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Où en est le vaccin anti-Covid de Sanofi, qui était annoncé pour décembre ?

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Le vaccin développé par le groupe français fait toujours l’objet d’essais cliniques. Les résultats doivent arriver à la fin du mois et une autorisation de mise sur le marché est attendue dans la foulée.
D'ici l’arrivée du vaccin de Sanofi, le président du groupe appelle à se faire vacciner avec les produits déjà disponibles sur le marché. (Joël Saget /AFP)
publié le 3 décembre 2021 à 11h29
Question posée par Eliane, le 24 novembre.

Après le flop du vaccin français à l’hiver dernier, on le disait cet été en passe de prendre sa revanche : le président de Sanofi France, Olivier Bogillot, avait annoncé son arrivée sur le marché pour le mois de décembre. Mais si la fin de l’année est bien arrivée, le vaccin Sanofi toujours pas. Vous nous avez donc interrogés sur l’avancée du Vidprevtyn, nom du produit développé par le groupe pharmaceutique en partenariat avec GSK.

Selon Sanofi, le timing avancé début juillet par Olivier Bogillot n’est pas compromis. «Le calendrier reste inchangé», se contente de commenter le groupe. A l’occasion d’un point presse sur la campagne vaccinale, mardi, le ministère de la Santé avait également évoqué la possibilité d’«une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle délivrée d’ici la fin de l’année» et «de premières doses livrées en janvier 2022», suggérant que ces éléments lui avaient été communiqués par le laboratoire.

A ce stade, l’étude de phase III des essais cliniques – qui a démarré en mai et doit évaluer l’efficacité et la tolérance (absence d’effets secondaires graves) – est toujours en cours. «Ses résultats seront publiés d’ici la fin de l’année», indique à CheckNews un représentant de Sanofi, qui ajoute : «Dès les résultats de phase III publiés, nous procéderons dans la foulée à la soumission réglementaire auprès des autorités réglementaires compétentes.»

Evaluation en continu

Sanofi précise que l’Agence européenne du médicament (EMA) «examine en continu les données de [son] candidat vaccin». Celle-ci avait effectivement indiqué le 20 juillet que son comité des médicaments à usage humain (CHMP) venait d’entamer une évaluation en continu du vaccin de Sanofi Pasteur. Cette décision, précise l’agence, «est basée sur les résultats préliminaires des études de laboratoire (données non cliniques) et des premières études cliniques chez les adultes, qui suggèrent que le vaccin […] peut aider à protéger contre la maladie».

Principe de cette évaluation : consulter «les données au fur et à mesure qu’elles seront disponibles pour décider si les avantages l’emportent sur les risques» et juger de «la conformité du Vidprevtyn avec les normes européennes habituelles en matière d’efficacité, de sécurité et de qualité». Quatre autres vaccins font actuellement l’objet d’un tel examen : l’américain Novavax, le russe Sputnik, le chinois Sinovac, et le français Valneva depuis ce vendredi.

Contactée par CheckNews, l’EMA refuse pour l’instant de commenter les données dont elle dispose au sujet du vaccin développé par Sanofi, mais précise que «l’examen continu se poursuivra jusqu’à ce que des preuves suffisantes soient disponibles pour une demande formelle d’autorisation de mise sur le marché». Demande «qui n’a pas encore été reçue». Interrogé sur la date envisagée pour le dépôt de sa demande, Sanofi explique ne pas être en capacité «de déterminer une date à l’avance», l’engagement de cette procédure étant conditionné «au jour de la publication des résultats de phase III».

Production déjà lancée

Une fois que la demande formelle aura été faite, il faudra encore un peu de temps aux autorités pour valider le vaccin de l’alliance Sanofi-GSK. Si l’Agence européenne des médicaments indique qu’en temps normal une telle procédure prend jusqu’à 210 jours ouvrés, le délai devrait être considérablement raccourci, l’Europe ayant décidé de centraliser l’évaluation scientifique des demandes d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, ce qui permet d’économiser quelques semaines. «Bien que l’EMA ne puisse pas prédire les délais globaux, l’évaluation d’une éventuelle demande devrait prendre moins de temps que d’habitude en raison du travail effectué pendant la révision continue», souligne l’agence.

A titre d’exemples, les autorisations de mise sur le marché pour Pfizer-BioNTech et Moderna, demandées le 30 novembre 2020, avaient respectivement été approuvées par l’EMA le 21 décembre 2020 et le 6 janvier 2021. Dans la foulée, AstraZeneca a fait sa demande le 12 janvier, avant d’obtenir l’accord de l’EMA le 29 du même mois. Quatrième et dernier vaccin autorisé pour le moment, Janssen l’a été le 11 mars, après avoir été soumis à l’approbation des autorités européennes le 16 février.

