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Otages à Gaza : l’incertitude demeure sur leur sort, le Hamas affirme qu’une soixantaine a été tuée dans les bombardements

Parmi les otages annoncés morts par l’organisation islamiste, seuls deux ont pu être confirmés, sans assurance, pour le moment, sur la cause de leur décès. Entre 200 et 250 personnes avaient été enlevées lors de l’attaque du 7 octobre.
Le visage des otages retenus à Gaza projetés sur les remparts de la vieille ville de Jérusalem, le 6 novembre. (James Oattway/REUTERS)
publié le 16 novembre 2023 à 11h43

Depuis plus d’un mois, l’inquiétude règne quant au sort des otages retenus dans la bande de Gaza, capturés par le Hamas le 7 octobre. Exigeant «la libération immédiate de tous les otages», leurs familles se sont élancées mardi 14 novembre dans une marche depuis Tel Aviv, qui doit les mener samedi 18 novembre devant le bureau du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à Jérusalem. L’angoisse des proches d’otages est alourdie par la persistance de nombreuses inconnues et par les communications invérifiables du Hamas, annonçant régulièrement la mort de captifs dans les bombardements. Jeudi 16 novembre, en début de soirée, l’armée israélienne a annoncé avoir découvert près de l’hôpital Al-Shifa de Gaza le corps sans vie de Yehudit Weiss, âgée de 65 ans et kidnappée par des militants du Hamas le 7 octobre dans le kibboutz de Be’eri. Le communiqué n’indique pas quand elle a été tuée.

Plus d’un mois après le 7 octobre, le nombre de personnes retenues dans la bande de Gaza n’est pas connu précisément. Peu de temps après l’attaque, le chiffre de 130 otages était évoqué : une trentaine dans les mains du groupe armé Jihad islamique, et une centaine prisonnière du Hamas. Lors d’une visite à Moscou fin octobre, un responsable du groupe islamiste a affirmé que d’autres factions avaient également pris des civils en otage le 7 octobre.

Aucun détail donné par les autorités israéliennes

Le 16 octobre, l’armée israélienne révisait à la hausse le nombre estimé d’otages, parlant de 199 personnes capturées au cours de l’assaut. Le même jour, le Hamas affirmait que le nombre initial d’otages se situait «entre 200 et 250», dont environ 200 entre ses mains. Début novembre, l’armée israélienne évoquait «plus de 240 personnes» enlevées. Le 2 novembre, elle déclarait avoir informé les familles de 242 otages de la captivité de leurs proches. Ce jeudi 16 novembre, sur France Inter, un porte-parole de l’armée israélienne a évoqué 239 otages. Un bilan avancé avant l’annonce de la découverte du corps de Yehudit Weiss.

Aucun détail n’a été donné par les autorités israéliennes concernant le profil des personnes détenues. En revanche, certains médias, comme le quotidien Haaretz, ont tenté d’établir la liste des personnes présumées détenues. Ce recensement, incomplet, n’est pas une liste officielle. Au 16 novembre, il dénombrait 201 personnes (dont cinq ont été libérées). Le reste se décompose ainsi : plus de trente mineurs, dont plusieurs bébés, plus d’une soixantaine de femmes, et une centaine d’hommes. Une des femmes, enceinte au moment de son enlèvement, aurait donné naissance à son bébé en captivité, selon une lettre adressée par Sara Netanyahou, l’épouse du Premier ministre israélien, à la première dame américaine, Jill Biden.

Sur les 201 personnes mentionnées dans la liste du Haaretz, 191 sont des civils, et seulement dix sont des militaires. Selon les informations du quotidien israélien, près de 70 otages viendraient du kibboutz de Nir Oz. Une trentaine d’otages proviendraient de celui de Beeri. Un peu moins d’une quarantaine auraient été kidnappés sur les lieux du festival de techno attaqué. Une vingtaine aurait été capturée dans le kibboutz de Kfar Aza. Quatre viendraient du village de Bédouins de Hura, et auraient été pris en otage dans le kibboutz de Holit, où ils travaillaient.

