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Que sait-on de cette vidéo d’enfants israéliens qui chantent à propos de la destruction totale de Gaza ?

Produite par un mouvement de soutien à l’armée israélienne, la chanson avait été relayée par la télévision publique, qui a ensuite supprimé ses publications.
Capture d'écran X (anciennement Twitter) de la vidéo d'enfants chantant en soutien à l'armée israélienne, diffusée le 21 novembre par le compte du mouvement propalestinien «The Electronic Intifada». (Capture d'écran X)
publié le 22 novembre 2023 à 16h11

Question posée par François le 20 novembre 2023.

Des dizaines de milliers de partages, et presque autant de commentaires indignés. Une vidéo publiée et reprise par de nombreux comptes propalestiniens sur Instagram et sur X (ex-Twitter) montre plusieurs enfants qui chantent en hébreu, pour célébrer la «destruction» à Gaza par les avions de l’armée israélienne, sur fond d’images de frappes militaires ou d’immeubles en ruines. «Regarde, les Forces de défense d’Israël franchissent la ligne pour anéantir les porteurs de croix gammée», chantent également les enfants.

Cette séquence de trois minutes a été traduite en anglais et diffusée par un groupe propalestinien, «The Electronic Intifada», cofondé par l’activiste américano-palestinien Ali Abunimah, qui a plusieurs fois comparé l’Etat d’Israël à l’Allemagne nazie. L’organisation dénonce des paroles «génocidaires», citant notamment un passage : «We will annihilate everyone» («Nous allons anéantir tout le monde»).

Il est difficile de savoir si ce passage (dont la traduction exacte, depuis l’hébreu, serait plutôt «Nous les abattrons tous») se réfère à tous les habitants de Gaza, comme l’interprète «The Electronic Intifada», ou si elle vise les seuls «porteurs de croix gammée», mentionnés un peu plus tôt dans la chanson. Ce qui pourrait être une référence au Hamas et à ses membres, qualifiés de la sorte, et non à tous les Gazaouis.

Reprise détournée d’un poème

La chanson est ambiguë sur un autre point. Dans la phrase qui précède, elle annonce que «d’ici un an, il n’y aura plus rien» à Gaza. Ajoutant : «Et nous pourrons retourner à la maison en sécurité». Cette dernière phrase peut faire référence aux Israéliens qui ont dû quitter les localités du sud du pays, après l’attaque du Hamas le 7 octobre, et qui pourraient retourner chez eux une fois la menace levée. Mais l’image qui l’accompagne, montrant des soldats qui brandissent un drapeau israélien dans la bande de Gaza, peut également laisser entendre que les auteurs de la chanson sont favorables à une occupation de ce territoire.

Il ne fait aucun doute, en revanche, que les paroles appellent bien à la destruction totale de Gaza.

Cette chanson est une reprise détournée d’un poème et chant, Hareut («Amitié»), comme l’explique l’hebdomadaire américain et proisraélien Jewish Press. Ecrit après la guerre de 1948 par Haim Gouri, un proche de l’ancien Premier ministre d’Israël Yitzhak Rabin, ce texte, très populaire, rend hommage à ses compatriotes morts pour la fondation de l’Etat d’Israël. Il ne comporte aucun propos belliciste, contrairement à la vidéo de 2023.

Derrière cette nouvelle version de la chanson, interprétée par des enfants originaires de localités proches de Gaza, et qui ont été évacués depuis les massacres du 7 octobre, on retrouve Ofer Rosenbaum. Ce communicant était déjà à l’origine d’une campagne d’affichage polémique, représentant des dirigeants du Hamas et du Hezbollah libanais ligotés et à genoux, aux pieds de soldats de Tsahal. Invité récemment sur un plateau de télévision, il a par ailleurs estimé qu’Israël ne devrait pas se préoccuper de la situation humanitaire à Gaza : «A partir du moment où l’autre côté a arrêté de nous traiter comme des humains […], notre devoir est de les combattre comme si ce n’était pas des humains.»

Un mouvement de soutien inconditionnel à l’armée

Ofer Rosenbaum est le fondateur du mouvement «Front Civique», qui a réalisé la chanson et la vidéo. Cette organisation, qui milite essentiellement via la création de contenus en ligne, se donne pour but de «rétablir la confiance des Israéliens envers leur système de sécurité», et de faire en sorte que «[Tsahal] puisse agir librement durant la guerre de Gaza». «Les objectifs de cette guerre, sa durée et ses méthodes d’opération [doivent] être subordonnés uniquement à la sécurité et aux besoins politiques de l’Etat d’Israël, sans prendre en considération des facteurs étrangers», estime ce mouvement, qui se dit «apolitique». Il déclare sur son site que «le Hamas est un mouvement nazi» et qu’à ce titre, «il doit être assujetti», tout comme ses complices, aux «lois qui ont permis de traduire en justice les nazis».

Interrogé par CheckNews sur le but de la vidéo ainsi que sur les paroles de la chanson, le mouvement n’a pas encore donné suite à notre sollicitation.

Après sa publication par «Front Civique», la vidéo polémique de ce chant d’enfants a ensuite été reprise par plusieurs médias, comme la chaîne d’info i24News ou Jewish Press, mais aussi par la télévision publique israélienne, dans un tweet et un article sur son site web Kan News. Ces derniers ont depuis été supprimés. Contactés, ni Kan News ni son journaliste n’ont donné suite à notre demande.