Une fois que l’EMA s’est prononcée en faveur d’une autorisation, s’ensuit une validation par la Commission européenne. Si elle est délivrée par l’exécutif européen, l’AMM «est valable dans tous les Etats membres de l’Union européenne», sans que les agences des différents pays n’aient besoin de procéder à un nouvel examen. Ainsi, sur les vaccins anti-Covid précédemment autorisés, «après l’accord de l’EMA, il ne s’est passé que quelques heures avant la validation par la Commission», souligne l’ANSM. Puisque ces vaccins répondent à un contexte d’«urgence de santé publique», il s’agit d’une AMM conditionnelle, accordée pour un an renouvelable, sous réserve que les laboratoires fournissent des données complémentaires afin de confirmer le rapport bénéfice-risque positif de leurs vaccins. En France, une dernière étape devra être franchie avec l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS).

D’ici à ce que son vaccin soit autorisé, Sanofi argue avoir pris de l’avance en commençant à mettre de côté des doses. «Nous n’avons pas attendu les résultats de la phase III et les approbations réglementaires pour commencer à produire, explique à CheckNews le représentant du laboratoire. Nous avons déjà lancé la production de notre vaccin pour répondre immédiatement à la demande une fois celui-ci approuvé.»

Vaccination de rappel

Seule certitude donc : le vaccin de Sanofi arrivera avec au moins un an de retard sur ses rivaux. Au début de la course aux vaccins, le français s’était lancé dans deux projets de vaccins recourant à des technologies distinctes. Celui à base d’ARN messager (ARNm) a été récemment abandonné, la même technologie étant utilisée par Pfizer-BioNTech ainsi que Moderna. «Il y a tout lieu de s’attendre à ce que des quantités suffisantes de vaccins à ARNm contre le Covid-19 soient désormais disponibles», écrit Sanofi sur son site. L’ultime candidat vaccin du laboratoire français comprend un adjuvant à base de protéine recombinante, une technologie ayant déjà servi à développer l’un de ses sérums contre la grippe saisonnière.

L’un des enjeux est que ce vaccin démontre son efficacité lorsqu’il est administré en tant que booster d’une primo-vaccination reposant sur un autre vaccin. En effet, il a principalement vocation à être employé dans le cadre des campagnes de rappel, désormais ouvertes en France à tous les majeurs vaccinés. Au vu de ce «besoin exprimé par les gouvernements», le groupe Sanofi Pasteur fait donc savoir qu’il a «proactivement lancé une étude sur la vaccination de rappel», «en parallèle de l’étude de phase III». Ce travail, détaille son représentant à CheckNews, va permettre de mesurer la capacité du vaccin à «fournir une forte réponse immunitaire lors de vaccinations de rappel, quelle que soit la plate-forme utilisée en primo-vaccination : ARN messager ou adénovirus [technologie employée pour les vaccins d’AstraZeneca et Janssen, ndlr]. Là aussi, les données sont attendues avant la fin de l’année».

Consolidation des anticorps

En mai, Sanofi avait mis en avant les premiers résultats issus de la phase II des essais cliniques, qui se voulaient encourageants quant au niveau de protection conféré par le vaccin. Le groupe avançait alors qu’une vaccination avec son produit s’accompagnait de «la production de concentrations élevées d’anticorps neutralisants chez les adultes, toutes tranches d’âge confondues, avec des taux de séroconversion [phase d’apparition des anticorps, ndlr] compris entre 95 % et 100 %».

Aujourd’hui, le laboratoire estime par ailleurs que son vaccin renforcerait «très significativement les réponses immunitaires générées par la première vaccination» et qu’il consoliderait «les anticorps neutralisants préexistants contre les quatre principaux variants préoccupants du Sars-CoV-2 (alpha, bêta, gamma et delta).» Mais en l’absence de chiffres précis issus d’études, ces affirmations restent impossibles à étayer.

Reste que d’ici l’arrivée de ce vaccin tant attendu, le président de Sanofi France appelle à se faire vacciner avec les produits déjà disponibles sur le marché. Dans un message posté en août sur le réseau social LinkedIn, Olivier Bogillot enjoignait les Français à ne pas attendre car cela «ne fait qu’augmenter le risque et prolonger la circulation du virus. Les vaccins autorisés par les autorités sanitaires sont sûrs et efficaces».