Maintenant qu’Emmanuel Macron a écarté l’hypothèse d’un exécutif NFP dirigé par Lucie Castets, faut-il censurer tout gouvernement alternatif ? C’est la question qui alimente un désaccord profond au sein du Parti socialiste, dont les cadres sont réunis de ce jeudi 29 août à samedi à Blois (Loir-et-Cher), à l’occasion des universités d’été du parti. Tout en répétant que le Premier ministre doit être de gauche, Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, a estimé dans le Parisien que le PS devrait s’ouvrir «aux autres forces républicaines».
Alors que le bureau national était réuni mardi pour en débattre, la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy, a reproché à Olivier Faure d’«être prêt à censurer tout gouvernement qui ne serait pas dirigé par Lucie Castets». L’édile exhorte le Premier secrétaire du parti à la rose, qui avait expliqué le matin même qu’il refusait de se rendre à l’Elysée où Emmanuel Macron a poursuivi ses consultations, à «reprendre des discussions avec le président de la République». Hélène Geoffroy, qui est aussi présidente du conseil national du PS, exige une clarification «de la forme d’union de la gauche que nous voulons» : «Nous ne pouvons pas être des supplétifs de La France insoumise […] ils ne veulent pas gouverner.»
«Il faut que le PS montre que la gauche n’est pas que LFI»
D’autres membres des instances se sont exprimés dans le même sens. «La responsabilité du bloc arrivé en tête, à savoir la gauche, aurait dû être de chercher une majorité de consensus plutôt qu’un casting de Premiers ministrables putatifs», juge Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris. «Nous ne sommes pas favorables à une censure systématique d’un gouvernement qui ne serait pas mené par Lucie Castets. Emmanuel Macron peut nommer une personnalité de gauche qui portera un projet de gauche», considère Nicolas Mayer-Rossignol, l’édile de Rouen. Interrogé par CheckNews, le sénateur du Val-d’Oise Rachid Temal rappelle d’abord que l’ensemble du PS avait accepté de se ranger derrière le NFP pour faire barrage au RN. Mais pour l’élu, désormais, «il faut que le PS montre que la gauche n’est pas que LFI. On ne veut pas s’abîmer avec des gens comme Jean-Luc Mélenchon. Toutes ses outrances sont un problème pour la gauche.»
A lire aussi
En face, un soutien d’Olivier Faure glisse que les échanges lors du bureau national n’étaient «pas très virulents» et que «la méthode a plus été critiquée que le fond». Lequel en veut «pour preuve que Nicolas Mayer-Rossignol a retweeté la position arrêtée» par le bureau national. La position en question ? «La censure de tout gouvernement qui prolongerait la politique du Président.» Ce qu’a confirmé Olivier Faure à l’antenne de RTL ce jeudi : «Ce que les socialistes ont dit unanimement, c’est qu’ils ne participeraient pas à la prolongation du macronisme.» Mais sans ouvrir la porte, comme le lui demandent les socialistes des courants emmenés par Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, à un exécutif sans Lucie Castets qui conduirait une politique de gauche. Et en se refusant à qualifier Jean-Luc Mélenchon de «problème».
«51 % du vote des militants»
Combien sont-ils, aujourd’hui, à critiquer la ligne tenue par Olivier Faure ? «La moitié du parti», revendique le bras droit d’Hélène Geoffroy. Les proches des maires de Vaulx-en-Velin et de Rouen s’appuient sur les scores recueillis au dernier congrès du PS, qui s’est tenu en janvier 2023 à Marseille. Les militants avaient eu à départager trois textes d’orientation. Le texte d’orientation 2, avec comme premier signataire Olivier Faure, est arrivé en tête avec 49,15 % des voix, ce qui avait permis la reconduction de l’intéressé aux commandes du PS. Les textes d’orientation 1 et 3, portés respectivement par Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, ont quant à eux obtenu 20,34 % et 30,51 % des suffrages exprimés. Les membres du bureau national «issus des textes d’orientation 1 et 3» ont ainsi fait valoir qu’ils représentent, en tout, «51 % du vote des militants sur l’orientation du Parti socialiste», dans une missive adressée dimanche à Olivier Faure.
Les résultats du congrès de 2023 ont largement déterminé la composition du bureau national et du conseil national du PS. Lesquels sont en quelque sorte les organes exécutif et législatif, chargés de conduire la politique du parti. Pour ce qui est du bureau national, il compte 72 sièges. 54 membres sont désignés à la proportionnelle des textes d’orientation. Les 18 autres sont choisis parmi les premiers secrétaires fédéraux, élus dans la foulée du Congrès. Les textes d’orientation 1 et 3 dénombrent ainsi 37 membres au sein du bureau national, juste au-dessus de la moitié.
Côté conseil national, parmi les 306 sièges, deux tiers sont attribués proportionnellement aux scores des textes d’orientation. Le tiers restant revient aux premiers secrétaires fédéraux, qui sont 108. Le détail de la composition des deux instances ne figure pas sur le site du parti. Mais selon l’équipe d’Olivier Faure, sur les 306 membres, 155 soutenaient son texte d’orientation en 2023. Le Premier secrétaire disposerait donc, avec une courte avance, de la «majorité absolue».
«Aucune ambiguïté»
Par ce renvoi aux 51 %, «on n’insinue pas qu’Olivier Faure est minoritaire, mais que le parti est moitié-moitié», clarifie auprès de CheckNews Rachid Temal. Il a fallu «que la moitié du PS monte au créneau officiellement […] pour qu’Olivier Faure convoque enfin les instances démocratiques du parti», avait commenté lundi Philippe Doucet, ancien député et autre membre du bureau national.
Parler de «moitié» sous-entend que les équilibres arrêtés lors du congrès de 2023 ont été conservés. «Les textes d’orientation 1 et 3 sont main dans la main, abonde Kamel Chibli, élu occitan et membre du bureau national du PS. Pour les amis d’Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, il n’y a aucune ambiguïté : c’est “hors de question de rompre les discussions, hors de question de dire que le NFP est l’alpha et l’omega de ce qui doit se passer dans le pays”.»
Fidèle lieutenant d’Olivier Faure, le député européen Pierre Jouvet ne nie pas que les textes d’orientation 1 et 3 avancent en bloc. Et n’est pas en mesure de citer un ancien soutien d’Hélène Geoffroy ou Nicolas Mayer-Rossignol qui, dans le contexte actuel, serait favorable à la censure de tout gouvernement hors NFP. Si le secrétaire général du PS répond que les critiques à l’égard d’Olivier Faure ne concernent «pas du tout» la moitié du parti, c’est sur la base de «l’état d’esprit des militants».