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Pourquoi la croix des Invalides et le drapeau français ne figurent pas sur l’affiche des JO de Paris ?

JO Paris 2024dossier
Les affiches officielles des Jeux olympiques et paralympiques ont attiré les foudres d’élus de droite et d’extrême droite. Mais le comité organisateur défend le travail de l’artiste, libre de ne pas «représenter les objets ou bâtiments de manière conforme».
L’affiche en dyptique des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, 2024 (Ugo Gattoni/Paris 2024)
publié le 6 mars 2024 à 18h17

C’est la polémique qui gronde depuis que les affiches officielles des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont été dévoilées, lundi 4 mars. La fresque imaginée par le dessinateur Ugo Gattoni regorge de petits détails, décryptés mardi par Libé. Mais au goût de nombreuses personnalités de droite et d’extrême droite, deux éléments manquent à l’appel : la croix qui surplombe normalement le dôme des Invalides et le drapeau français.

«Sans arrière-pensées»

Le député Rassemblement national Nicolas Meizonnet a été le premier à dégainer sur X (anciennement Twitter), mardi matin : «Sur l’affiche officielle des Jeux olympiques de Paris, la croix en haut du dôme des Invalides a été effacée et aucun drapeau Français n’apparaît. L’invisibilisation de notre identité est une faute inacceptable.» Le parlementaire a ensuite été imité par Marion Maréchal, tête de liste Reconquête pour les élections européennes, Nicolas Dupont-Aignan, député Debout la France, François-Xavier Bellamy, eurodéputé Les Républicains, ou Eric Ciotti et Julien Aubert, respectivement président et vice-président du parti de droite. «La France aurait-elle honte de son héritage chrétien (la croix) et républicain (le drapeau tricolore) ?» interroge ce dernier.

Le Comité d’organisation des Jeux Olympiques (Cojo), contacté par CheckNews, se défend d’avoir voulu «effacer» la croix des Invalides ou «invisibiliser» le drapeau tricolore. Concernant la croix, d’abord, le Cojo indique que dans le cadre de la conception de ces affiches, présentées comme «une interprétation artistique joyeuse, légère d’une ville-stade réinventée», l’artiste était libre de réinterpréter «de nombreux éléments». Le résultat, «c’est une représentation qui n’est ni exhaustive, ni fidèle à la réalité : la vague de Tahiti est au large de la marina de Marseille, la tour Eiffel est rose, le métro passe sous l’Arc de Triomphe – sans que cela ne doive faire l’objet d’interprétations à visée politique».

De son côté, Ugo Gattoni a réagi à la polémique, via le Cojo, en expliquant : «A travers mon dessin des affiches officielles je ne cherche pas à représenter les objets ou bâtiments de manière conforme. Je les évoque, tels qu’ils m’apparaissent à l’esprit et sans arrière-pensées. Je ne cherche pas à ce qu’ils soient fidèles à l’original mais plutôt qu’on puisse se figurer en un clin d’œil de quoi il s’agit, tout en le projetant dans un univers surréaliste et festif.» Ainsi, lorsqu’il a représenté des monuments, le dessinateur s’en est tenu aux «éléments marqueurs», sans forcément rentrer dans tous les détails de l’architecture, renchérit le comité.

«Exercice libre pour chaque comité»

Ce dernier tient par ailleurs à préciser que «contrairement à ce qui a été écrit», dans des articles de presse ou sur le réseau social X, «le CIO [comité international olympique, ndlr] n’a rien imposé au dessinateur». «La création des affiches est un exercice libre pour chaque comité d’organisation : les seuls impératifs du cahier des charges du CIO sont la présence du logo de l’édition, le numéro de l’olympiade ainsi que les dates des Jeux», détaille le comité organisateur de Paris 2024.

Autrement dit, si cela avait fait partie de son projet, assure le comité, Ugo Gattoni aurait été libre de représenter une croix ou un drapeau. Dans un premier temps, des commentaires avaient suggéré qu’en écartant toute représentation de signes religieux ou politiques, les organisateurs s’étaient conformés à la règle 50 de la charte olympique. Intitulée «publicité, démonstrations, propagande», la disposition porte autant sur la propagande des athlètes, les sites olympiques, que sur les symboles et équipements (uniformes, tenues, dossards, mascotte officielle…). Et elle prévoit notamment qu’«aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique».

Mais cette règle n’a rien à voir avec l’absence de drapeau français ou de croix chrétienne sur les affiches, assure encore le Cojo. S’il ne semble pas renvoyer vers une consigne formelle sur le sujet donc, force est de constater que l’absence du drapeau du pays hôte s’inscrit tout de même dans une sorte de tradition tacite. En effet, aucune des affiches des précédentes éditions, dans un passé assez récent, n’a représenté le drapeau du pays organisateur. C’était ainsi le cas de celles de Londres en 2012, Rio en 2016, ou Tokyo en 2020-2021.

Et c’est d’autant plus vrai que la question des drapeaux a pu provoquer, il y a longtemps, des crispations. L’affiche des Jeux de Stockholm, en 1912, avait été critiquée car elle était justement conçue autour des drapeaux nationaux, représentés dans une superposition de couches, avec le drapeau suédois figuré au premier plan. Le comité d’organisation de l’époque avait défendu son choix en arguant que c’est la gamme des couleurs qui avait régi l’ordre des drapeaux, et non pas des considérations politiques. Quant à l’affiche de cette année, le Cojo fait valoir que «le triptyque bleu-blanc-rouge a quand même été représenté, sur la cocarde des mascottes et les avions de la patrouille de France». Auprès de l’Equipe, le comité rajoute que «d’autres symboles de la France, tels que Marianne» sont présents sur l’affiche.