Alors qu’une vidéo de l’avocate Sarah Saldmann fait polémique, encourageant au don pour financer l’équipement de soldats de Tsahal, et assurant d’une ristourne fiscale en contrepartie, CheckNews a obtenu confirmation auprès du ministère de l’Economie et des Finances que le soutien à des militaires d’une armée étrangère n’est pas éligible à une déduction fiscale. Bercy rappelle qu’en vertu du code général des impôts, la réduction d’impôt sur les dons aux associations n’est ouverte que pour les œuvres ou organismes «ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises». De sorte qu’«un don à une association française dont l’objet serait de venir en aide aux soldats d’une armée étrangère ne respecterait les critères permettant de bénéficier» de cette réduction d’impôt.
La réponse ne porte pas seulement sur l’aide à la fourniture d’équipement militaire, mais sur toute autre forme de soutien. Cette réponse place de fait dans l’illégalité plusieurs associations franco-israéliennes qui appellent, via leurs sites web notamment, au versement de dons annoncés comme concourant au soutien des soldats de Tsahal. Avec à la clé, une promesse : la remise aux donateurs d’un reçu Cerfa, qui leur ouvre droit à une réduction d’impôts, en déduisant ces dons de leurs revenus déclarés aux finances publiques françaises.
L’Association de soutien à Israël va retirer ses Cerfa
Ainsi en est-il de l’ASI, l’Association de soutien à Israël. Cette dernière revendique avoir apporté aux soldats, directement sur leurs bases, des coiffeurs ou des machines pour laver leurs tenues (entre autres). Sur la plateforme permettant de donner à l’association, dirigée par Gil Taïeb, par ailleurs vice-président du Crif, il est précisé – toujours aujourd’hui – que les donateurs se verront remettre un «reçu Cerfa instantané».
Interrogé par CheckNews, Gil Taïeb relativise d’abord le soutien à Tsahal en faisant valoir fait valoir qu’en dehors «des périodes comme celles que nous vivons actuellement», «90 % de l’activité» de sa structure se concentre sur les aides aux jeunes et «aux familles nécessiteuses». Gil Taïeb dit par ailleurs prendre acte de la réponse du ministère et assure que l’aide aux soldats se poursuivra, mais «sans Cerfa».
Sur le site d’une autre association, Hasdei Avot, une page dédiée aux opérations d’«aide aux soldats de Tsahal» permet d’effectuer un don en ligne, tandis que la page «faire un don» indique qu’«un reçu Cerfa sera envoyé pour tout don fait à notre association si vous êtes résident français, afin de bénéficier d’une réduction d’impôt jusqu’à 66 %». Contactée, une responsable de l’association avance que «le site n’est pas très à jour». Et assure : «A aucun moment, nous ne recevons des dons du territoire français à distribuer à l’armée israélienne. Nos opérations aux soldats sur le terrain se réalisent grâce à des dons donnés sur place à Hébron [une ville de Cisjordanie entourée de colonies, NDLR] par des touristes.» Une affirmation qui semble donc contredire ce que le site propose, et que nous ne sommes pas en mesure de confirmer.
Pas de réponse chez SOS Netivot
L’association SOS Netivot, quant à elle, est spécifiquement dédiée à l’organisation de repas pour les soldats. Sur ses réseaux sociaux, des clichés partagés ces dernières semaines témoignent de cette activité. «Couscous boulette pour nos soldats qui seront bientôt appelés à Gaza», peut-on par exemple lire. La page de dons à laquelle renvoie son site note que «pour un don de plus de 80 euros, un Cerfa vous est délivré, sur votre demande».
Enfin, le site de l’association Torah Box comprend une section sur la guerre avec un encart «soutien aux soldats» invitant ses donateurs à apporter aux soldats «de la nourriture, des vêtements, chaussettes, couvertures… et tout ce dont ils ont besoin dans ces moments difficiles». L’encart permet de remplir directement un formulaire de don, qui se termine par la question «Souhaitez-vous un reçu fiscal Cerfa ?» avec des cases à cocher. Après publication de notre article, Torah Box nous a finalement répondu : «Nous avons pris acte de la précision du ministère et veillons à nous y conformer strictement dans l’utilisation des dons. Nous veillerons à ce que notre communication ne prête pas à confusion.» Entre-temps, l’encart «soutien aux soldats» a effectivement disparu du site de l’association.
CheckNews a spécifiquement interrogé le ministère à propos des activités des associations fournissant des repas ou du linge aux soldats. La réponse, là encore, est que de telles actions ne sont pas considérées «comme une œuvre sociale ou humanitaire», et que les dons n’ouvrent donc pas droit à des réductions d’impôt. Sollicités, ni Torah Box, ni SOS Netivot n’ont donné suite.
De manière générale, si des dons relatifs au soutien aux soldats de Tsahal ont été intégrés à des déclarations d’impôt sur le revenu, en s’appuyant sur les reçus Cerfa, alors «la responsabilité pèse sur l’association qui délivre indûment des attestations aux donateurs», assure Bercy. Sur la base toujours du code général des impôts, «l’association risque d’être sanctionnée», et «l’amende est alors égale au montant de l’avantage fiscal indu accordé sur la base des reçus fiscaux». Les donateurs, eux, «ne sont sanctionnés qu’en cas de collusion avec l’organisme émetteur des reçus fiscaux».
Mise à jour : Le 17 novembre à 9 h 55, ajout de la réponse de Torah Box et de la capture d’écran prise sur l’ancienne version du site.