Une vidéo d’une grande violence, visionnée près de 3 millions de fois sur Twitter, montre un homme à bord d’un scooter tenter de braquer un taxi conduisant des touristes chinois sur le périphérique, dans le nord de Paris. «Arrête-toi !» leur assène-t-il. Le conducteur refuse de céder, entraînant une collision sous les cris de panique des passagers. La vidéo est assortie de nombreux commentaires sur les problèmes de sécurité visant les touristes étrangers en France.
Paris n'est pas si magique.
— BAD (@bad75011) May 24, 2023
Tous les jours sur la A1 les mecs pètent les voitures des taxis dès qu'ils voient des asiatiques ou des saoudiens pic.twitter.com/zhPQjgEaxR
Les images ont été tournées par He Dantong, une influenceuse chinoise, qui les a diffusées sur ses réseaux sociaux. La jeune femme de 23 ans y explique que l’agression s’est déroulée le 23 mai dans le nord de Paris, lors du dernier jour de son voyage.
L’influenceuse a également publié une vidéo plus longue montrant la tentative de vol sur Douyin (l’équivalent chinois de TikTok), où ses comptes rassemblent près de 17 millions d’abonnés. Des versions sous-titrées en anglais ont même été partagées sur TikTok pour dénoncer «à quel point il peut être dangereux de faire du shopping lorsqu’on est un étranger chinois. Et comment, à Paris, les voleurs peuvent se livrer à des actes d’une extrême violence».
@dreamjobisbeingamilf This recent viral video on chinese social media documents how dangerous the shopping experience can be when youre a chinese foreigner. And how in paris theres thieves who go to such extreme lengths. I took my time to translate her experience so that people in the west can see how big of a disparity there is between our economies and quality of living here #paris #tourist #travel #luxury #shopping
♬ original sound - Annie🌱
La vidéo choc postée par He Dantong se déroule en plusieurs actes. Tout commence par une scène où l’on découvre la vitre brisée d’une navette transportant des touristes chinois. On voit sur la banquette arrière des sacs luxueux aux logos Louis Vuitton, Chanel et Alexander McQueen. Grâce aux graffitis en arrière-plan, il est possible de confirmer que ces images ont été tournées sur le périphérique parisien, à proximité de la porte de la Chapelle. Prise de panique, He Dantong implore ses proches de sauver ses sacs. Et soudain, elle s’écrie : «Il revient !» en apercevant l’homme qui les poursuit.
La scène suivante nous emmène dans les rues au-delà du périphérique, où l’influenceuse affirme que leur poursuivant est toujours à leurs trousses. Puis, une autre séquence sur la route montre l’agresseur criant au chauffeur de s’arrêter. Ce que refuse le conducteur préférant percuter le voleur.
Enfin, une scène plus calme se déroule, à l’arrêt devant un poste de police. Il s’agit du commissariat des Lilas. He Dantong explique qu’ils s’y sont rendus pour se mettre en sécurité. Après cette pause, de nouveau sur la route mais face caméra, la jeune influenceuse raconte : «C’était vraiment horrible. Je n’ai jamais pensé que j’aurais à vivre quelque chose comme ça.» Et de critiquer sévèrement les policiers français, accusé d’avoir refusé toute aide au prétexte que les victimes n’ont pas été blessées : «Comment est-ce censé protéger les citoyens ? A quoi sert la police alors ? Quelle est la qualité de vie pour les gens ici, il n’y a pas du tout de sécurité. C’est fou ce qu’il se passe ici.» Désabusée, elle conclut en disant : «La France, c’est terminé !»
Contactée par CheckNews, la préfecture de police de Paris confirme que ces faits ont eu lieu le 23 mai. «Vers 19h30, une personne se présentant comme chauffeur s’est rendue au commissariat. Il expliquait rapidement que son véhicule avait été l’objet d’un vol à la portière, alors qu’il transportait un couple de ressortissants asiatiques, et qu’il avait suivi les recommandations lui ayant été faites par le 17 de se rapprocher au plus vite d’un commissariat. Il indiquait qu’il allait réfléchir à un dépôt de plainte, puis ressortait pour aider le couple à transférer ses affaires dans un taxi.» La préfecture assure néanmoins qu’«aucune plainte n’était à ce jour déposée concernant ces faits».
L’attaque remet en lumière les braquages visant les voitures sur l’autoroute A1, au nord du périphérique, des agressions régulièrement évoquées dans la presse ces dernières années (Libé en parlait déjà en 2006). Sur Twitter, la vidéo la plus partagée est ainsi accompagnée d’un commentaire affirmant que «tous les jours sur [l’autoroute] A1 les mecs pètent les voitures des taxis dès qu’ils voient des Asiatiques ou des Saoudiens». Selon Karim Daoud, le président de l’association des VTC de France, «malheureusement c’est un phénomène qui date et qui dure depuis des années. Avant c’étaient des personnes à pied qui attaquaient les véhicules dans les bouchons, au niveau de l’autoroute A1. Ils faisaient ça surtout à l’heure de pointe. Des piétons cassaient déjà les vitres et prenaient les sacs à main ou les valises. Là ce sont des motards qui cassent les vitres. Et ils le font dans les deux sens : parfois un touriste vient d’atterrir à Paris et il se fait voler ses affaires.» Selon Karim Daoud, les voleurs ciblent particulièrement «les véhicules de classe V», ces vans ou navettes de six places, «car ils sont à la hauteur des délinquants, qui n’ont même pas besoin de se baisser».
Mouhssine Berrada, le président de l’Union nationale des taxis parisiens considère, lui, que la situation s’est améliorée : «Il y a quelques années de cela, l’autoroute A1 au niveau du tunnel Landy, mes collègues se faisaient fréquemment casser leurs vitres latérales et voler les bagages des clients, mais les autorités (ministère de l’Intérieur et préfecture de la police) ont réussi à mettre un terme à ces attaques avec de la surveillance et le contrôle de ladite zone Landy, jusqu’à cette dernière attaque».
Interrogée par CheckNews, la préfecture de police de Paris affirme également que «le phénomène est en pleine décroissance». La mise en place d’«un dispositif spécifique mobilisant les services de police locaux, ainsi que des renforts, notamment des survols par hélicoptère de l’autoroute A1 ou l’installation de caméras de surveillance». La préfecture assure que «sur le département de la Seine-Saint-Denis, -38,4% de faits en moins ont été constatés en 2022, comparé à 2021 (-30% sur l’agglomération). Sur les quatre premiers mois de l’année 2023, on enregistre une baisse de -38,7% des faits par rapport aux quatre premiers mois 2022 en Seine-Saint-Denis (-38,2% dans l’agglo). On passe donc de 80 à 49 faits commis en Seine-Saint-Denis cette année».