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Que nous disent ces images de réfugiés sur les plages de Gaza ?

Une vidéo montrant des Gazaouis sur les plages de l’enclave a massivement fait réagir en France et en Israël. On y voit des réfugiés, profiter d’une brève accalmie pour se rafraîchir dans l’eau.
Des Palestiniens sur la plage de Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 avril. (AFP)
publié le 18 avril 2024 à 21h11

Depuis mercredi 17 avril, différentes personnalités médiatiques, politiques, d’extrême droite ou soutiens d’Israël, ont agité une vidéo qui contredirait, selon eux, la thèse de massacres en cours à Gaza. Ces images – des Gazaouis à la plage – ont d’abord été diffusées en Israël par la chaîne publique israélienne N12, puis en France par le relais pro israélien (et ancien porte-parole de l’armée israélienne) Julien Bahloul. Viennent ensuite Isabelle Balkany, ancienne première adjointe de Levallois-Perret, condamnée en première puis en deuxième instance pour fraude fiscale, et l’essayiste Rachel Khan, qui a tweeté sur X (anciennement Twitter) en commentaire : «J’aime bien celui qui travail (sic) son summer body en faisant des pompes.»

La séquence en question est bien réelle. Elle a été partagée par le gazaoui Osama Al-Kahlout en début d’après midi le 17 avril, en story (contenu éphémère) sur son compte Instagram. Durant un peu moins de quarante secondes, on aperçoit une large foule (des centaines de personnes) le long de la côte de Gaza. Beaucoup d’enfants et de jeunes sont visibles, certains jouent au foot, d’autres avec du sable ou dans l’eau.

Comme plusieurs médias internationaux l’ont expliqué mercredi, les Gazaouis ont profité d’une brève accalmie militaire pour aller se baigner. «Aujourd’hui, c’était l’occasion pour nous d’aller à la mer. A cause de la forte chaleur, la tente est comme un four, et l’air est comme le feu», raconte à l’AFP Mahmoud Al-Khatib, 28 ans, qui a dû fuir la ville de Gaza, au nord, avec sa femme et ses enfants. La mer est aussi utilisée par certains réfugiés gazaouis depuis le début du conflit pour la vaisselle ou se laver, sur fond de pénurie d’eau potable.

Tentes de réfugiés

CheckNews a précisément géolocalisé la séquence sur la côte, à proximité de la ville de Deir el-Balah, au centre de Gaza. Différentes images ont capté la même scène, avec un autre plan. Comme le montrent d’autres vidéos authentifiées par CheckNews (comme celle-ci, filmée un kilomètre plus au nord-est), ainsi que des images satellites (prisent il y a plus de deux semaines, le 3 avril) transmises par Planete, des centaines de tentes de réfugiés se trouvent dans la zone. Directement sur la côte, ou parfois sur les plages.

La séquence évoquée plus haut est loin d’être la seule à avoir filmé des Gazaouis sur les plages de l’enclave. Hassan Aslih, un autre journaliste palestinien, a publié plusieurs vidéos (éphémères) similaires, filmées le même jour. Le bruit des vagues est mêlé aux cris de jeux des enfants qui s’amusent. Dans l’une d’elles, il interroge un jeune garçon sorti de l’eau : «Comment est la mer ?» «Bonne», répond ce dernier avec un grand sourire. Le photographe fait une blague sur ses yeux clairs qui «seraient devenus bleus» à cause de l’eau, avant de lui demander pourquoi ce dernier est venu à la plage aujourd’hui. Visiblement interloqué par la question, le garçon répond simplement «pour nager».

Ces images de plages de Gaza, partagées par différents médias de l’Etat hébreu, ont massivement été commentées en Israël. Certains, comme le commandant du bataillon 7 007 sur Facebook ou des familles d’otages demandant une réaction ferme. Jusqu’au ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, qui demandait sur Twitter la dissolution du cabinet de guerre actuel, constatant que des «milliers de personnes se baignent à la plage», alors que le Hezbollah menace Israël dans le Nord.

Mais ces bandes de sables, ici joyeuses, ont également été le théâtre de tueries ces six derniers mois. Plusieurs dizaines de personnes ont été abattues au début du conflit dans des circonstances floues le long de la route côtière, comme en attestent différentes séquences authentifiées. Plus récemment, le 29 février, le «massacre de la farine» aurait fait plus d’une centaine de morts, d’après le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas, quand les forces israéliennes ont, d’après de nombreux témoignages concordants rassemblés par CheckNews et différents médias comme CNN, ouvert le feu sur la foule pendant une distribution d’aide humanitaire, déclenchant un mouvement de panique.