Question posée sur X (ex-Twitter) le 14 novembre 2023.
«Si tu pouvais ne pas défendre les Palestiniens à l’antenne, ce serait bien hein», lâche Pascal Praud. L’invective, lancée à l’un de ses chroniqueurs sur le plateau à la fin d’une émission de CNews, fait le tour des réseaux sociaux depuis qu’elle a été diffusée sur X (anciennement Twitter) par le compte Zoé Sagan (compte anonyme dont l’identité avait été révélée par CheckNews en février 2020), ce mardi 14 novembre. «Les hommes de télés devraient savoir que ce qui se dit hors antenne est quand même filmé et que leurs employés peuvent à tout moment transmettre les off. Ici, découvrez (à partir de la 16e seconde) le vrai visage du “journaliste” Pascal Praud», annonce le tweet.
Les hommes de télés devraient savoir que ce qui se dit hors antenne est quand même filmé et que leurs employés peuvent à tout moment transmettre les off. Ici, découvrez (à partir de la 16eme seconde) le vrai visage du "journaliste" @PascalPraud qui explique la profession à l’un… pic.twitter.com/aZWQ3Y2HaR
— Zoé Sagan (@zoesagan) November 14, 2023
Voici ce que donne l’échange : «Si tu pouvais ne pas défendre les Palestiniens à l’antenne, ce serait bien hein», lance donc Pascal Praud. Le chroniqueur rétorque : «Je ne défends pas les Palestiniens.» Pascal Praud lui répond : «Tu dis que tu les comprends.» Une autre chroniqueuse intervient : «Non il n’a dit pas dit qu’il les comprenait, il a expliqué la situation.» Et Pascal Praud de s’emporter : «Ils veulent tuer Israël, les Palestiniens […] C’est la réalité, c’est un Etat qui veut tuer Israël.» Des propos que regrette le chroniqueur, encore en plateau : «C’est aberrant de dire ça, Pascal […] Vous savez qu’on n’est pas d’accord.» En fond, alors que le plateau est presque vide, on entend Pascal Praud lâcher : «Mais vous êtes bon quand même.» Une voix masculine intervient, sur le ton de la blague : «Mais vous êtes juif.»
«Nos relations étaient excellentes»
Outre le tweet de Zoé Sagan, consulté par près de 700 000 personnes, la séquence a été relayée dans de nombreuses autres publications, ce mardi après-midi. Dont celle du journaliste et militant Taha Bouhafs (vue en quelques heures plus de 4 millions de fois) notamment partagée par le député La France insoumise Jérôme Legavre, dans un tweet depuis supprimé. En commentaires, des internautes font remarquer que ces images sont forcément anciennes, dans la mesure où l’émission «20H Foot» dont elles sont extraites (comme l’indiquent les bandeaux qui défilent en plateau) a été arrêtée courant 2019, dans sa version semaine, puis définitivement en 2020.
CheckNews a retrouvé l’émission dont est extrait cet échange : il s’agit du 20H Foot du 6 juin 2018. Le journaliste auquel Pascal Praud s’adresse est Félix Rouah, qui a officié en tant que chroniqueur et présentateur dans 20H Foot de novembre 2017 à novembre de l’année suivante. Contacté, un habitué de l’émission tient à relativiser : «je tiens à dire qu’en aucun cas je n’ai déjà vu Pascal [Praud] censurer quiconque sur son plateau ou intimer l’ordre de changer une opinion ou un propos. Ça ne transpire pas beaucoup de la vidéo mais on se taquinait souvent et nos relations étaient excellentes». Autour de la table ce jour de juin 2018, on trouvait également les journalistes sportifs Francesca Antoniotti, Philippe Doucet, Philippe Sanfourche et Philippe Bruet, ainsi que l’ancien footballeur Marc Libbra.
