Au lendemain de la victoire de l’équipe de France face à l’Espagne (2-1) en finale de la Ligue des nations, dimanche 10 octobre, l’ancien attaquant de l’équipe de France, Olivier Giroud se livrait dans une interview au quotidien britannique The Guardian. L’international français, qui n’a pas disputé la phase finale de la compétition, y évoque la possibilité de remporter une médaille : «Apparemment, N’Golo Kanté et moi pouvons avoir des médailles pour la Ligue des nations car nous avons été fortement impliqués dans les qualifications. C’est donc un bel ajout à mon tableau d’honneur, n’est-ce pas ?»
Les deux internationaux, comme d’autres joueurs ont en effet disputé les premiers matches de la compétition qui a débuté en septembre 2020 pour les Bleus. Si Olivier Giroud est l’auteur de trois buts durant cette compétition, dont un doublé contre la Suède (4-2), l’attaquant français n’a pas été sélectionné depuis l’Euro 2020 et n’a donc pas disputé la fin de la compétition. Alors peut-il comme il le prétend, recevoir une médaille malgré son absence lors des derniers matches ?
Pas de médailles pour Giroud et Kanté...
Dans le règlement de la Ligue des nations rédigé par l’UEFA, l’article 10.05 indique que «l’équipe gagnante reçoit 40 médailles d’or». Et juste en dessous, que «la production de médailles supplémentaires n’est pas autorisée». Les joueurs du groupe tricolore de la phase finale composé de 23 joueurs sélectionnés par Didier Deschamps, l’entraîneur de l’équipe de France, le 30 septembre dernier ont chacun reçu l’une médaille de ces 40 médailles. «Ces médailles ont été distribuées sur le terrain après la finale par le président de l’UEFA aux joueurs et une médaille a été remise à l’entraîneur principal», confirme l’UEFA, contactée par CheckNews. Le reste a été remis à la Fédération française de football (FFF) selon l’instance internationale. Karim Benzema qui n’avait, au contraire d’Olivier Giroud, pas disputé les phases préliminaires de la compétition est donc reparti avec sa médaille autour du cou. Les sept joueurs du groupe qui ne sont pas rentrés sur le terrain lors de la demi-finale et la finale face à la Belgique et l’Espagne sont eux aussi tous repartis avec une breloque. C’est le cas de Mattéo Guendouzi, le milieu de terrain de l’Olympique de Marseille (OM), qui a ajouté ce titre à son palmarès sans n’avoir encore jamais disputé une seule minute de jeu sous le maillot de l’équipe de France.
«Les médailles sont décernées aux joueurs qui ont participé à la phase finale, c’est-à-dire aux 23 sélectionnés par Didier Deschamps. Les autres reviennent au staff de l’équipe de France qui les a accompagnés dans leur parcours», a précisé la FFF à CheckNews. Interrogée sur le cas d’Olivier Giroud et de N’Golo Kanté, la fédération est unanime, ils ne peuvent prétendre à une médaille. «Si on donnait des médailles aux joueurs qui ont participé aux éliminatoires de la Ligue des nations ça créerait un précédent, rétorque la FFF. C’est pareil à chaque compétition ! Certains joueurs ont aussi participé aux éliminatoires de la Coupe du monde 2018, mais pas à la phase finale. On ne peut pas leur donner de médailles.» Après le sacre du Mondial, 50 médailles avaient été distribuées à la FFF selon le règlement de l’UEFA. Là aussi, 23 ont été distribuées aux joueurs présents en Russie et le reste au staff qui représente «une vingtaine de personnes», selon la Fédération.
… mais une récompense financière
Au-delà des médailles, les récompenses sont aussi financières. Pour le titre de la France à la Ligue des nations, la FFF devrait toucher une somme importante, liée aux primes de la compétition, qui selon cette dernière «ne sont pas déterminées à ce jour» (l’Equipe l’a toutefois évaluée à 10,5 millions d’euros). Néanmoins, conformément à ce qu’avait annoncé Noël Le Graët, le président de la FFF, avant la Coupe du Monde 2018, à chaque victoire de l’équipe de France, les joueurs et le staff touchent 30% de la somme accordée par l’UEFA. Le total est ensuite réparti à parts égales entre les 23 joueurs du groupe de la phase finale, peu importe s’ils sont entrés sur le terrain ou non. Par exemple Mattéo Guendouzi ou Benoît Costil qui n’ont pas joué pendant le dernier carré de la Ligue des Nations, toucheront la même somme que Karim Benzema et Kylian Mbappé qui ont marqué au cours des deux derniers matches.
