La mise à jour est apparue à la mi-journée, ce mercredi 8 novembre. Sur le site de Radio France, dans la description de tous les épisodes donnant la parole à la chercheuse Sophie Pommier, intervenante à Sciences-Po et ancienne collaboratrice du quai d’Orsay, est à présent rédigé ce disclaimer : «Cette émission a été enregistrée et diffusée le 20:08 /2013. Mme Pommier est intervenue ponctuellement dans certaines émissions en lien avec ses activités de chercheuse. Ultérieurement, en novembre 2023, nous avons pris connaissance de propos et d’actes que nous condamnons avec la plus grande fermeté. Nous tenions à en informer nos auditeurs.»

En cause ? Une vidéo relayée la veille par le député Meyer Habib, montrant Sophie Pommier en train d’arracher des murs de Paris des portraits d’otages israéliens retenus par le Hamas depuis le 7 octobre. Alors que plusieurs personnes la filment et la prennent à partie, la chercheuse répond : «Combien de personnes sont mortes à Gaza ? Israël est un Etat assassin !»

Dans la foulée, plusieurs institutions auxquelles a été rattachée Sophie Pommier par le passé ont été sommées de réagir. A commencer par le ministère des Affaires étrangères qui, par voie de communiqué, a condamné «une attitude, un comportement et des propos totalement indignes qui disqualifient entièrement cette personne pour entretenir la moindre relation de travail avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères». Et a indiqué que «bien que cette personne n’ait plus de relations contractuelles avec ce ministère depuis l’été dernier, une enquête administrative sera diligentée à partir de ce jour à la demande de la ministre [Catherine] Colonna sur les conditions de son recrutement».

A son tour, Sciences-Po Paris a expliqué que «Sophie Pommier n’enseigne plus depuis 2014 à Sciences-Po, où elle était vacataire. Nous condamnons fermement les propos et actes tenus dans cette vidéo qui ne reflètent en rien les valeurs de Sciences-Po».

Sur un autre plan, des internautes n’ont pas manqué de relever la participation de la chercheuse à plusieurs émissions de la radio publique. Ils relèvent «18 podcasts sur le site de Radio France» où figure Sophie Pommier. Le fondateur d’Atlantico Jean-Sébastien Ferjou en déduit ainsi que «son antisémitisme devait bien être un chouïa perceptible… mais peut-être que ça ne dérange pas tant que ça sur certaines antennes».

Une autre internaute dénonce une «propagande “antisioniste” avec nos impôts». D’autres en profitent pour décrire Radio France comme un «petit paradis pour l’extrême gauche antisémite».

Sophie Pommier est consultante au sein du cabinet de conseil Méroé, spécialisé sur le monde arabe. Elle est également membre du conseil de rédaction et du comité éditorial de la revue Orient XXI, média en ligne sur le monde arabe. En 2008, elle publiait Egypte, l’envers du décor aux éditions la Découverte.

Elle est donc avant tout spécialiste de l’Egypte et c’est à ce titre qu’elle a été invitée dans de nombreuses émissions sur France Culture entre 2011 et 2015, que CheckNews a écoutées. D’autres épisodes, entre 2007 et 2009, sont aujourd’hui indisponibles. Sur l’appli de Radio France, on retrouve également une invitation de Sophie Pommier sur France Inter, et trois invitations chez RFI, radio publique du groupe France Média Monde, dont un accord de diffusion explique la présence sur l’application mobile. A chaque fois, le sujet de l’émission porte sur l’Egypte, à travers les différences phases de turbulences politiques qui ont traversé le pays depuis la chute de Moubarak.

