Sur la photo de famille des députés du RN, prise mercredi 10 juillet sur les marches du Palais-Bourbon, Roger Chudeau pose tout sourire au côté de ses collègues et de la présidente du groupe, Marine Le Pen. Il y a pourtant moins de deux semaines, le 28 juin, elle critiquait vertement ce même Roger Chudeau, après qu’il s’est positionné pour que les «postes ministériels [soient] tenus par des Franco-français, point final». Des propos «totalement contraires au projet du Rassemblement national», s’indignait alors Marine Le Pen sur le plateau de CNews, «je pense que Jordan Bardella ne laissera pas les choses en l’état», continuait-elle. Mais à l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune sanction n’a été prise à l’encontre du député : ni retrait d’investiture, ni retrait du parti, ni retrait du groupe à l’Assemblée nationale.
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Roger Chudeau avait déjà évoqué les emplois ministériels comme faisant partie du périmètre des emplois interdits aux binationaux dans une première intervention sur BFMTV. Mais c’est la désignation nominative de plusieurs ex-ministres qui a déclenché la polémique, le 27 juin, lors d’une deuxième interview sur la chaîne.
«Voulez-vous qu’on prenne un exemple précis ? Najat Vallaud-Belkacem [ministre de l’Education nationale entre 2014 et 2017]. Franco-marocaine. Qu’a-t-elle fait ? Elle a cassé le collège public, bien sûr. Et surtout elle a voulu instituer au CP, au cours préparatoire, des cours d’arabe», avance-t-il, sourire aux lèvres. Outre que cette affirmation est trompeuse en l’état, le député persiste et signe à la relance du journaliste. «Cela veut donc dire selon vous, qu’elle n’aurait pas dû être ministre du fait de sa double nationalité ?» lui demande le journaliste. «Complètement, je pense que c’était une erreur et que ce n’était pas une bonne chose pour la République», répond Roger Chudeau. Réponse plus timide lorsqu’on l’interroge sur l’actuelle ministre de la Culture et Franco-marocaine, Rachida Dati. «Non mais, Rachida… non, mais… je ne vais pas faire un palmarès des gens», hésite-t-il, avant de répondre sur le cas de Manuel Valls, Franco-espagnol et ex-Premier ministre, «écoutez, je pense que ce n’est pas souhaitable».
«Cela m’a glacée d’effroi»
Les propos de Roger Chudeau sont dénoncés par la principale intéressée, Najat Vallaud-Belkacem, le soir même sur X et le lendemain sur BFMTV. «Cela m’a glacée d’effroi», exprime-t-elle à leur micro. Une indignation qui atteint jusqu’au président de la République, en déplacement à Bruxelles, qui évoque le lendemain de l’interview «une dissolution des esprits et des consciences». Face au tollé, les principaux responsables du RN réagissent. Jean-Philippe Tanguy, le 28 juin, dit «regretter les propos de Chudeau» en précisant ne pas vouloir «l’accabler». Le même jour, sur CNews, Marine Le Pen se dit «estomaquée» par ces propos qu’elle ne partage «absolument pas».
Dans la même interview, si elle incite Bardella à ne pas laisser «les choses en l’état», elle justifie le maintien de l’investiture de Roger Chudeau dans le Loir-et-Cher : «On ne peut pas retirer l’investiture à deux jours [du scrutin]», avance-t-elle. C’est pourtant ce qu’avaient fait La France insoumise et la frange LR d’Eric Ciotti avant le premier tour, à l’encontre de candidats ayant tenu des propos antisémites. Mais surtout, le RN aurait tout à fait pu demander à Roger Chudeau de ne pas s’inscrire au second tour des législatives, la date limite étant le mardi 2 juillet. Cela a été fait pour Ludivine Daoudi, candidate RN désavouée du fait de photos déterrées sur lesquelles elle arbore une casquette nazie. C’est aussi de cette manière que plus de 200 candidats de la gauche et du camp présidentiel se sont désistés au second tour.
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Cela n’a pas été le choix de Jordan Bardella. Interrogé au sujet des candidats problématiques de son parti, le 4 juillet sur BFMTV, il minimise les propos de Roger Chudeau. Dans cette interview, le journaliste compare ses propos avec ceux de Daniel Grenon – qui a également été élu mais ne participe pas, lui, au groupe RN à l’Assemblée – pour qui les «Maghrébins […] n’ont pas leur place dans les hauts lieux». Une comparaison qui ne tient pas pour le président du RN. «Ce n’est pas la même chose, ce ne sont pas les mêmes propos», justifie-t-il. Quand le journaliste demande ensuite s’il ne siégera pas dans le groupe parlementaire, Jordan Bardella répond «non, non» sans que l’on ne sache précisément s’il évoque le cas de Daniel Grenon ou celui de Roger Chudeau.
🏛🇫🇷 De retour à l’Assemblée nationale avec mes collègues du @groupeRN_off ! Merci aux 10 millions d’électeurs qui nous ont fait confiance.
— Roger Chudeau (@ChudeauR) July 10, 2024
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L’hypothèse d’une éventuelle mise à l’écart de Roger Chudeau est donc tombée à l’eau mercredi 10 juillet. Date à laquelle l’élu s’est affiché avec le groupe RN lors de la rentrée à l’Assemblée. Interrogé par une journaliste de BFMTV, il répond qu’il y siégera en effet. «Evidemment», ajoute-t-il. Interrogée par CheckNews sur d’éventuelles sanctions à son encontre, la direction du RN n’a pas souhaité répondre.