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Nouvelle-Calédonie : des comptes azerbaïdjanais relaient en masse un montage accusant la police d’avoir tué une jeune femme

Alors que Gérald Darmanin accuse l’Azerbaïdjan d’ingérence, le montage photo mensonger est partagé par des comptes arborant les couleurs du pays.
Capture d'écran X. (DR)
publié le 17 mai 2024 à 13h04

L’image est partagée depuis le 15 mai. On y voit deux photos mises côte à côte dans un montage. A gauche, un homme à la peau blanche portant une veste en treillis qui vise avec un fusil une zone hors champ, en direction de l’autre photo. A savoir une image où l’on voit le corps inerte d’une jeune fille à la peau noire, dont la tempe est ensanglantée. «2024 Nouvelle-Calédonie», et plus bas : «la police de France est un assassin», «le carnage se continue, Algérie…»

Les deux images ont bien été prises en Nouvelle-Calédonie ces derniers jours, mais le montage suggérant que l’homme armé est un policier et l’assassin de la jeune femme est mensonger. L’image de gauche, géolocalisée par CheckNews, montre que cette scène de l’homme avec son fusil en joue a eu lieu à côté du magasin Carrefour Magenta de Nouméa. L’homme armé, dont absolument rien n’indique qu’il soit un policier, aurait visé des participants à un pillage mais n’aurait pas ouvert le feu d’après une témoin contactée par CheckNews.

L’image de droite montre la jeune fille de 17 ans tuée impasse Balard dans le quartier Ducos de Nouméa, comme l’attestent différentes images géolocalisées par Checknews. Soit à plus de 3,2 kilomètres de la photo de l’homme avec le fusil.

Lors d’une conférence de presse donnée jeudi matin, Louis Le Franc, le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, a indiqué que trois Kanaks avaient été tués «par des particuliers» et non par des forces de l’ordre comme l’affirme la légende du montage. L’homme suspecté d’avoir tué la jeune fille, ainsi qu’un jeune homme au même endroit, ont d’ailleurs été interpellés.

Tentative de déstabilisation

Néanmoins le parcours de cette image ne pointe pas vers une simple infox, créée dans le flou des évènements de ces derniers jours, mais semble selon toute vraisemblance témoigner d’une (grossière) tentative de déstabilisation azerbaïdjanaise, alors que le ton monte entre Bakou et Paris. Jeudi 16 mai, Gérald Darmanin a frontalement accusé l’Azerbaïdjan d’ingérence dans les affaires françaises sur l’archipel. Une mise en cause que l’Etat du Caucase a dénoncée comme «infondée».

Le 15 puis le 16 mai, des centaines de comptes ont publié sur Instagram, X (anciennement Twitter) et Facebook cette photo (souvent deux fois par compte) accompagné du même texte : «The french police are murderers - Algerian Murders continues #RecognizeNewCaledonia #EndFrenchColonialism #FrenchColonialism #BoycottParis2024 #Paris2024 Nouvelle-Calédonie». Le premier compte à avoir partagé l’image identifié par CheckNews est @alipasayev26 sur X, à 12h23 le 15 mai. D’après Mediapart, on comptait le 16 mai plus de 5 000 de ces messages rien que sur X.

Nombre de ces comptes, pour beaucoup créés il y a peu de temps, arborent des drapeaux azerbaïdjanais, ont des patronymes à consonance azérie, suivent des officiels du pays (parfois uniquement le dirigeant de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev), et interagissent principalement avec des contenus liés au pouvoir du pays. On retrouve d’ailleurs un compte se présentant comme officiel du parti au pouvoir parmi les premiers comptes ayant participé à ces partages.

Il reste néanmoins important de préciser que la portée d’une telle campagne, si elle est difficilement évaluable, semble être ici assez restreinte. Peu de ces publications générèrent des interactions, la plupart sur X ne cumulant que quelques dizaines d’impressions.

Ce qui n’a pas empêché ce même essaim de comptes de lancer, le 16 mai, une deuxième campagne similaire sous la forme d’un montage vidéo. La compilation d’image, dans laquelle on retrouve la jeune victime évoquée plus haut, est accompagnée du message «La police de France est assassin en Nouvelle-Calédonie». Elle est partagée, là aussi, par nombre de comptes dont un officiel azerbaïdjanais, toujours avec un message republié à la lettre près.