Question posée par Pichota le 29 septembre
Alors que la France s’est lancée dans une nouvelle campagne de vaccination contre le Covid, vous nous interrogez au sujet d’un post partagé par Elon Musk sur X (ex-Twitter), dénonçant les supposées fake news des laboratoires – et des médias – lors de la pandémie de Covid. Le tweet du propriétaire du réseau social, vu plus de 75 millions de fois, est introduit par une question sous forme d’un jeu de mots : «Have you heard dis information ?» Ce que l’on peut d’abord comprendre comme «avez-vous entendu cette information ?» Le «dis» fonctionne ici à la fois comme graphie alternative à «this», mais aussi comme préfixe transformant «information» en «disinformation». Ce qui donne alors cette traduction : «Avez-vous entendu cette désinformation ?»
Have you heard dis information?
— Elon Musk (@elonmusk) September 26, 2023
pic.twitter.com/sHljBLYNfq
La supposée «désinformation» est présentée sous forme d’un montage vidéo de 93 secondes, qui égrène en musique 110 titres et extraits d’articles de presse anglophones liés à la vaccination contre le Covid 19. Une séquence qui circulait déjà il y a un an sur les réseaux sociaux, à laquelle Musk redonne donc une considérable visibilité.
Les 73 premiers extraits (57 premières secondes) évoquent ou nomment un ou plusieurs vaccins anticovid. Avec, à chaque fois, la mention d’un pourcentage relatif à l’un des critères permettant de juger de l’efficacité du ou desdits vaccins. Les captures d’écran se succèdent en affichant ces pourcentages par ordre décroissant, partant d’articles affichant une efficacité de 100%, jusqu’à tomber à un modique 20%. Le tout suggérant soit une érosion progressive de l’efficacité des vaccins, soit une tromperie initiale des laboratoires quant à l’efficacité des vaccins. Tromperie relayée par des médias, qui auraient été contraints de reconnaître au fil du temps que l’efficacité des vaccins était bien moindre que celle annoncée initialement.
Un cas grossier de manipulation
Suivent 14 titres d’articles relatifs à la nécessité de doses de rappel (suggérant que la presse, après avoir réalisé une supposée faible efficacité des primodoses de vaccin, aurait été poussée à promouvoir l’injection d’une troisième dose). Viennent ensuite onze titres articles liés à des restrictions d’utilisation après l’«identification d’effet secondaire» (une manière de dire qu’en plus d’être inefficace, les vaccins se sont révélés nuisibles pour la population), et enfin dix articles sur les bénéfices rondelets des laboratoires. La séquence se conclut sur le titre d’un article évoquant le risque potentiel à déployer des vaccins trop rapidement.
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Ironiquement, la vidéo supposée dénoncer une désinformation généralisée – selon le sous-entendu de Musk – constitue, en elle-même, un cas grossier de manipulation de l’information. En effet, les «pourcentages» qui s’effondrent progressivement portent sur des études ou essais réalisés à des dates différentes, pour des vaccins différents, avec des schémas de vaccination différents, pour des critères (très) différents, sur des populations d’âge différents, à des délais variables après la dernière injection, dans des pays différents, à des dates différentes, face à des variants différents.
Bref, il n’y a aucun sens à comparer l’efficacité estimée de deux doses du vaccin Pfizer contre l’infection symptomatique par la souche circulant mi-2020, avec – par exemple – la protection conférée contre les infections asymptomatiques par le variant delta par un tout autre vaccin. Un non-sens qui est, pourtant, l’essence même de cette séquence – les comparaisons impossibles étant multipliées à l’envi.
Dissimuler le trucage
Par ailleurs, alors que le montage suggère l’effondrement progressif du pourcentage d’efficacité, les auteurs ne se sont même pas embarrassés de respecter une quelconque chronologie. Ainsi un des articles indiquant un 100% au début du montage est daté d’octobre 2021 (efficacité après une dose de rappel du vaccin Janssen), quand le titre mentionnant une efficacité de 46% provient lui d’un article publié en février 2021, soit six mois avant (et concerne l’efficacité deux semaines après la première dose du vaccin Pfizer, avant que le schéma vaccinal à deux doses soit achevé). Les dates de certains titres affichés sont d’ailleurs tronquées pour dissimuler le « trucage ».
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Pour autant, si la compilation n’établit rien quant à la baisse de l’efficacité des vaccins qu’elle prétend dénoncer, il n’est pas exclu qu’en entrant dans le détail des articles de presse mentionnés – ce que la vidéo ne fait pas – des reproches légitimes puissent éventuellement être formulés. S’agissant de pourcentages issus d’essais cliniques, on pourrait par exemple critiquer le fait que les journalistes omettent fréquemment de préciser l’intervalle de confiance associé (de façon schématique, sous la forme d’une fourchette de résultats entre les extrémités desquelles on estime vraisemblable que le taux exact se situe). D’autres critiques pourraient certainement être formulées quant à la communication des laboratoires ou des autorités quant à l’efficacité des vaccins. CheckNews était par exemple revenu en octobre 2022 sur les propos parfois excessifs des autorités quant à l’efficacité des vaccins contre la transmission.