La liste incertaine des otages présumés a évolué selon informations progressivement amassées. Introuvables depuis le 7 octobre, Lilach Kipnis, 60 ans, et son époux Eviatar, 65 ans, un couple de Beeri, ont été considérés comme otages présumés, jusqu’à ce que leurs dépouilles soient finalement identifiées à la morgue, les 17 et 23 octobre. A l’inverse, début novembre, les autorités israéliennes ont affirmé qu’Emily Hand, une fillette de 8 ans originaire de Beeri, qui était présumée morte après l’assaut du 7 octobre, pourrait être en vie et faire partie des personnes retenues à Gaza.

Seulement cinq libérations

A ce jour, seulement cinq otages auraient été libérés. Dans un communiqué publié le 20 octobre, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a annoncé la libération des deux otages américaines, que le Hamas avait annoncé avoir relâchées plus tôt dans la journée, en invoquant des «raisons humanitaires». Il s’agit de Judith Tai Raanan, 59 ans, et de sa fille Natalie Shoshana Raanan, 17 ans. Le 23 octobre, encore une fois en lien avec «des raisons humanitaires et des problèmes de santé», deux Israéliennes ont été libérées : Nurit Cooper, 79 ans, et Yocheved Lifshitz, 85 ans.

Selon l’armée israélienne, une cinquième personne, la soldate Ori Megidish, 18 ans, a été secourue le 30 octobre lors d’un raid terrestre à l’intérieur de Gaza. Si les autorités israéliennes avancent qu’elle avait «été kidnappée par l’organisation terroriste Hamas le 7 octobre», l’information a été démentie par le Hamas, estimant qu’elle avait plutôt été détenue par des civils ou un groupe autonome à Gaza.

Le Hamas annonce plus de soixante otages tués par des frappes israéliennes

Une grosse part de l’incertitude porte sur les décès d’une partie des personnes retenues. Le Hamas a régulièrement communiqué sur la mort d’otages, présentée à chaque fois comme consécutive aux bombardements israéliens sur Gaza. Au total, selon le groupe islamiste, plus de 60 otages auraient été tués.

Le 9 octobre, deux jours après les premières frappes israéliennes, les brigades al-Qassam, la branche armée du Hamas, affirmaient qu’elles avaient «causé la mort de quatre prisonniers».

Le 13 octobre, ces mêmes brigades affirmaient que «treize prisonniers incluant des étrangers» avaient été tués à cinq endroits différents de Gaza, ciblés par des avions de guerre israéliens.

Le 14 octobre, la même source annonçait la mort de neuf otages, dont quatre étrangers, tués par des «frappes sur les lieux où les prisonniers étaient détenus».

Le 26 octobre, la branche militaire du Hamas annonçait que le total des «otages sionistes» tués «à cause des bombardements et des massacres sionistes» se portait à «près de cinquante».

Le 31 octobre, le Hamas rapportait que sept otages, dont «trois détenteurs de passeports étrangers», avaient été tués dans un bombardement israélien sur le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de la bande de Gaza.

Le 4 novembre, la branche armée du mouvement affirmait qu’en tout, 60 otages israéliens avaient été tués par des bombardements de Tsahal depuis le 7 octobre.

Le 9 novembre, les brigades al-Qassam ont déclaré que deux soldats israéliens retenus en otage avaient respectivement été tué et blessé lors d’une frappe aérienne israélienne.

La mort d’une soldate a été confirmée mardi 14 novembre par l’armée israélienne, au lendemain de la diffusion par le Hamas d’une photo présentant cette militaire de 19 ans, nommée Noa Marciano, comme «tuée par un bombardement» israélien. La mort d’une autre otage avait été confirmée fin octobre. Il s’agissait de Shani Louk. Cette jeune femme germano-israélienne de 23 ans avait été enlevée par le Hamas alors qu’elle participait au festival de musique ciblé par l’attaque du mouvement islamiste, et était présumée en captivité. Le 30 octobre, le ministère israélien des Affaires étrangères a fait part de sa mort.

