Question posée le 3 octobre sur Twitter
Vous nous avez interrogés à propos d’une déclaration remarquée d’Aurélien Rousseau, 3 octobre dans la matinale de France Inter. Peu après la cinquième minute d’interview, Léa Salamé demande au ministre de la Santé comment il compte convaincre les Français d’aller se faire vacciner contre le Covid. A quoi Aurélien Rousseau répond : «On a un vaccin qui est plus efficace que celui de l’an dernier – il correspond parfaitement aux souches [en circulation] – et on a un vaccin [pour lequel] on a maintenant trois ans de recul, on sait qu’on n’a pas d’effets secondaires, et donc il faut y aller.» Une phrase qui a suscité de vives réactions sur les réseaux.
Menteur ou ignorant?
— Hélène Banoun (@BanounHelene) October 3, 2023
Dans les 2 cas c'est criminel!https://t.co/w4paS6XyYb
193 934 cas déclarés août 2023 @ansm
Signaux confirmés
Hypertension artérielle
Myocardite / péricardite
Saignements menstruels importants
Surveillance : zona, pancréatite, thrombose, ...... https://t.co/J0bEkps1KT
Depuis près de trois ans, beaucoup de contre-vérités ont circulé sur les effets secondaires des vaccins anti-Covid. L’erreur la plus courante consiste à assimiler toute déclaration d’événement survenu dans les jours suivant la vaccination à une conséquence avérée du vaccin. Certains accuseront ainsi une récente injection de vaccin d’être la cause d’une maladie qui met en réalité des années à se développer, en mettant en jeu des phénomènes biologiques qui n’ont rien à voir avec ceux mis en œuvre lors d’une vaccination.
Peut-on alors balayer d’un revers de la main toute déclaration d’effet indésirable, et prétendre comme Aurélien Rousseau «[qu’]on sait qu’on n’a pas d’effets secondaires» avec les vaccins anti-Covid ? Bien évidemment : non.
Le long chemin du recensement des effets secondaires
Certains des effets indésirables des vaccins anti-Covid ont été bien identifiés dès la phase des essais cliniques. Un document de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) rappelle que parmi les effets secondaires les plus fréquents, on trouve la douleur au point d’injection, et un syndrome pseudo-grippal, plus ou moins marqué. «Ces effets sont précoces (habituellement dans les 24h après la vaccination), transitoires (durant entre 24-72h) et sans critères de gravité.»
D’autres effets indésirables ont été identifiés a posteriori. En effet, chaque signalement sur des évènements non confirmés alimente la surveillance de la pharmacovigilance. Comme l’explique l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), «si un cas d’effet indésirable est susceptible de constituer un signal potentiel de sécurité», il sera enregistré dans l’une des trois catégories suivantes. En premier lieu, celle des «événements à surveiller» (gravité, fréquence et/ou caractère inattendu, «sans que les informations soient suffisamment étayées pour conclure sur un rôle du vaccin»).
CheckNews
Lorsque l’analyse des cas remontés suggère un rôle potentiel du vaccin, sans qu’il soit possible de conclure, on parle de «signal potentiel» : une surveillance spécifique est établie, et les signalements communiqués à l’Agence européenne des médicaments (EMA). Enfin, lorsque le lien entre l’effet indésirable et le vaccin est avéré, il entre dans la catégorie des «signaux confirmés». La fréquence de survenue de ces évènements entre bien évidemment en ligne de compte lors de l’évaluation de la balance bénéfice/risque du vaccin, et de ses préconisations d’usage auprès de telle ou telle catégorie de population.
Pour les vaccins de Pfizer et Moderna, quatorze signaux recensés
Il suffit de se référer aux derniers compte rendus de l’ANSM relatif au suivi des vaccins anti-Covid pour constater l’existence d’un certain nombre de «signaux confirmés» pour plusieurs des vaccins recommandés dans la stratégie vaccinale. Pour le Comirnaty (Pfizer) et le SpikeVax (Moderna) : risque confirmé d’hypertension artérielle, myocardite/péricardite, saignements menstruels importants; à ceci s’ajoute, pour le SpikeVax, un risque de réaction retardée locale « douloureuse, érythémateuse, prurigineuse au site d’injection », et l’apparition d’érythèmes polymorphes. Concernant le Nuvaxovid (Novavax), les signaux confirmés sont : des paresthésies (sensation de fourmillement à la surface de la peau) et des hypoesthésies (perte de sensibilité), des réactions anaphylactiques et des cas de myocardite / péricardite. A noter que pour le VidPrevtyn (Sanofi Pasteur), vaccin à protéine recombinante, aucun signal confirmé ou potentiel n’est identifié.
Quatorze «signaux potentiels» sont sous surveillances pour Cominraty (onze signaux) et Spikevax (onze signaux). Le rapport de l’ANSM précise que pour la moitié d’entre eux (troubles du rythme cardiaque, zona, pancréatite, néphropathie glomérulaire, troubles menstruels hors saignements importants, pancréatites, pertes de connaissance), l’évaluation menée à l’échelle européenne n’a toutefois «pas identifié de lien entre la survenue de cet évènement et le vaccin». Pour les autres, l’évaluation était toujours en cours à la date de publication du dernier rapport.
Les événements graves demeurent très rares
De son côté, la SFPT précise que plusieurs signaux «ont pu être réfutés grâce à des études spécifiques». Il s’agit notamment «du risque de thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire, d’infarctus du myocarde, de fausse couche, d’accident vasculaire cérébral». La société savante note en outre «qu’aucun signal concernant un surrisque de décès ou d’aggravation de cancer n’a été détecté avec ces vaccins». Elle précise qu’en dehors des réactions localisées, «l’ensemble des autres effets indésirables identifiés avec ces vaccins existent avec une fréquence et/ou une gravité plus élevée pendant ou au décours de la maladie Covid».
Il reste que ces évènements, confirmés ou sous surveillances, sont pour l’essentiel rares, voire très rares, et sont pris en compte dans l’évaluation des vaccins – et donc des préconisations vaccinales. Sollicité ce 3 octobre en fin de journée par CheckNews, le ministère n’était pas en mesure d’apporter un commentaire à l’heure où nous publions. Nous actualiserons cet article le cas échéant.