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Non, les enfants ne recevront pas «une éducation à la sexualité» dès l’âge de 3 ans, comme l’affirme la porte-parole de SOS Education

Dans une interview accordée au «Figaro», Sophie Audugé, porte-parole d’une association conservatrice, assure que le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) «vient d’avancer l’éducation à la sexualité à l’âge de 3 ans». C’est faux.
Dans le programme de l’Evars disponible en ligne, il est écrit que «l’éducation à la sexualité nécessite un ajustement à l’âge et à la maturité des élèves». ( Leimer/Interfoto. Aurimages)
publié le 14 février 2025 à 8h18

Des mois d’intenses débats et de réécritures n’auront pas suffi à éteindre les critiques envers le programme – finalement édulcoré – d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (Evars). Ce texte a été publié au Bulletin officiel ce jeudi 6 février. Il entrera en vigueur à la rentrée scolaire prochaine. Ce mercredi 12 février, la porte-parole de SOS Education, association qui se définit comme «non partisane», mais qui est dans les faits réputée proche de la droite conservatrice, est revenue à la charge sur ce texte lors de l’émission Points de vue, sur la chaîne du FigaroTV.

Sur le plateau, Sophie Audugé, présentée comme une «spécialiste de la politique éducative et de l’enfance», dénonce un «programme qui n’est pas fait pour les enfants». «La directrice de la direction générale de l’enseignement scolaire [qui a piloté ce programme, ndlr] nous dit qu’il n’y a pas de sexualité [dedans], introduit-elle. Mais le véhicule législatif dans lequel s’ancre ce programme se rapporte à la loi de 2001, qui ajoute une section à l’article du code de l’éducation et qui s’appelle “information et éducation à la sexualité”.» Et la porte-parole de l’organisation d’en conclure : «On vient donc bien d’avancer l’éducation à la sexualité à l’âge de 3 ans.»

Pas d’éducation à la sexualité avant la classe de sixième

Mais sa démonstration est fausse. Dans le programme de l’Evars disponible en ligne, il est écrit que «l’éducation à la sexualité nécessite un ajustement à l’âge et à la maturité des élèves» et qu’elle «se construit en deux étapes successives». D’abord, une «éducation à la vie affective et relationnelle» pour l’école maternelle et l’école élémentaire, puis une «éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité» pour le collège et le lycée. En clair : un enfant de 3 ans ne recevra pas une quelconque éducation à la sexualité en classe de maternelle.

«Les contenus des programmes sont désormais publics. Dans le premier degré, les apprentissages portent sur la vie affective et relationnelle. Les questions liées à la sexualité ne sont pas abordées. Peut-être madame Audugé devrait-elle simplement les lire», rétorque-t-on du côté du ministère de l’Education, sollicité par CheckNews.

Sophie Vénétitay, secrétaire générale de la Snes-FSU – syndicat qui a participé aux côtés d’autres syndicats à l’amélioration de ce texte et à l’élaboration de plusieurs amendements –, rectifie aussi les propos de la porte-parole de SOS Education. «Le nom de la section “information et éducation à la sexualité” est le nom générique qui englobe tous les niveaux du programme, l’école au sens large. Mais ce qui fait foi, c’est bien le texte publié le 6 février. Il est divisé en deux parties : maternelle et élémentaire, puis collège et lycée.» Yannick Kiervel, référent national écoles du SE-Unsa, abonde : «Cet intitulé n’est qu’un chapeau général. Le programme est limpide : l’éducation à la sexualité n’est abordée qu’à partir de la sixième.»

Apprendre à formuler les parties intimes du corps avec des termes scientifiques dès 3 ans ?

Lors de son interview au Figaro, Sophie Audugé a brandi un autre argument contre l’Evars. «Quand on nous dit que dès 3 ou 4 ans, on apprend les différentes parties du corps et les parties intimes et qu’on apprend à les formuler avec des termes scientifiques : on parle bien de langage du sexe, de la vulve et du pénis […] Dans les programmes, c’est marqué : “Connaître les parties du corps, les parties intimes, en allant vers un langage scientifique”», s’offusque la porte-parole.

Or, «nommer les parties du corps, dont les parties intimes, avec un vocabulaire scientifique précis, c’est à partir de la classe de CP, c’est écrit noir sur blanc», rectifie Yannick Kiervel. En effet, à la page 11 du programme, on lit que les trois séances annuelles qui se déroulent «avant l’âge de 4 ans» auront pour objectif de «connaître son corps et comprendre ce qu’est l’intimité», mais aussi de «nommer les différentes parties du corps». Il s’agira alors de partir de «dénominations spontanées pour aller vers un vocabulaire scientifique». Mais il n’est pas fait mention des «parties intimes». C’est seulement à partir de la classe de CP (page 17) que les enfants devront apprendre à «nommer les parties du corps, dont les parties intimes, avec un vocabulaire scientifique précis». Et «c’est bien l’un des objectifs de l’école que les enfants puissent nommer et connaître leur corps. Il vaut mieux avoir un vocabulaire scientifique qu’un vocabulaire propre à chacun», défend Guislaine David, porte-parole de la SnuiPP-FSU.

Ces attaques de la part de l’association conservatrice, qui a par ailleurs lancé une pétition contre l’Evars qui cumule près de 60 000 signatures, participent d’après Sophie Vénétitay à «alimenter la désinformation qui circule à ce sujet sur les réseaux sociaux». «Pourtant, il suffit de lire le programme pour se rendre compte que ces critiques sont infondées», conclut la secrétaire générale de la Snes-FSU. Contactée, la porte-parole de SOS Education n’a pas donné suite.