De son côté, Pascal Praud a réagi sur X en insistant sur le fait que «les propos entendus sont enregistrés hors antenne», en off. Ils n’avaient, autrement dit, pas vocation à être entendus par le public. «Cette séquence est décorrélée de l’actualité dramatique que nous connaissons même si certains s’évertueront à prouver le contraire», ajoute par ailleurs l’animateur de CNews.
Le match annulé entre Israël et l’Argentine
Pourquoi le conflit israélo-palestinien s’est-il invité sur le plateau, ce jour-là ? Plus tôt dans l’émission, Félix Rouah fait un point sur la polémique autour du match entre Israël et l’Argentine qui devait avoir lieu avant la Coupe du monde de football. La rencontre venait d’être annulée, sous la pression des Palestiniens. «Le match était prévu de longue date, initialement à Haïfa dans le nord de l’Etat hébreu, et finalement il a été déplacé par les organisateurs à Jérusalem. C’est cette perspective d’un match qui a renforcé, qui a suscité l’opposition virulente palestinienne à la tenue de cette rencontre», explique le journaliste. Félix Rouah enchaîne ensuite sur les diverses actions menées par des militants propalestiniens, avant l’annonce de l’annulation par la fédération argentine. «Des maillots ont été brûlés, des maillots argentins ont été montrés maculés d’une peinture rouge qui symbolisait bien évidemment le sang du peuple palestinien versé toutes ces dernières années. Quelques menaces ont visé les joueurs», détaille-t-il. Et de conclure : «La question qu’on se pose tous aujourd’hui c’est : qu’est-ce que l’Argentine est allée faire dans cette guerre ?»
Pascal Praud relance le débat en diffusant un extrait d’interview dans lequel le président de la fédération palestinienne de football, Jibril Rajoub, appelait à lancer une campagne contre la fédération argentine. «Nous viserons Messi […] nous allons le cibler et nous demandons à tous de brûler son maillot», avait-il déclaré avant que le match ne soit annulé. Des propos «extrêmement menaçants», réagit, sur le plateau, l’animateur de CNews. «C’est quasiment des menaces de mort qu’il exerce sur le joueur de Barcelone», estime-t-il. Ce à quoi Félix Rouah répond : «Ce n’est pas à proprement parler des menaces de mort.»
Alors que d’autres invités poursuivent le débat, Félix Rouah intervient : «Les organisateurs israéliens quelques semaines avant ce match ont décidé de le déplacer à Jérusalem. Tout le monde connaît le contexte vraiment délicat de la capitale de l’Etat hébreu que Donald Trump a reconnu en tant que capitale d’Israël et forcément les autorités palestiniennes ne pouvaient pas laisser passer ça, de voir Leo Messi plus grande star du football s’afficher au côté de Benyamin Nétanyahou pour un match événement à Jérusalem. Les dirigeants palestiniens ne pouvaient pas l’accepter», commente-t-il. Même si CheckNews n’a pu en obtenir la confirmation, cette chronique et ces propos (tenus hors antenne et qui n’ont pas été diffusés dans cette émission à l’époque) semblent bien être à l’origine de l’échange diffusé sur les réseaux sociaux. «Tout porte à croire que c’était après l’émission, en sortie de plateau», et «qu’on devait réagir» à l’annulation du match opposant Israël à l’Argentine, confie l’un des chroniqueurs présents ce soir-là.
Comment l’extrait est-il ressorti ? Dans la vidéo partagée par le compte Zoé Sagan, la séquence est précédée d’extraits de la deuxième étape du Tour de Suisse 2018, qui s’est tenue le 10 juin 2018. Ce qui laisse penser que ces images étaient compilées dans un même fichier vidéo. A ce stade, nous n’avons pas été en mesure de vérifier comment elles ont pu fuiter. Selon un journaliste de la chaîne, la fuite peut venir de «n’importe qui bossait ce jour-là», dans la mesure où «comme pour n’importe quelle chaîne d’info, les feeds de plateaux sont enregistrés en continu pour que la [rédaction] puisse les réutiliser» et qu’«énormément de personne en interne y ont accès».