Yehudit Weiss, dont le corps a été découvert jeudi 16 novembre, selon Tsahal, est donc la troisième personne détenue dont le décès a été confirmé.

Pour le reste, il est impossible d’avoir confirmation du décès des otages, ou de leurs identités. «Jusqu’à aujourd’hui, personne n’a rencontré les otages», pas même la Croix-Rouge, a confié mardi 14 novembre le ministre des Affaires étrangères israélien, Eli Cohen, en déplacement à Genève. Et d’affirmer : «Nous n’avons aucune preuve de vie.»

De rares preuves de vie

Les preuves de vie – du moins publiques – se sont limitées à quelques rares vidéos. Le Hamas a diffusé mi octobre les premières images d’une otage, celles d’une jeune femme parlant hébreu, ensuite identifiée comme Mia Shem, une citoyenne franco-israélienne enlevée alors qu’elle participait au festival de musique «Tribe of Nova».

Le 30 octobre, une vidéo diffusée par les brigades al-Qassam montrait trois femmes détenues dans la bande de Gaza, dont les noms ont par la suite été révélés par le gouvernement israélien : Yelena Trupanob, Danielle Aloni et Rimon Kirsht. Dans cette séquence, probablement réalisée sous la contrainte de leurs ravisseurs, elles appelaient à un accord pour garantir leur libération en échange de celle de prisonniers palestiniens. C’est l’exigence portée depuis un mois par les dirigeants du Hamas, qui affirment qu’ils sont prêts à procéder à un échange de prisonniers.

De son côté, le Jihad islamique a publié, le 9 novembre, une vidéo de deux otages, une femme septuagénaire et un adolescent, qu’il affirme retenir à Gaza, se disant prêt à les libérer «pour des raisons humanitaires lorsque les conditions sécuritaires sur le terrain seront réunies». Les deux otages ont été identifiés comme Hanna Katzir, 77 ans, et Yagil Yaakov, 13 ans, tous deux originaires du kibboutz de Nir Oz.

Après la diffusion de ces images, l’ONG Human Rights Watch a publié un communiqué dénonçant l’utilisation des otages : « La pratique du Hamas et du Jihad islamique consistant à diffuser publiquement des vidéos d’otages israéliens constitue une forme de traitement inhumain qui équivaut à un crime de guerre ».

L’ONG rappelle que le fait de détenir des otages est une violation grave du droit international et appelle le Hamas et le Jihad islamique à « libérer immédiatement et sans condition tous les civils sous leur garde et permettre à ceux qui sont encore détenus de communiquer avec leurs familles par des moyens privés.»

Les otages au cœur des négociations

Depuis un mois, Benyamin Nétanyahou exclut, comme il l’a fait le 6 novembre en même temps qu’il ouvrait la voie à de «petites pauses tactiques», tout «cessez-le-feu général à Gaza sans la libération» des otages.

Lundi 13 novembre, un porte-parole du Hamas évoquait un accord prévoyant la libération de 50 otages en échange de 200 enfants et 75 femmes détenues dans les prisons israéliennes. Les discussions autour de cet accord, menées avec le concours du Qatar, n’ont pour l’heure pas abouti. D’après le Hamas, Israël aurait modifié systématiquement ses conditions à la dernière minute, réclamant finalement la libération de cent personnes.

Des dizaines d’otages seraient de nationalité étrangère (notamment un nombre important d’ouvriers thaïlandais) ou binationaux. En visite à Moscou fin octobre, des responsables du Hamas ont déclaré à la presse russe qu’il considérait tous ses otages binationaux comme des Israéliens, et n’en libérerait aucun tant qu’Israël n’accepterait pas un cessez-le-feu. Selon un des responsables du Hamas interrogés, la Russie, la France, les Etats-Unis, l’Espagne et beaucoup d’autres pays auraient appelé à libérer leurs citoyens détenus.

Mercredi 15 novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution appelant notamment à la libération immédiate des otages. Une résolution qui ne devrait avoir, a déploré un représentant israélien aux Nations unies, «aucune influence sur les terroristes».