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Port d’arme : que sait-on de la formation de «30 000 réservistes» attendus pour renforcer la police nationale?

Une formation à distance, suivie de seulement deux semaines d’apprentissage théorique et pratique sont au programme du recrutement. Pour le moment, uniquement 1 300 candidats devraient être «aptes» d’ici la fin de l’année, indique la DGPN à CheckNews.
Après un article de «Sud Ouest» faisant état d'une formation de seulement dix jours, le port d'armes des futurs réservistes de la police nationale fait débat. (Nicolas Guyonnet/Hans Lucas. AFP)
publié le 11 août 2022 à 11h53

Question posée par Camille et Etienne, le 8 août.

«Irresponsable», «affligeant», «défaillance», «des armes portées par des personnes mal formées» : depuis un reportage de Sud Ouest réalisé auprès des premiers réservistes recrutés pour renforcer les rangs de la police nationale, des commentaires de citoyens inquiets déferlent. La raison : Le temps de formation des volontaires, de (seulement) dix jours précise le quotidien, pour apprendre le maniement des armes et les techniques d’intervention.

Des réactions se font aussi entendre du côté des syndicats de police. «Sachant que la formation d’un gardien de la paix dure douze mois, en théorie et surtout en pratique, c’est extrêmement court. Rien que pour le fait d’apprivoiser l’arme, c’est insuffisant», regrette notamment Linda Kebbab, déléguée nationale Unité SGP-FO, dans les colonnes de Sud Ouest.

Alors en quoi consiste exactement cette nouvelle réserve de la police nationale ?

Campagne de recrutement

Le dispositif de réserve opérationnelle, a été créé par la loi du 24 janvier 2022, relative à la sécurité intérieure. Elle est destinée à «des missions de renfort temporaire des forces de sécurité intérieure et à des missions de solidarité, en France et à l’étranger, à l’exception des missions de maintien et de rétablissement de l’ordre public», dispose l’article L411-7 du Code de la Sécurité intérieure. Jusqu’ici, la réserve se limitait à quelques policiers revenus de leur retraite.

En mars dernier, la police nationale lançait ainsi une campagne de recrutement dans l’espoir de se doter de 30 000 réservistes sur la décennie à venir, mobilisables jusqu’à 90 jours par an, pour venir en renfort des 138 000 fonctionnaires titulaires. L’administration espère rattraper son retard par rapport à la gendarmerie, qui compte à ce jour près de 31 500 réservistes volontaires, auxquels s’ajoutent 28 500 retraités de la gendarmerie, indique le site de l’institution.

Ce corps d’appoint sera composé de policiers à la retraite et de citoyens volontaires, dont l’intégration repose sur les conditions suivantes : être de nationalité française, âgé de 18 à 67 ans, avoir répondu aux obligations du service national, ne pas avoir «été condamné soit à la perte des droits civiques ou à l’interdiction d’exercer un emploi public, soit à une peine criminelle ou correctionnelle», ainsi qu’avoir l’aptitude physique requise, dispose l’article L411-9 du Code de la Sécurité intérieure.

Depuis l’ouverture de la campagne de recrutement, la police nationale a déjà enregistré 7 000 candidatures. Contactée par CheckNews, la Direction générale de la police nationale (DGPN) précise qu’après l’examen des dossiers, les candidats retenus ont été convoqués pour «un entretien devant un jury de sélection» et «une visite médicale».

Formation accélérée

Les volontaires retenus entament ensuite une formation à distance, puis une période de deux semaines de formation en école, dont le programme est énuméré sur le site «Devenir policier». D’abord des cours théoriques, sur les «connaissances de l’organisation de la Police nationale, de ses missions et de son fonctionnement, rôle du réserviste», puis pratiques, avec une «formation à l’emploi de l’arme individuelle et aux techniques d’intervention».

C’est pendant cette formation qu’est évaluée «l’aptitude au port et à l’usage de l’arme de service ainsi que sur la maîtrise du cadre juridique de l’usage de l’arme par les agents de la police nationale», dispose l’arrêté du ministère de l’Intérieur.

L’article de Sud Ouest évoque «une formation de dix petits jours», car les cours «ont lieu le plus souvent du lundi au vendredi» sur deux semaines, détaille la DGPN, durant lesquelles les candidats logent en internat.

A la rentrée

La première formation depuis la campagne de recrutement a été dispensée mi-juillet, tandis que les mises en activités auront ensuite lieu «à la rentrée».

A l’issue de cette formation, si les réservistes sont jugés «aptes» à exercer leurs missions, ils signent leur contrat d’engagement et reçoivent leur écusson. Le contrat comporte ensuite une période d’essai de quinze jours d’activité, réalisée en service dans un délai de six mois. Elle peut faire l’objet d’un licenciement en cas de manquement.

Ce n’est qu’après que les réservistes pourront participer aux missions définies dans leur contrat, «de police judiciaire, de renfort temporaire et de spécialistes», dispose l’article R411-28 du Code de la Sécurité civile. Les réservistes (qui ne sont pas des retraités), affectés à la police judiciaire exerceront des fonctions prévues dans le cadre de l’article 21 du code de procédure pénale : «seconder les officiers de police judiciaire, rendre compte à chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions, constater les infractions à la loi pénale et recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions et constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du code de la route».

1 300 candidats formés d’ici la fin de l’année

Au sujet de l’inquiétude suscitée par le port d’arme des réservistes, après une formation particulièrement courte, la DGPN tient à insister sur la qualité de son apprentissage, dont «la majeure partie est consacrée à l’usage et au maniement de l’arme». L’aptitude au port et à l’usage de l’arme est ensuite «vérifiée et validée par un formateur aux techniques et à la sécurité en intervention de la police nationale», à l’issue de la première formation, dispose l’article 11 de l’arrêté du ministère de l’Intérieur du 13 juillet 2022.

La DGPN note également que le port d’arme se limite aux missions qui exposent les réservistes à un risque d’agression et qu’il est interdit en civil. Les réservistes peuvent, en effet, aussi être affectés à «des tâches de soutien, d’expertise ou de logistique», ne nécessitant pas de port d’arme. Enfin, «les réservistes ne seront jamais mobilisés seuls sur le terrain lors des missions. Ils viennent en renfort temporaire d’un service de police, et sont donc toujours placés sous l’autorité de fonctionnaires».

Ce système de formation a été élaboré sur la base de celui déjà en place pour la réserve de la gendarmerie nationale, indique la direction de l’administration, qui précise cependant qu’«il y aura un temps d’observation, à l’issue duquel [ils] examineront le dispositif mis en place». Avant cela, «1 300 candidats seront formés d’ici la fin de l’année», indique la DGPN auprès de CheckNews.

En comparaison, l’apprentissage des fonctionnaires de police dure un an, durant lequel ils sont régulièrement formés au port de l’arme. Tout au long de leur carrière, ils sont ensuite tenus de suivre une formation continue, avec l’obligation de participer à trois séances de tirs de 30 cartouches par an. Cette formation des agents de police a, elle aussi, été critiquée ces dernières années après la médiatisation de plusieurs affaires de violences policières.