formulation plus détaillée, expliquant : «L’administration refuse à Martine et Vincent Lenoir leur demande de naturalisation française au motif que le couple belge ne justifie pas de son niveau de connaissance de la langue française, pourtant leur langue maternelle.»
Quinze jours plus tard, ce récit est à nouveau rapporté par le Parisien, sous le titre : «“C’est injuste !” : la naturalisation de ces Belges francophones retoquée à cause… de leur niveau de français.» Dans la foulée, le témoignage du couple est repris dans une multitude de médias, de la presse belge à Paris Match.
Diplômes et test de langue
L’indignation est palpable, l’affaire semble ubuesque : Vincent et Martine Lenoir vivent depuis de nombreuses années dans l’Hexagone, le français est leur langue maternelle qu’ils parlent et écrivent parfaitement. Martine Lenoir a même écrit un livre (en français) récemment. Quant au dossier fourni à la préfecture, le Parisien estime qu’il est «en apparence solide», à base de «diplômes obtenus dans des établissements francophones» et, pour lui, un «test de langue effectué auprès de l’organisme de certification ETS». La Dépêche illustre d’ailleurs son article avec une photo de Vincent Lenoir brandissant fièrement son attestation de résultat.
Mais la réalité du refus de l’administration est en fait plus nuancée. Dans un communiqué du 4 janvier, la préfecture de la Drôme a tenu à revenir sur cette affaire créant un début de polémique. Elle indique : «Il est totalement inexact de mentionner que la demande de naturalisation des époux Lenoir a été rejetée pour “défaut de connaissance de la langue française”. Ce rejet est dû à la production de documents non conformes à la liste mentionnée par l’article 37 du décret n° 93-1 362 du 30 décembre 1993 modifié.»
C’est, de fait, la réponse qui est apportée par l’institution en septembre à Vincent Lenoir, puis mi-décembre à son épouse – deux courriers que CheckNews a pu consulter. Dans les deux cas, on lit cette même phrase : «Ces documents ne répondent pas aux exigences définies par l’article 37 du décret 93-1 362 du 30 décembre 1993 modifié et n’établissent donc pas que vous possédez le niveau B1 oral et écrit requis.» Une réponse qui porte donc sur un point administratif, en l’occurrence la nature des documents envoyés. Et non sur le niveau réel des demandeurs.
Ce décret indique que «tout demandeur doit justifier d’une connaissance de la langue française à l’oral et à l’écrit au moins égale au niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues». Et «à défaut d’un tel diplôme, le demandeur peut justifier de la possession du niveau requis par la production d’une attestation délivrée depuis moins de deux ans à l’issue d’un test linguistique certifié ou reconnu au niveau international».
Sur le site de la préfecture de l’Isère, un document de la Direction générale des étrangers en France précise que le demandeur peut fournir, pour attester du niveau de langue requis : un diplôme délivré par une autorité française attestant du niveau BEP /CAP, un «diplôme attestant d’un niveau de connaissance du français au moins équivalent au niveau B1 du Cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe», une attestation datant de moins de deux ans à l’issue du test de connaissance du français (TCF) ou du test d’évaluation de français (TEF).
Test de 2013
Or, en ce qui concerne Vincent Lenoir, le test de français international (ETS global) qu’il a obtenu ne figure plus parmi les organismes certifiés demandés dans le cadre des procédures de naturalisation. Par ailleurs, son test date de 2013, alors que les autorités réclament une date d’examen inférieure à deux ans.
Pour sa femme, la préfecture juge que «le diplôme d’éducatrice belge ainsi qu’une attestation de suivi d’études en langue française établi par l’institut technique secondaire supérieur d’éducation physique de Bruxelles» ne correspond pas non plus aux exigences du décret.
Auprès de CheckNews, Martine Lenoir réagit : «La préfecture se défend en disant que nous sommes en tort et que les documents fournis n’attestent pas de notre niveau. Mais on ne nous dit pas quel document on doit donner ! Donc nous, en toute bonne foi, on avait fourni des attestations de diplômes et le test de Vincent. En fouillant, on a vu qu’il fallait passer un examen. Nous nous sommes inscrits pour la session de février.»
Problème, selon elle : «Le temps de passer l’examen, le délai accordé après notre recours sera dépassé. Nous devrons donc repartir pour un tour.» Et de décrire un imbroglio administratif absurde : «C’est le serpent qui se mord la queue.» En face, la préfecture maintient que «l’acquisition de la nationalité française n’est pas un processus anodin et requiert la fourniture de documents précis. Cette procédure longue, nécessite un grand nombre de vérifications, et cela quelle que soit la nationalité d’origine du demandeur».
Elle assure toutefois qu’il s’agit d’un «refus temporaire» et indique, ce qui nous a été confirmé par le couple, qu’un rendez-vous a été fixé la semaine prochaine afin de faire le point sur les documents attendus.