Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

Que sait-on de cette vidéo montrant un policier qui sort son arme lors de la manifestation contre les violences policières ?

Une vidéo, filmée par le média «Blast» d’un policier braquant son arme sur des manifestants a suscité l’indignation d’une partie de la gauche avant d’être critiquée en raison d’un manque de contexte, filmé par d’autres photographes.
Lors de la manifestation contre les violences policières à Paris, le 23 septembre 2023, un policier sort de sa voiture et pointe son arme vers les manifestants. (compte X @blast_france)
publié le 24 septembre 2023 à 14h39

Ce samedi 23 septembre, lors de la manifestation contre les violences policières qui s’est déroulée à Paris, à l’appel de 198 organisations, un policier a été filmé par le média en ligne Blast, en train de sortir son pistolet et de le braquer sur des personnes autour de lui, sur le boulevard de Clichy, dans le nord-ouest de Paris. «Un policier sort son arme à feu en pleine manifestation», a ainsi écrit le site d’information, lors de sa couverture en direct de la manifestation.

Dans cette vidéo de 55 secondes, on aperçoit un policier sortir de l’arrière d’un véhicule de police, puis braquer son arme sur les personnes face à lui. Un groupe important de photographes et vidéastes semble capturer la scène. L’agent remonte à bord de la voiture de police qui reste bloquée dans le trafic, malgré ses gyrophares allumés. On voit ensuite des manifestants jeter des projectiles sur le véhicule.

Une «simple patrouille» surprise par «la nébuleuse Black bloc», assure la police

«Ce geste est inadmissible» a réagi la députée EE-LV, Sandrine Rousseau, en partageant les images de Blast. «Il n’y a qu’en France où, dans une manifestation contre les violences policières, un flic vient et sort son arme en direction des manifestants», a également commenté le militant marxiste et syndicaliste cheminot Anasse Kazib, toujours en commentaire de cette vidéo.

Mais rapidement, le média, fondé par le journaliste d’investigation Denis Robert, s’est retrouvé accusé de faire de la désinformation et de manipuler ainsi ses lecteurs. Plusieurs internautes mais aussi le système des notes communautaires du réseau social X (anciennement Twitter) ont critiqué Blast pour avoir diffusé une version tronquée de la scène.

Une vidéo de 39 secondes, filmée par le photographe et membre du Collectif DR, Arnaud César Vilette (reconnaissable à sa tenue rayée rouge et blanche) montre les instants qui ont précédé la sortie du policier armé. Sur ces images, on peut voir qu’un groupe de manifestants, entièrement vêtus de noir et au visage dissimulé (un attirail qui correspond à la tactique du Black bloc) ont attaqué et poursuivi ce véhicule de police. La voiture de police enclenche son gyrophare quand elle est d’abord bloquée par les passants. Elle tente alors de prendre la fuite, d’abord en empruntant une voie réservée aux bus et taxis, mais qui est bloquée par un autocar. Le conducteur essaie ensuite de prendre la voie dévolue aux voitures mais se retrouve de nouveau empêchée dans le trafic, malgré ses gyrophares et sa sonnerie enclenchée. Plusieurs manifestants frappent le coffre du véhicule et un homme frappe violemment la vitre arrière avec une barre de fer. C’est alors que le policier sort avec son arme au poing, la braque vers ses assaillants et crie : «Recule !» Quatre secondes plus tard, il remonte à bord de la voiture qui tente de repartir.

Une source policière indique à Libération que les policiers à bord du véhicule se trouvaient à cet endroit non pas pour couvrir la manifestation mais en simple patrouille. Il s’agit de policiers du groupe de soutien des quartiers du XVIIIe arrondissement qui «se sont fait surprendre par la nébuleuse de Black Bloc. Ils n’étaient pas équipés pour le maintien de l’ordre car ils n’étaient pas en réserve mais en patrouille normale». Elle assure que le policier a réagi après que le véhicule a été bloqué dans la circulation et «a pris la décision de sortir son arme afin de faire reculer les assaillants [car] la vitre arrière gauche étant en train de céder».

«Un témoignage à l’état brut publié dans la foulée de sa prise» selon Blast

Sur BFM TV, samedi soir, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez avait livré une version similaire, assurant que cet équipage «assurait des missions de sécurisation» en lien avec «la Coupe du monde de rugby». Saluant «le professionnalisme et le grand sang froid» de ces agents, le préfet de police de Paris a précisé que «parmi cet équipage qui comportait quatre effectifs [de police], nous avons trois personnes, qui sont heureusement blessées légers. Mais nous avons quand même trois personnes blessées et qui d’ailleurs vont être conduites à l’hôpital. A ce stade, on me parle de blessures légères : ce sont quand même, pour deux d’entre eux, des traumas aux cervicales». D’après notre source policière, parmi les blessés, on compte «un effectif blessé à la tête par un projectile, un effectif blessé au visage à cause d’un coup reçu sans plus de précision et [une] collègue féminine en état de choc qui a fait un malaise lors de la montée d’adrénaline». Si on distingue bien des projectiles en direction du véhicule et des policiers, les images disponibles ne permettent pas d’identifier les moments où les policiers auraient été blessés. Laurent Nunez a également communiqué que trois «présumés suspects» ont été arrêtés en lien avec cette agression.

Joint par CheckNews, Denis Robert, le directeur de la publication de Blast, qui se voit accusé de désinformation pour avoir diffusé une vidéo décontextualisée, a dénoncé «une campagne de diffamation, de harcèlement, et d’insultes basée sur des fausses accusations qui mettent en question notre travail et notre déontologie». Le journaliste assure que «la vidéo concernée n’a été ni montée, ni remontée, ni coupée. Notre street reporter a publié ce qu’il a filmé, comme il a pu le filmer, au moment où il l’a filmé. […] La vidéo montre une arme à feu brandie par un policier dans le contexte d’une manifestation à Paris contre les violences policières. Qu’elle déplaise aux forces réactionnaires de ce pays n’est pas notre affaire. Rien n’a été tronqué. C’est un témoignage à l’état brut publié dans la foulée de sa prise.»