Question posée par Jacques, le 24 juillet
L’Assemblée nationale votait samedi 23 juillet, la suppression de la redevance, qui finance l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, l’INA et consorts), dans le cadre des mesures de soutien au pouvoir d’achat. La promesse du candidat Emmanuel Macron, qui souhaitait rendre 138 euros aux Français (le coût de la redevance par foyer) a été approuvée par les députés, qui ont adopté en première lecture l’article 1 du projet de loi de finances rectificative, à 170 voix pour et 57 contre.
Depuis le début des discussions, les salariés et les dirigeants de l’audiovisuel public, ainsi que les partis de gauche, s’inquiétaient notamment de la perte d’indépendance des médias que représente une telle décision. Ainsi, sur les 57 votes opposés au projet de loi, 53 sont des élus de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), qui s’était fermement positionnée contre le texte.
Vous vous interrogez cependant sur ce nombre, qui peut sembler faible si on le rapporte aux 151 députés Nupes qui siègent à l’Assemblée. Pour quelle raison la gauche a-t-elle boudé le scrutin ?
CheckNews a fait le décompte grâce au détail des votes disponible sur le site de l’Assemblée. Dans le groupe de la France Insoumise, 36 députés sur 75 ont voté. Chez les socialistes, 4 membres du groupe se sont manifestés, sur 31. Enfin, 7 élus écologistes sur 23 se sont exprimés, ainsi que 6 députés de la gauche démocrate et républicaine, sur 22.
«C’était joué d’avance»
Selon Arthur Delaporte, député socialiste de la 2e circonscription du Calvados, malgré les absents, la logique de représentativité est assurée. «La Nupes représente environ 25 % de l’hémicycle au complet. Là elle représentait également quasi 25 % des votes pour ce scrutin», avance le porte-parole du groupe socialiste. Soit 51 votants de la Nupes, sur 227 suffrages exprimés.
«Les députés LFI ont fait un effort substantiel pour être présent. Malgré la fatigue de la semaine, nous étions le groupe le plus présent en proportion», insiste de son côté la députée France Insoumise, Alma Dufour. Parmi les trois principaux groupes, LFI était en effet le plus représenté. 48 % des députés de la formation étaient présents au moment du scrutin, contre 47 % pour la majorité (Renaissance) et 40 % pour le Rassemblement national.
«Si nous nous étions plus mobilisés, la majorité aurait fait de même», ajoute Alma Dufour. Plusieurs députés interrogés par CheckNews nous font part de la même idée, selon laquelle la majorité fait généralement venir ses élus en fonction de la présence des autres formations. De fait, «c’était joué d’avance», selon les députés Nupes. Les trois autres groupes les plus importants, Renaissance, RN et LR (qui représentent plus de la moitié de l’hémicycle à eux trois, soit 308 députés), étant favorables à la suppression de la redevance.
La gauche a ainsi tenté de trouver des alternatives lors des débats. Le parti socialiste préconisait par exemple une réforme de la contribution à l’audiovisuel public, pour la transformer en une contribution audiovisuelle universelle et progressive, soutenue notamment par l’économiste Julia Cagé, dans une tribune à Libération. L’amendement a cependant été rejeté.
Un calendrier mouvementé
Les députés Nupes interrogés par CheckNews déplorent, par ailleurs, un calendrier chargé, avec une semaine durant laquelle trois projets de lois ont été discutés, représentant «plus de 60 heures de débats», de jour comme de nuit. «Nous avons siégé dans des conditions catastrophiques», regrette Alma Dufour. Selon Arthur Delaporte, «certains députés ont dormi à peine trois heures par nuit, pour être présents à tous les débats et votes de la semaine». À la présence des députés dans l’hémicycle, il faut également ajouter «tous les travaux annexes réalisés en commission, en circonscription ou pour préparer les séances», détaille l’élu du Calvados.
Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, pointe également ce problème de calendrier. «Le calendrier parlementaire a été organisé et réorganisé à plusieurs reprises de façon unilatérale par le gouvernement, avec l’ouverture des travaux un samedi matin. Cela ne donne aucune visibilité et prévisibilité. Beaucoup de députés avaient des obligations en circonscription, dont certaines sont loin de Paris».
Résultat, des députés épuisés samedi matin, qui ont dû réorganiser leur calendrier. C’est le cas d’Arthur Delaporte, qui n’a pas participé au vote, et explique à CheckNews avoir dû se rendre dans sa circonscription, samedi matin, pour un rendez-vous qu’il ne pouvait pas déplacer. Après une prise de parole dans l’hémicycle, tôt dans la matinée, il s’est éclipsé pour prendre son train à 11 h 27, direction la Normandie.
Auprès de CheckNews, Boris Vallaud cible, de fait, un autre problème : l’interdiction des «délégations de vote». En effet, un député ne peut déléguer son vote, sauf cas exceptionnels, prévus par l’ordonnance du 7 novembre 1958. Ainsi, six motifs peuvent faire l’objet d’une délégation : «maladie, accident ou événement familial grave», «mission temporaire confiée par le gouvernement», «service militaire accompli», «participation aux travaux des assemblées internationales», «en cas de session extraordinaire» ou «cas de force majeure appréciés par décision des bureaux des assemblées».
Le président du groupe socialiste assure néanmoins que les députés de la Nupes seront «fortement mobilisés pour le vote sur la totalité du projet de loi de finances rectificative pour 2022», dans la nuit de lundi à mardi.