A ces primes de résultat s’ajoutent des recettes de «droit à l’image», générées par les sponsors et autres partenaires de la Fédération qui utilisent l’image des joueurs à des fins publicitaires notamment. Elles sont engrangées à chaque match de l’équipe de France et concernent tous les joueurs du groupe retenu pour les rencontres. Si Olivier Giroud et N’Golo Kanté ne bénéficieront pas des primes de résultat liées à la compétition ni de la distinction symbolique, ils ne repartent pas bredouilles, car ils ont touché des revenus des matches de qualification.
Ces joueurs titrés sans avoir disputé une minute de jeu
En 2018, lorsque la France est sacrée championne du monde, si tous les joueurs étaient sur la feuille de match lors de chaque rencontre, titulaires ou remplaçants (contrairement à l’Euro 2020, où trois joueurs devaient rester en tribunes car le groupe était composé de 26 éléments), deux joueurs n’ont pourtant pas disputé une seule minute de jeu. C’est le cas d’Alphonse Aréola, le troisième gardien de l’équipe de France, qui est ainsi devenu le premier joueur français de l’histoire à être titré champion du monde sans aucune sélection officielle. Et le deuxième de l’histoire du football mondial. Avant lui, Hector Zelada, troisième gardien de la sélection d’Argentine lors du Mondial 1986, était le seul joueur au monde à avoir soulevé le trophée sans la moindre cape. Mieux, il ne disputera d’ailleurs aucun match sous le maillot de l’Albiceleste durant toute sa carrière. Alphonse Aréola aura plus de chance, même s’il devra attendre deux mois après avoir soulevé la coupe pour disputer sa première sélection en Bleus en tant que titulaire en septembre 2018.
Toujours lors de la compétition en Russie, Adil Rami, l’ancien défenseur de l’équipe de France fut lui aussi sacré champion du monde sans même disputer une seule minute de jeu. C’est le seul joueur de champ des Bleus a ne pas avoir foulé les terrains russes. «C’est tout à leur honneur, ce sont des joueurs essentiels dans la vie d’un groupe lors d’une compétition, raconte François da Rocha Carneiro, docteur en histoire spécialiste de l’équipe de France et auteur du livre les Bleus et la coupe : de Kopa à Mbappé (2020). Ceux qui ne disputent pas souvent de matches lors de ce type de compétition, ce sont surtout les deuxièmes et troisièmes gardiens, comme Aréola en 2018. Ils sont nombreux dans l’histoire du football.»
Tout dépend des choix du sélectionneur, qui compose un groupe en sachant pertinemment que tous ses joueurs ne pourront pas jouer. «Ce sont des joueurs pourtant indispensables, on ne le dit pas assez. Le troisième gardien, c’est lui qui prend tous les coups de la part des attaquants qui sont en plein doute. C’est lui aussi qui reste plus tard pour entraîner les autres gardiens, poursuit François da Rocha Carneiro. Et pour certain ce dévouement paie, comme le gardien tricolore Albert Rust qui ne joue pas lors de l’Euro 1984 (le premier remporté par les Bleus), mais sera titulaire un mois plus tard avec l’équipe de France olympique sacrée à Los Angeles.» L’historien cite également Bernard Lama, titulaire lors de l’Euro 1996, puis écarté en faveur de Fabien Barthez lors de la Coupe du monde 1998. Cette année-là, Aimé Jacquet lui proposera de disputer le troisième match de poule des Bleus face au Danemark, mais le portier refuse, pour ne pas être «un sujet perturbant pour le groupe», se confie-t-il des années après au journal le Monde. Celui qui a choisi de se mettre au service de Fabien Barthez est titré sans jouer un seul match du Mondial, où la France décroche la première étoile de son maillot tricolore. En 2000, lors de l’Euro, il disputera un match lors des phases de poule avec les Bleus, là aussi sacrés. De quoi afficher l’un des plus beaux palmarès de l’histoire de l’équipe de France.