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Peut-on qualifier les actes commis par le Hamas de «crimes de guerre» ?

Le droit international humanitaire reconnaît le conflit israélo-palestinien comme un conflit armé permanent. Des «crimes de guerre» sont observés par l’ONU des deux côtés des belligérants.
De nombreux internautes dénoncé l’emploi par la présidente du groupe LFI à l'Assemblée, Mathilde Panot, du terme «crime de guerre». (Denis Allard/Libération)
publié le 10 octobre 2023 à 19h37

Face à un journaliste qui lui demandait si La France Insoumise considérait le Hamas comme un groupe terroriste, la présidente du groupe parlementaire insoumis à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a répondu par un pas de côté : «C’est la branche armée qui est aujourd’hui responsable de crimes de guerre.» Ce choix sémantique a aussitôt provoqué un tollé dans la classe politique et plus particulièrement au sein de la Nupes. «Depuis samedi, en ne nommant pas le Hamas comme groupe terroriste, mais comme force armée qui commet des crimes de guerre, LFI légitime le Hamas et ses modes d’action», a déploré le socialiste Jérôme Guedj. De nombreux utilisateurs de Twitter (renommé X) ont également dénoncé l’emploi par Mathilde Panot du terme «crime de guerre» comme une volonté de légitimer le Hamas, et de ne pas le qualifier de terroriste.

Après la publication de notre article intitulé «De nombreuses vidéos attestent de crimes de guerre perpétrés par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre», plusieurs lecteurs nous ont reproché, de la même manière, d’employer à tort le terme «crimes de guerre», certains allant même jusqu’à nous qualifier de «caisse de résonance de LFI».

Il est notable que cette polémique sémantique, qui voudrait que l’utilisation de ces termes implique une atténuation de la gravité des faits, ne se pose pas du tout dans les mêmes termes dans d’autres pays. Aux Etats-Unis, The Atlantic rapporte dans un article que les ONG «collectent des preuves des crimes de guerre commis par les terroristes du Hamas». Même chose en Israël, où The Times of Israel écrit que «les images de l’attaque du Hamas sur les civils s’apparentent à des crimes de guerre, selon des experts».

«Des preuves évidentes» pour les deux parties

En fait, même au plus haut niveau de la diplomatie israélienne, le terme est utilisé précisément pour insister sur la gravité des faits. Ainsi, dimanche 8 octobre, le représentant permanent d’Israël aux Nations unies, Guilad Erdan, a déclaré que «nous sommes témoins de crimes de guerre, des crimes de guerre d’une barbarie flagrante» tout en listant les assassinats contre des civils, les enlèvements, les mutilations, qui ont été documentés.

Dans un communiqué publié ce mardi 10 octobre sur le site du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, la commission d’enquête recueillant des preuves de crimes de guerre commis par toutes les parties en Israël et dans les territoires palestiniens occupés depuis le 7 octobre 2023 affirme, de la même manière, qu’«il existe déjà des preuves évidentes que des crimes de guerre ont pu être commis lors de la dernière explosion de violence en Israël et à Gaza, et tous ceux qui ont violé le droit international et pris des civils pour cible doivent être tenus pour responsables de leurs crimes». Ce secrétariat de l’ONU souligne que ces «crimes de guerre ont été commis par les deux parties», soit le Hamas et Israël.

Les ONG humanitaires comme la Croix-Rouge ou de défense des droits humains comme Human Rights Watch (HRW) utilisent également cette expression pour dénoncer les attaques contre les civils perpétrées par les deux adversaires. Dans un texte publié lundi 9 octobre, HRW rappelle ainsi à l’adresse du Hamas que «le fait que les groupes armés palestiniens aient apparemment pris délibérément pour cible des civils, qu’ils aient mené des attaques aveugles et qu’ils aient pris des civils en otage constitue un crime de guerre au regard du droit humanitaire international». Mais ce reproche vaut aussi pour Israël, puisque l’ONG souligne que «le fait que les autorités israéliennes coupent l’électricité à Gaza et prennent d’autres mesures punitives à l’encontre de la population civile de Gaza équivaudrait à une punition collective illégale, qui est un crime de guerre. Le droit de la guerre s’applique à toutes les parties à un conflit, indépendamment de la légalité de leur entrée en guerre ou du déséquilibre des forces entre les parties».

Vers une enquête de la Cour pénale internationale ?

Quelle implication apporte le qualificatif de «crime de guerre» pour désigner ou dénoncer les violences commises de part et d’autre ? Dans un questions-réponses publié par Human Rights Watch le 9 octobre, l’ONG explique que «le droit international humanitaire reconnaît l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza comme un conflit armé permanent. Les hostilités et les attaques militaires actuelles entre Israël et le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens sont régies par les normes de conduite des hostilités ancrées dans le droit international humanitaire», prévu par les conventions de Genève de 1949 et du droit international humanitaire coutumier applicable aux conflits armés dits non internationaux, qui sont reflétés dans les protocoles additionnels de 1977 aux conventions de Genève. HRW insiste sur le fait que «le droit de la guerre ne fait pas de distinction formelle entre les parties à un conflit sur la base de déséquilibres de force ou d’autres critères».

L’ONG rappelle que les violations des règles de la guerre constituent des crimes de guerre et que les Etats s’engagent à enquêter et poursuivre les individus impliqués dans de tels crimes. Quand elles ne veulent pas le faire, les plaignants peuvent se tourner vers la Cour pénale internationale (CPI).

Dans le cas des attaques du 7 octobre 2023, Human Rights Watch estime que «les crimes de guerre présumés commis lors des combats entre Israël et les groupes armés palestiniens pourraient faire l’objet d’une enquête du procureur de la Cour pénale internationale» puisqu’elle rappelle qu’en mars 2021, la procureure de la CPI a ouvert une enquête sur les crimes graves présumés commis en Palestine depuis 2014.

Si la Palestine est bien devenue membre de la CPI en avril 2015, les choses sont plus compliquées du côté israélien, puisque l’Etat hébreu ne reconnaît pas son autorité. Ce qui ne l’empêche pas de pouvoir collaborer ou non à ses enquêtes.