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Non, les hôpitaux de Gaza ne peuvent pas totalement se passer de carburant grâce à l’énergie solaire

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En réponse à un article du «Parisien», l’avocat Gilles-William Goldnadel estime que les hôpitaux gazaouis «sont alimentés par l’énergie solaire», sous entendant qu’ils n’ont pas besoin de carburant pour continuer à fonctionner.
Le 22 octobre, dans une maternité de Gaza City, où un aide-soignant s'occupe d'un bébé palestinien né prématuré. (Photo/REUTERS)
publié le 27 octobre 2023 à 12h08

Un effondrement du système de santé. Pris en tenaille entre les frappes aériennes, et la pénurie de carburant (qui permet d’alimenter en électricité de nombreux bâtiments, grâce à des générateurs), les hôpitaux de Gaza font face à une situation critique, selon plusieurs ONG et institutions internationales. Mais plusieurs internautes s’interrogent : pourquoi ces établissements ont-ils besoin de carburant pour être alimentés en électricité et assurer l’éclairage et le bon fonctionnement du matériel médical, alors qu’ils sont, pour beaucoup, alimentés grâce à l’énergie solaire ? Sur Twitter (renommé X), plusieurs renvoient ainsi à des images d’établissements de santé gazaouis dont les toits sont couverts de panneaux photovoltaïques, comme l’hôpital Al-Ahli ou Al-Shifa.

En France, l’avocat et contributeur régulier de CNews Gilles-William Goldnadel s’en prend même directement à un article du Parisien. Ce dernier, publié le mercredi 25 octobre, explique qu’Israël «refuse d’inclure le carburant dans le peu d’aide humanitaire entrant à Gaza» alors qu’il est «pourtant vital pour faire fonctionner les générateurs des hôpitaux, qui ne pourront bientôt plus maintenir en vie les malades». Inacceptable pour l’avocat franco-israélien : «Le Hamas a besoin du carburant pour alimenter les turbines d’aération des tunnels où ses terroristes se cachent. Quant aux hôpitaux en plein air, ils sont alimentés par l’énergie solaire», estime Gilles-William Goldnadel, accusant au passage le quotidien d’être «un site de propagande». Sollicité par CheckNews pour obtenir des précisions, il n’a pas donné suite.

Utilisés «comme source d’appoint»

Pour Médecins sans frontières, qui travaille avec plusieurs établissements de la bande de Gaza et qui dispose de cliniques sur place, il est pourtant complètement «faux» d’imaginer que seule l’énergie solaire permet de faire fonctionner ces infrastructures : «Les hôpitaux fonctionnent avec des générateurs pour la grande majorité. Certains sont équipés de panneaux solaires comme source d’appoint mais on ne peut pas faire fonctionner un hôpital [uniquement] avec des panneaux solaires !» détaille à CheckNews la coordinatrice médicale de la mission Palestine de MSF France, Guillemette Thomas.

Ainsi, si des panneaux photovoltaïques fournissent de l’électricité à certaines unités de soin, comme ce service de néonatologie de l’hôpital Al-Shifa, l’un des plus importants de Gaza, la production solaire n’est pas suffisante pour couvrir les besoins d’un hôpital, et n’est surtout pas constante. L’obstétricienne Fadia Malhis, qui travaille à Al-Shifa, assure ainsi qu’en l’absence d’ensoleillement, «l’énergie viendrait à manquer» et que «les bébés [maintenus en vie par des machines] mourront».

Selon l’équipe logistique de MSF, cet hôpital dispose par exemple de trois gros générateurs conteneurs pour opérer normalement, qui consomment chacun «environ 10 000 litres de carburant par jour» quand ils tournent à pleine capacité. L’hôpital Nasser, dans le sud du pays, disposerait lui de deux générateurs qui consomment «environ 5 000 litres de carburant» par jour.

Palier les coupures d’électricité

Autre exemple : l’hôpital Al-Quds, qui a récemment dénoncé des bombardements israéliens à proximité de ses locaux, est lui aussi équipé de panneaux solaires depuis cet été. Mais le Croissant-Rouge du Qatar, qui avait financé l’installation, indiquait qu’ils servaient à palier les coupures d’électricité, et de réduire d’environ «40 % la facture» pour les générateurs et le carburant.

Idem pour l’hôpital pédiatrique de Al-Durrah dans la ville de Gaza, où une centrale solaire financée par la Chine devait permettre de fournir jusqu’à «60 % de l’énergie nécessaire» au fonctionnement de l’établissement. Ou pour l’hôpital Al-Aqsa, qui visait 100 % d’énergie renouvelable en 2017, mais affirmait finalement en 2020 ne pas pouvoir se passer de ses générateurs. Dans un reportage publié par le média émirati The National News du 24 octobre, un porte-parole de l’hôpital expliquait que les panneaux solaires permettaient de n’alimenter qu’une petite partie de ces unités de soin et uniquement de jour. Alors que leur stock de diesel était estimé à «trois jours», il alertait sur le fait que des coupures de courant mettent directement en danger la vie des patients en soins intensifs et des bébés prématurés, mais également des 300 patients de l’établissement qui nécessite des dialyses par exemple.