Exception notable : la diffusion, récente, d’une émission de Cultures Monde (France Culture) le 18 octobre 2023, intitulée : «Attaque du Hamas contre Israël, l’onde de choc : le Moyen-Orient rattrapé par la question palestinienne.» Mais là encore, Sophie Pommier n’est interviewée que pour donner un éclairage sur la position de l’Egypte en tant que voisine du conflit – le politologue Ziad Maged et le chercheur David Rigoulet-Roze étant les deux principaux invités de cet épisode. La chercheuse y décrit, côté égyptien, la «peur d’un afflux massif d’une population palestinienne qu’il faudrait prendre en charge dans une région relativement instable». Elle mentionne également la zone du Sinaï, compliquée à gérer pour les autorités égyptiennes, en raison, entre autres, d’une «présence de militants de Daech», parmi lesquels, dit-elle, «il n’est pas exclu qu’il y ait une population résiduelle palestinienne».

Un passage de cette interview, en particulier, lui est reproché en ce moment sur les réseaux, dans le sillage de la polémique. La journaliste demande à Sophie Pommier de revenir sur le fait qu’un policier égyptien a ouvert le feu, le 8 octobre dernier, sur deux touristes israéliens et leur guide égyptien, les tuant tous. La chercheuse indique : «Le plus probable c’est que dans le contexte très tendu actuel, le policier qui a été impliqué dans cette attaque a perdu son sang-froid et est passé à l’acte.» Une réponse jugée «désinvolte» par des internautes. A l’époque, une dépêche AFP relayait une chaîne égyptienne expliquant que le policier avait «tiré à l’aveuglette avec son arme personnelle sur un groupe de touristes».

Un second épisode de France Culture fait figure d’exception. Diffusé le 27 juillet 2011, il s’intitule «Gaza : fantasmes et réalité». Mais contrairement à ce que laisse entendre le titre de l’extrait, l’intervention de Sophie Pommier ne rentre pas dans le cadre du grand entretien consacré à la bande de Gaza. Mais concerne en fait, là aussi, un focus sur l’Egypte et son armée suite au départ de Hosni Moubarak. Elle y explique toutefois en quoi la diplomatie entre l’Egypte et Gaza peut changer avec l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir.

Quant aux autres épisodes, ils explorent donc différentes thématiques liées à la situation politique en Egypte. Les entretiens sont factuels et documentés. Par exemple, en 2014, dans l’émission «Les enjeux internationaux» de France Culture, elle réagit à l’élection du maréchal Sissi. En 2015, dans l’émission «Cultures Monde», elle participe à une table ronde d’actualité internationale et détaille la place de l’Egypte sur la scène internationale, ainsi que les problèmes sécuritaires dans le Sinaï face au renforcement du jihadisme. Sur France Inter en novembre 2013, dans l’émission Le téléphone sonne, elle discute du procès de Mohamed Morsi aux côtés d’autres spécialistes de l’Egypte.

Sur RFI, en 2012, elle évoque, aux côtés de Nathalie Bernard-Maugiron (EHESS) et Didier Monciaud (chercheur au Gremamo), les déboires de Mohamed Morsi et de sa nouvelle Constitution, qui traverse une nouvelle crise politique après le renversement de Moubarak. En 2015, elle est interrogée sur les frappes égyptiennes en Libye contre l’Etat islamique. D’après nos informations, elle est également intervenue dans au moins un autre court sonore récemment, pour décrire la position de l’Egypte dans la guerre entre Israël et le Hamas.

Au-delà de la précision dans ses articles, le groupe Radio France, contacté par CheckNews, indique : «A l’époque, rien ne pouvait laisser entendre ce positionnement. Les équipes de Radio France condamnent totalement ces propos.» RFI, également sollicitée bien que les publications sur les réseaux ciblent principalement Radio France, a donné cette réponse : «Sophie Pommier a été interrogée par RFI le 25 octobre dernier pour commenter la position égyptienne dans le conflit qui oppose Israël au Hamas, compte-tenu de sa spécialisation universitaire, et elle n’a en aucun cas été amenée à s’exprimer sur la situation des otages détenus par le Hamas. Au regard de l’épisode rendu public ces derniers jours, elle n’interviendra plus sur les antennes de RFI et de France Médias Monde en général.»